Quartier libre ou la valse des oubliés

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Affiche pièce quartier libre
Affiche pièce quartier libre

Quartier libre ou la valse des oubliés

Photo Quartier libre piece SDF cadre Quartier libre ou la valse des oubliés

Je suis toujours très étonnée de la multitude des mondes qui se superposent et qui ont leurs existences propres, à l‘intérieur du grand monde.

Quand je me réveille le matin, je sors de chez moi, je vais croiser des personnes qui vivent avec des fonctionnements et des règles complètement étrangères.

On peut jouer au jeu des différences.

Il y a le monde de ceux qui travaillent dans les bureaux et ceux qui n’en ont pas.

Ceux qui sont dans les villes et ceux qui sont dans les campagnes.

Ceux qui vivent en famille et ceux qui ont pour compagnie la solitude.

Ceux qui sont riches et ceux qui n’ont rien.

Les gens se croisent, restent dans leur monde avec leurs règles, sans regarder les autres.

Certains sont invisibles.

Ce sont ceux qui vivent en dehors du monde conventionnel.

Ceux qu’on ne voit plus ou qu’on ne veut pas voir.

Les SDF, les prostitué(e)s, les toxicos, les vieux, les immigrés clandestins… Ceux qui ne jouent pas le jeu.

Dans la pièce « Quartier libre », ce sont ces désaxés que Michaël Abaï, metteur en scène a voulu mettre en lumière. Michaël Abaï est également comédien et a joué dans des série télévisés, comme les Colocs.

La pièce se passe durant le confinement. Presque quatre ans après, il est intéressant de voir dans les œuvres qui traitent cette période de notre vie à quel point les rapports entre les gens ont été bouleversés.

Le rapport au toucher, le rapport à l’autre et le rapport à l’autorité notamment.

Dans « Quartier libre », l’ouverture se fait sur un tableau. On y croise plusieurs personnages qui attendent. Un SDF endormi près d’une poubelle, une femme près d’un réverbère qui fait le trottoir, un jeune homme en trottinette, un cadre légèrement stressé et un homme en imper sur un banc qui gratte quelques accords de guitare de “Rédemption song”, de Bob Marley.

« Quartier libre » : une pièce chorale.

Les protagonistes vont se heurter les uns aux autres, se rencontrer, créer des liens surprenants durant cette nuit de confinement. Comment rester libre quand l’on n’est plus maître de ses mouvements et de ses déplacements ? Comment rencontrer l’autre quand l’exclusion nous détermine et nous situe « en dehors » de toutes intéractions sociales ?

Les douleurs se racontent face public, de manière simple, frontale, à nu.

Photo Quartier libre piece cadre et prostituee Quartier libre ou la valse des oubliés

Des losers magnifiques

Dvie Grim ouvre le bal et prête son corps et sa voix pour le rôle d’une prostituée, dans un registre simple et touchant. Elle a joué dans plusieurs courts métrages, comme « double-moi » ou « Donne ta langue au ».

Yannick Bouanga, comédien de cinéma que l’on a pu apercevoir dans Tout simplement noir de Jean Pascal Zadi et John Waxx interprète le rôle d’un SDF très convainquant.

Médéric Hauss incarne avec beaucoup d’énergie ce cadre survolté et maladroit, phobique du contact avec les autres.

Romane Minguet, directrice artistique et comédienne de la compagnie le Piaf Noir, est auteure de la pièce éponyme. Elle joue également dans ce spectacle qui sera à l’affiche à partir du 21 avril. Dans « Quartier libre », elle donne une prestation sensible, aérienne d’un personnage énigmatique et lunaire.

Enfin, une mention spéciale est à attribuée à Romain MARTIN, en maitre du jeu, qui m’a fait penser au personnage « The Dude », joué par Jeff Bridges dans « The Big Lebowski ». Un anti-héros aux nombreux ressorts comiques, qui mène la danse dans ce bal des âmes perdues.

Quand l’anecdotique et le dramatique s’emmêlent

Il y a également beaucoup d’humour dans ce spectacle.

La rupture des conventions théâtrales est intéressante : à plusieurs reprises, surviennent des mises en abîmes absurdes, mais qui prennent leur sens. Nous sommes bien tous des comédiens et nous jouons un rôle dans cette société, dans le monde auquel nous appartenons. Nous pouvons aussi parfois en prendre conscience et nous regarder jouer.

Le texte fait la part belle aux jeux de mots et aux instants de poésie suspendu. Certains monologues ont une authenticité qui traverse le spectateur pour le marquer durablement.

Une pièce à découvrir au Théâtre Clavel.

A savoir : Les Fils de Buttes sont nés pendant le premier confinement à Montmartre. Ils regroupent musiciens, chanteurs et comédiens.
Plusieurs créations dont Quartier libre ont eu lieu en extérieur dans les hauteurs de Paris
notamment place des Abbesses.
Depuis leur création, ils se sont produits notamment au festival d’Aurillac, au théâtre de Dixheures au Darius Milhaud à Paris, aux arènes de Montmartre et au théâtre Clavel.

Informations pratiques : https://www.billetreduc.com/341996/evt.htm

Lorsque des inconnus se réunissent sous le même toit, attention la tuile !

Alors qu’un hypocondriaque attend un rendez-vous, il est interpellé tour à tour par un dealer, un sans-abri et une artiste. Soumis au couvre-feu et afin d’éviter un contrôle de police, ils se joignent à une prostituée et trouvent refuge chez le dealer qui leur servira une soupe psychédélique, à leur insu.

Entre déclamations et confessions, danses et fous rires, les maux du corps se dénouent et les langues se délient dans ce quartier décidément libre.

Auteur : Michaël Abaï

Artistes : Yannick BouangaDvie GrimMédéric HaussRomain MartinRomane Minguet

Metteur en scène : Michaël Abaï

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