Auréolé du Fauve d’or de la meilleur bd pour Monica, Daniel Clowes gagne une nouvelle notoriété. Pourtant, il n’est pas un nouvel auteur aspirant à la gloire comme le prouve la nouvelle édition de Pussey!
Pussey vous révèle l’envers de la case
Alors que, dans les titres précédents, Daniel Clowes créait des personnages, Pussey! est un titre davantage autobiographique. On ne s’intéresse pourtant pas à l’enfance ou à la vie de couple de l’auteur mais à son travail par huit récits sur Dan Pussey. Cet alias permet à Clowes de raconter la vie d’un dessinateur de sa jeunesse à sa mort. Dan Pussey, alter ego antihéroïque de Daniel Clowes, est un dessinateur passionné de comics. Il est persuadé d’avoir le talent pour percer dans le milieu mais rien ne va se passer comme prévu.
Le premier chapitre voit Dan Pussey se former chez le professeur Infinity. Par les élèves de cette école/maison d’édition, on voit les différents métiers de l’industrie et par son mentor on comprend les valeurs des comics. Cet éditeur exploite jusqu’à la mort ses employés, des adolescents naïfs et rêveurs éventuellement payés après la création des œuvres. Le professeur leur impose de dormir chez lui… et son plan marketing. Le secteur repose en effet sur la répétition des mêmes genres : la fantasy, la science-fiction et les super-héros. Beau parleur, l’éditeur d’Infinity raconte « les exploits de super-champions en découpage séquentiel » et n’hésite pas à le faire savoir par des conférences dans les universités. Si ce dernier utilise des formules complexes, son objectif sous-jacent est limpide : faire de l’argent.
Cependant, ce système fonctionne car Dan Pussey devient un dessinateur de renom. Clowes critique également l’ensemble de la filière au moment de l’explosion de popularité dans les années 90 par des dessinateurs stars puis par l’essor d’Image Comics et juste avant l’explosion de la bulle spéculative. La bd devient à la mode et des dessinateurs gagnent beaucoup d’argent. Pourtant, dans la réalité, Clowes ne survivait qu’en acceptant des tâches d’encreur.
Pussey, une biographie inversée
Dan se sent frustré d’être associé à un éditeur. Suivant des conseils d’un ami, il se lance dans l’écriture et découvre alors l’underground qu’il n’apprécie pas. Néanmoins, Dan pense pouvoir gagner plus d’argent par le roman graphique. Réalisant qu’il doit tout faire seul, il comprend vite ses limites. Par ce personnage, Clowes se moque de l’arrogance des auteurs et donc de la sienne. Si l’industrie est critiquée, les romans graphiques underground ne trouvent pas grâce aux yeux de Clowes. Personne n’est épargné. Les comicshops sont tenus par des passionnés certes mais totalement hermétiques aux nouveaux lecteurs et plus globalement aux clients. Le professeur Infinity n’oublie pas de corrompre les journalistes pour obtenir des chroniques élogieuses. Les lecteurs ou les journalistes amateurs en prennent également pour leur grade.
Le personnage de Dan Pussey permettait à Clowes de compenser par le second degrés ses débuts difficiles. L’auteur fait preuve, dans l’introduction, de beaucoup de recul sur ces épisodes en avouant qu’ils ont été écrits sous le coup de l’aigreur et la colère. Le fan intransigeant était à l’époque de ces épisodes un auteur prétentieux. Pourtant, le dessin reste toujours juste. Le style est âpre avec un strict noir et blanc. Les visages sont disgracieux et les décors très simples.
Le passionné comprend que Pussey! est un récit à clés: le Dr. Inifinity fait penser à Stan Lee tandis que Dan Pussey serait un des dessinateurs stars fondateurs d’Image. On croise les frères LaRosa créateur d’Affections et Torpilles qui sont en fait Jaime et Gilbert Hernandez de la série Love and Rockets.
Édité par Delcourt, Pussey! n’est sans doute pas l’album le plus aimable de Daniel Clowes mais c’est une très amusante plongée dans l’envers de l’industrie des comics. L’auteur porte un regard acide sur l’ensemble de la chaîne et sait également se critiquer lui-même.
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