Des pieds tanqués pétris d’émotion
Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse.
Qu’importe le lieu, pourvu qu’on ait le théâtre.
Une pièce de théâtre dans un boulodrome ?
Rien d’étonnant, nous sommes au festival d’Avignon !
Depuis le grand tunnel Daladier, bravant la chaleur et entourés de cigales chantantes, des boulistes font leur apparition, d’une manière naturelle et surprenante. Le réalisme du jeu est vraiment saisissant. Installant les personnages, les 4 acteurs accrochent immédiatement un public déjà conquis.
Qui sont ces fameux pieds tanqués ?
Ces 4 personnages jouent ensemble une partie matinale : Zé, le pied-noir, Loule, le provençal « de souche », Monsieur Blanc, parisien nouvellement arrivé dans la région et Yaya, français d’origine algérienne.
« On joue aux boules ou on refait la guerre? »
Ces hommes vont discuter, échanger, se disputer, rire aussi beaucoup avec en toile de fond de leurs discussion : la guerre d’Algérie. Ils évoquent leurs pères, leurs familles, les suites de cet événement historique qui a bouleversé les relations entre la France et l’Algérie. Car forcément, ils ne sont pas d’accord. Qui a raison alors ? Qui a tort ?
Des pieds tanqués aux racines profondes
La subtilité de cette pièce est justement de ne surtout pas apporter de réponses. Le but est de ne pas avoir de parti pris, mais d’emmener le spectateur vers une réflexion très juste sur ce que cette guerre a provoqué au sein de chaque famille et sur la vision, légitime, de chacun : ils ont tous de bonnes raisons de défendre leur point de vue et la pièce évite le piège du manichéisme. Le texte et les dialogues ont une dimension humaine, simple et émouvante. C’est en même temps plein d’espoir : quand le passé est porteur de haine, tout est possible pour le transformer en autre chose.
C’est brillamment mis en scène et la direction d’acteur est impeccable. Nous pouvons reconnaître un très bel hommage aux oeuvres de Marcel Pagnol : on y retrouve l’humour, des personnages tout de suite attachants, drôles, émouvants et des relations fortes et profondes entre eux. Le temps passe bien vite en leur compagnie, l’on oublie, en tant que spectateur, l’inconfort du banc et de la chaleur de l’été pour être totalement suspendu aux échanges entre eux.
« – Que votre destin soit touché par l’histoire des autres, c’est normal ! La provence a toujours été une terre de mélange, une terre d’accueil.
– AlOrs ça, vous voyez, c’est toujours le raisonnement de celui qui débarque. »
Cela faisait plusieurs années que je souhaitais voir cette pièce, elle se joue au festival d’Avignon depuis 2012 et le succès est toujours au rendez-vous. Ne manquez pas cette pièce qui vous ravira le coeur et l’esprit.
Autour de la pièce : Philippe CHUYEN, auteur et metteur en scène de ce beau spectacle, met en scène et joue « Le prix d’un goncourt » à Présence Pasteur, à 21h15.
Auteur
Interprètes / Intervenants
- Mise en scène : Philippe Chuyen
- Interprète(s) : Philippe Chuyen, Thierry Paul, Gérard Dubouche, Mourad Tahar Boussatha, Sofiane Belmouden
Artscénicum Théâtre
Coproductions : Bibliothèque de Théâtre Armand Gatti – La Seyne, Espace Comedia Toulon
Soutiens : Conseil Départemental du Var, Région Sud, Spedidam, Adami
Dernière critique de Laëtitia GRIMALDI sur le festival d’Avignon : Zourou, au delà des mots : https://www.justfocus.fr/spectacles/theatre-scene/zourou-handicap.html