Derrière le hublot se cache parfois du linge : Coup de coeur du Off 2023

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Un gros tas de linge.

C’est une belle image pour illustrer la fameuse « Charge mentale« . Ce concept a été très bien expliqué par l’artiste EMMA, dans sa bande dessinée, disponible en libre accès sur son blog, ayant pour titre : « Fallait demander! »

La charge mentale c’est quoi ? Ce sont toutes les tâches, les pensées sur ce qu’il faut faire pour gérer la maison, les papiers, les enfants, les vacances, les relations sociales, la famille, les courses… Ces pensées qui ne s’arrêtent pas et qui épuisent, comme un bruit incessant dans le cerveau. Il faut anticiper, prévoir, planifier, contrôler. Tout cela gratuitement, bien sûr. Sans aucune pause.

En 1984, la sociologue Monique HAICAULT définit la charge mentale comme le fait de « devoir penser simultanément à des choses appartenant à deux mondes séparés physiquement », tel que penser aux corvées qui attendent à la maison lorsque l’on est au travail.

Et à qui incombe dans la grande majorité des cas cette tâche ingrate et invisible ? Aux femmes, bien évidemment.

Derrière le hublot se cache parfois du linge
Derrière le hublot se cache parfois du linge

Laver son linge sale… En famille ? Oui, mais qui s’en occupe ?

J’avais lu un jour un article d’une femme qui expliquait qu’elle avait quitté son homme pour une histoire de tasse oubliée dans l’évier. Sur le coup, j’ai trouvé ça exagéré. Quand même, on ne quitte pas quelqu’un qui a laissé une tasse dans un évier… Non ?

Mais si l’arbre cache la forêt, la tasse cache la charge mentale. Ce n’est pas qu’une tasse. C’est le symbole d’une personne qui, de manière tout à fait inconsciente (quoi que…), sait que quelqu’un va ramasser derrière elle. Parce qu’on lui a appris, depuis tout petit, que « c’est comme ça ». Comme la femme, qui intériorise des comportements de « machine à donner » et de mise à disposition des autres, en perpétuel état de vigilance et devant correspondre à l’image de perfection que la société lui impose.

Alors comment on fait ?

Première chose : aller voir « Derrière le hublot se cache parfois du linge ». Ce spectacle est officiellement mon coup de coeur du festival off d’Avignon 2023.

Crée par le collectif « Les filles de Simone », dont j’avais déjà beaucoup apprécié le spectacle précédent : « C’est un peu compliqué d’être l’origine du monde », ce spectacle est d’utilité publique et devrait être remboursé par la sécurité sociale.

"Derrière le hublot se cache parfois du linge "
« Derrière le hublot se cache parfois du linge « 

La pièce explore donc la répartition des tâches domestiques au sein du couple hétérosexuel, à travers une succession de tableaux décalés, touchants et tellement percutants. De jeux d’enfants qui débordent aux séances de thérapie de couple, de la mise en abîme des comédiens sur scène à Grease, d’Othello de Shakespeare à un cours scientifique de domination du patriarcat, tout est pensé, cohérent, rythmé, très bien interprété.

« Je prendrai en charge sa fatigue, sa santé, son confort. mes objectifs de carrière concerneront sa carrière à lui. »

La mise en scène, avec cette gigantesque machine à laver qui trône au milieu de la scène, le texte et les dialogues sont brillants.

J’ai été emportée par ce spectacle et la réflexion politique derrière ce tas de linge, j’ai beaucoup ri, j’ai été émue. J’ai enfin pu apercevoir des pistes possibles pour sortir des schémas que l’on nous a appris depuis tout petit et imaginer une autre société, avec d’autres rapports entre les hommes et les femmes : plus justes, plus humains et plus égaux.

Merci « Les filles de Simone ».

  • Mise en scène : collectif Les Filles de Simone
  • Interprète(s) : André Antébi, Tiphaine Gentilleau, Capucine Lespinas
  • Diffusion : Alice Pourcher – Bureau Histoire De…

Compagnie Les Filles de Simone

Nous avons co-fondée la compagnie à 3, avec Chloé Olivères, en 2015 et en assurons, depuis 2022, la direction artistique en binôme : Claire Fretel et Tiphaine Gentilleau. Nous impulsons des collectifs de création à géométrie variable, creusant le sillon d’un théâtre d’émancipation, outil de conscientisation et d’égalité, ludique et insolent. Notre théâtre, exposant ce qu’il y a de politique dans le privé, repose sur la « communauté d’expérience » et la possibilité pour les spectateur.ices de s’y reconnaître, d’en rire ensemble, d’en être modifié.e.s.
La compagnie est conventionnée par la DRAC Ile-de-France – Ministère de la Culture et de la Communication. Nos spectacles au Festival d’Avignon : C’est (un peu) compliqué d’être l’origine du monde (2016 et 2017), Les Secrets d’un gainage efficace (2019).

PRODUCTION Les Filles de Simone COPRODUCTION ECAM, Kremlin Bicêtre ; PIVO, Val d’Oise ; Théâtre Paris Villette – Grand Parquet ; ville de Riom ; Orange Bleue, Eaubonne ; CDN Sartrouville Yvelines ; Les Scènes du Jura, Scène nationale SOUTIENS Fonds SACD Théâtre, Mairie de Paris – Aide à la résidence artistique et culturelle, Région Ile-de-France PARTENAIRES Monfort Théâtre Paris ; Maison du Théâtre d’Amiens ; La Ferme du Buisson – Scène Nationale de Marne-la-Vallée ; Azimut, Antony/Châtenay-Malabry ; Théâtre du Vésinet ; Forum Jacques Prévert, Carros ; La Garance, scène nationale de Cavaillon ; La Manufacture CDN Nancy Lorraine ; Théâtre du fil de l’eau Pantin ; Théâtre de l’Olivier Scènes & Ciné

Dernier article de Laëtitia GRIMALDI : « Les pieds tanqués » : https://www.justfocus.fr/spectacles/theatre-scene/les-pieds-tanques.html