Premier League – Tout ce qui fait son attractivité par rapport aux autres championnats

0
830

Alors que vous êtes bien occupé à vos affaires, votre attention est captée et tout de suite verrouillé par l’ange qui passe. Sa démarche assurée, ses jolies courbes et ses yeux de biche vous font craquer tout de suite. Pourtant, il faudra un petit temps pour l’appréhender, la connaître mieux, découvrir ses travers mais finalement tomber amoureux. La « Premier League » est comme cette sublime créature qui fait peut-être maintenant partie de votre vie. Même si elle ne correspondait pas sur toute la ligne à vos critères, elle a su se réinventer, se maîtriser, pour mettre un maximum de chances de son côté. Et la magie opère…

Vous l’aurez compris, nous parlerons foot, plus précisément de ce championnat Anglais si caractéristique. Souvent, voir tout le temps, l’objet de discussions autour d’une bonne bière par ses fans boys d’outre-manche.. 

Comment ce championnat présent depuis les origines du foot a-t-il conquis ses supporters ? A quoi tient-il sa particularité ? Comment a-t-il su rester dans les cœurs malgré les épreuves douloureuses ?

L’histoire du berceau footballistique

Le berceau du football est l’Angleterre qui a su donner un cadre à ce jeu avec l’instance dirigeante nommée la « Football Association » créée le 26 octobre 1863 pour fonder la « Football Association Cup » réservé aux professionnels le 20 juillet 1885. Petit à petit le professionnalisme va satisfaire la partie nord du pays avec sa classe d’ouvriers rémunérée par des patrons d’entreprise prêts à investir sur des joueurs comme ils recruteraient un ouvrier technicien. Dans le sud, on réserve le foot à l’élite sociale et il faudra attendre 1920 pour que le séparatisme nord / sud disparaisse.

Le jeu aussi va évoluer du « dribbling game » au « passing game ». Il faut s’imaginer les débuts du jeu qui n’est pas organisé comme nous le connaissons. Pour le « dribbling » tous les joueurs attaquent la balle en enchaînant les dribbles pour marquer, avec au passage un bel effet troupeau ! Le « passing » va développer le jeu en équipe, et la raison tient dans une formule souvent évoquée par Michel Platini, « le ballon ira toujours plus vite que le joueur ». Cette évolution apparaîtra à la fin des années 1860 pour s’imposer dans les années 1880. En 1884, le British Home Championship est la première compétition internationale qui verra les Écossais dominer les premières éditions en pratiquant le « passing ».

Les Britanniques intervenant sur des chantiers tout autour de la planète, ils ont fort logiquement emporté dans leur valises ce sport enivrant. La construction des lignes ferroviaires en Amérique du Sud est un exemple parmi tant d’autres. Des compétitions réservées aux ouvriers vont peu à peu introduire des joueurs locaux puis progressivement des clubs locaux. Et c’est la force de ce jeu qui prend ainsi le dessus pour se populariser mondialement.

En Afrique du Sud, les townships vont tomber amoureux de ce sport qui est à l’inverse mal perçu par la classe blanche qui lui préfère le cricket, le tennis et le rugby. Du reste, cela reflète la vision du foot dans l’Empire britannique. Cette discipline éveille peu d’intérêt et ce sont toujours les sports considérés comme « nobles » qui conserveront longtemps leur place en Inde, au Pakistan, en Amérique du Nord ou en Australie. En Europe, les structures se forment et s’organisent. La première compétition de football reconnue par la Fifa aux jeux Olympiques sera remportée par les Anglais en 1908. La machine est lancée mais comment va-t-elle se consolider ?

Le public toujours au rendez-vous

Le championnat masculin Anglais va s’organiser en structure pyramidale au fur et à mesure que les clubs professionnels vont apparaître. Passant ainsi à 2, 3 puis 4 niveaux de ligue pro ! Sans compter 2 niveaux supplémentaires de ligues aux joueurs pro et semi-pro. Il va sans dire qu’avec une telle profondeur de championnat, le niveau des clubs se trouve exigeant. Les matchs du week-end réservent toujours leurs lots de rebondissements ainsi que des buts venus d’ailleurs ! Il n’en faut pas moins pour satisfaire un public en mal de divertissements dans nos arènes modernes. La qualité des ligues inférieurs est telle que même en ligue 3 (League One) les supporters sont bien présents pour les équipes qui n’ont à rougir de rien.

En parlant de ces stades, leur nom fait remonter des souvenirs de grands rendez-vous. Anfield construit en 1884 dans le nord-ouest de Liverpool pour l’Everton FC, sera définitivement l’enceinte du Liverpool Football Club depuis 1892. L’équipe qui possède l’un des plus grands palmarès anglais est aussi célèbre pour deux drames que les supporteurs ont vécu. La stèle qui se trouve à Anfield Road end où figure la devise « You’ll never walk alone » est devenu un hymne qui retentit les soirs de match, frissonnant et transcendant, il n’est pas rare de voir Liverpool prendre l’avantage sur ces paroles entonnées par le public. Tout cela fait quitter la sphère de l’histoire pour écrire la légende.

Il serait injuste de ne pas mentionner Old Trafford avec ses 75787 spectateurs quand Manchester United joue à guichets fermés. Parmi les clubs de football les plus suivis de la planète, il est aussi le plus capé des clubs Anglais. L’ex-entraîneur Sir Alex Ferguson n’a fait qu’entretenir des résultats d’une équipe qui a passé les âges avec toujours beaucoup de réussite. Imaginer que ce grand club est capable de faire sortir de son centre de formation un joueur comme Ryan Giggs… 900 matchs avec son club et il jouera son dernier match de 8ème de finale de la ligue des Champions contre le Real Madrid à l’âge de 39 ans. Cette grande équipe a aussi permis l’apogée d’une autre légende, Eric Cantona. Taillé pour la « Premier League », il offrait le spectacle avec talent et inspiration. Il était aimé par le public. Les médias appréciaient ses frasques, ses colères et son caractère imprévisible.

En fait, la plupart des clubs du championnat Anglais possèdent des caractéristiques similaires. Quelques noms de clubs réveillent de beaux moments de l’histoire du foot Anglais : Arsenal FC, Newcastle United, Leeds United FC, Southampton FC, Manchester City FC, Chelsea FC, Wolverhampton Wanderers FC, Crystal Palace, Tottenham Hotspur, West Ham… la liste ne peut être exhaustive. Sinon, elle serait trop longue. Toutefois, gagner la « Premier League » n’est jamais assuré, même si vous avez le plus gros palmarès, vous devez toujours vous imposer. Autrement, une équipe opportuniste prendra la place. Témoin Leicester City FC qui en 2016 avec un « fighting spirit » remarquable remporte le championnat pour la 1ère fois de son histoire, alors que la saison précédente, le club avait échappé de peu à la relégation.

Gagner ce championnat relève d’un niveau footballistique très haut, mais pas seulement. Le jeu est percutant, les joueurs rapides et les impacts nombreux. L’expression « box to box » met en valeur les renversements nombreux qui se produisent en cours de match. En les regardant, même le spectateur est à bout de souffle.  Enfin, les joueurs ne s’économisent pas si bien qu’en période de fêtes où les autres championnats sont en trêve, la « Premier League » continue de briller pendant le fameux « Boxing Day ». Ce championnat se résume ainsi : La victoire se gagne ! Et fort logiquement les spectateurs sont au rendez-vous.

Premier League : Un Foot business sélectif

En Grande-Bretagne, le coût moyen des billets n’a cessé d’augmenter, limitant ainsi l’accès aux spectateurs ayant des revenus modestes. Le football qui a grandi dans ce berceau populaire s’en éloigne peu à peu. Aux yeux de certains analystes, il est question d’un « embourgeoisement* des tribunes » (*gentrification). Les clubs les plus en réussite vont être rachetés et introduits en Bourse par des hommes d’affaires étrangers à partir des années 1990. Dans le même temps, la célèbre première division britannique quitte la fédération nationale en 1992 pour former la « Premier League » entièrement privatisée.

Le foot business Anglais élargit toujours et encore l’univers qui tourne autour du ballon rond au travers d’agents sportifs mais aussi de paris footballistiques. Ce championnat est très bien suivi par des journaux tant spécialisés que ceux de type « presse people ». Pour les bienfaits du business, la culture nationale enverra cette classe ouvrière incapable financièrement de suivre les matchs en tribunes, les regarder dans les « pubs » autour d’une bière. Ce tour de main sans préavis va accroître les recettes des investisseurs publicitaires. Le mercato des plus grands joueurs est une source de revenus sur la vente de t-shirt mais aussi des revenus publicitaires. Les clubs Anglais travaillent donc leur image pour vendre toujours plus dans le monde entier. Et c’est ainsi qu’un record est battu avec les droits de diffusions TV signés en 2016 pour 2 milliards d’euros, soit 800 % d’augmentation depuis 1992. La boucle n’est pas forcément bouclée, quel sera le prochain profit que le football Anglais rapportera ? Il faut juste reconnaître que la Premier League qui a su se faire aimer de tous, n’est plus à une surprise prête.

La lutte contre l’hooliganisme

Le championnat Anglais a su aussi surpasser les heures peu glorieuses du « hooliganisme » issu directement de ses tribunes. Le terme « hooliganisme » fera son apparition dans les années 1960 en concordance avec l’extension du domaine de la violence qui se manifeste à travers des pratiques de vandalisme qualifiées de délinquance loin du strict cadre du stade. Les actes des « hooligan » vont se multiplier et malheureusement, ce sont plusieurs drames qui mobiliseront les instances organisatrices. La catastrophe d’Hillsborough reste dans les mémoires. Plaçons le contexte : une demi-finale entre l’équipe qui domine le foot Anglais, Liverpool, et un challenger en quête de victoire, Nottingham Forest, avec comme arrière-plan l’hooliganisme menaçant depuis de longues années. L’histoire retiendra le 15 Avril 1989 dans le stade d’Hillsborough. Une tragédie qui entraîna la mort de 96 personnes…

Qualifiée comme « l’une des pires histoires du sport en général ». Elle a marqué profondément toutes les strates du football Anglais qui va prendre des mesures drastiques, innovatrices, tant sur les règles de sécurité qu’au niveau de la solidarité. Partageant ses méthodes à l’échelle Européenne. Sur le plan de la justice, la procédure jugée en 1991 sera finalement annulée par deux nouvelles procédures en 2016 et 2019, souhaitant que la vérité sur les véritables responsables soit reconnue.

Cette profonde remise en question a eu de nombreux effets sur les pays voisins qui n’ont pas vraiment mis en place de politique globale pour traiter cette question, et les problèmes perdurent. Après la mort de deux de ses supporteurs, Yann Lorence en février 2010 et Julien Quemener en novembre 2006, le PSG a mis en place un plan contre le « hooliganisme » avec un objectif élevé. Venir au Parc des princes « doit devenir une sortie familiale ». Robin Leproux, alors président du PSG décide de « casser cette funeste opposition géographique entre les tribunes Auteuil et Boulogne, ces territoires qui appartiennent à l’un et pas à l’autre ». Sa stratégie courageuse a permis l’arrivée de nouveaux investisseurs : « Mon plan a rendu possible l’arrivée du Qatar » (Interview : Le Parisien). Le point commun de Robin Leproux et celui du championnat Anglais, c’est que la violence est incompatible avec le football.

Le meilleur championnat de football

Le championnat Anglais a combattu ses démons intérieurs, a fait les yeux doux aux investisseurs, s’est révolutionné plusieurs fois pour répondre aux attentes grandissantes. Bref, c’est un peu comme préparer la mariée. Elle a beau avoir de jolie courbes, une démarche séduisante et un parfum enivrant, il n’en reste pas moins qu’on l’épouse pour ce qu’elle est réellement intérieurement. La lutte contre ses mauvais penchants n’est pas terminée, mais la belle a montré son désir de plaire.

Laissez un match de « Premier League » tourner dans un lieu public et vous allez voir la foule s’amasser.

On retrouve pourtant ces ingrédients dans les autres championnats, mais il y a une telle concentration en « Premier League » que cela ne laisse pas indifférent ! Les origines du football, la culture populaire, une histoire inscrite à jamais, de l’argent en masse et des supporteurs en sécurité. Tout cela sert d’écrin au jeu exceptionnel développé par des institutions qui font rêver plus d’un enfant se projetant comme un futur grand joueur. N’est-ce pas de la magie que de rêver les yeux ouverts ?