Porté par Kenny Ruiz, Team Phoenix réunit les personnages de Tezuka dans un immense cross-over teinté de space opera. Après un quatrième volume surprenant qui redistribuait les cartes, ce dernier opus doit clore définitivement cette série sans décevoir les attentes des lecteurs. Et le contrat est réussi grâce à une jolie pirouette scénaristique.
Protocole renaissance
La Team Phoenix, un groupe de rebelles a décidé de renverser la tyrannie robotique dirigée par Atlas. Elle a donc mené une opération de la dernière chance au cœur de la zone hermétique afin de libérer Astro maintenu dans le Coma depuis la fin de la guerre entre les Humains et les Machines. L’opération se transforme, dès lors, en duels face aux meilleurs guerriers de l’Union Robotique tandis qu’Uran, la sœur d’Astro peut enfin lancer le protocole Renaissance.
En effet, la jeune robot a créé le Phoenix pour soigner le monde avec l’aide Fire. Révélant à cette dernière sa véritable origine, elle se lance alors dans une exploration de l’espace-temps afin d’éteindre les brasiers de la colère qui dévorent les héros. Une course contre la montre s’engage avant que le phoenix ne libère toute sa puissance et reconfigure l’univers.
Team Phoenix : l’heure des héroïnes
Cet album se concentre sur deux personnages qui prennent le pas sur les guerriers. Depuis le début, Fire est étrange, mystérieuse. Ses origines sont inconnues de même que ses véritables pouvoirs. Elle est connectée au Phoenix mais dans quels buts ? Aucun héros n’a réussi à percer ce secret. Il en va de même pour Uran, la sœur d’Astro. Elle est ambigüe : au service d’Atlas tout en conservant son humanité. Résistante ou collaboratrice ? Impossible de trancher avant cet ultime tome.
Et c’est là qu’intervient le premier tour de force du scénariste. Alors que la bataille fait rage, son récit se concentre sur ces deux filles aux liens plus proches que ce que l’on pouvait croire. Elles vont partir en mission pour guérir les cœur et remplir le Phoenix d’énergie positive. Pour ce faire, une seule solution : restaurer l’ordre naturel, rappeler à chacun qu’ils ont un rôle, effacer les frustrations qui ont mené à la haine et au déchirement du monde.
Les héros sont faits pour disparaître
Ce 5ème opus résonne comme un adieu aux héros. Le protocole Renaissance comme son nom l’indique impose un reformatage complet de l’univers. L’enjeu pour Uran et Fire consiste à proposer le meilleur univers possible, libéré des passions qui ont conduit des héros à se combattre les uns et les autres. Tous ces personnages ont vécu dans une réalité condamnée à disparaître. Uran le sait depuis le début mais seule, elle n’a pas la force de le faire.
Kenny Ruiz va donc inverser la nature de son projet. Le cross-over ultime n’est qu’un leurre. Pour sauver ce monde en guerre, il va détricoter ce qu’il a construit, ramenée chacun dans sa propre ligne temporelle. Ceux qui cohabitaient vont être séparés définitivement ; ceux qui ont muté retrouveront leur forme originelle ; les mondes mécaniques redeviendront des mondes où la Nature domine. Fire a rebooté la création et semé en chacun une part de sn être.
Pour renaître dans nos imaginaires
Cette déconstruction du concept de cross-over conduit ce volume, dans sa seconde partie à revenir d’abord à ce qui était le but de ce projet : rendre hommage à Tezuka et à sa créativité sans limites. On peut d’ailleurs comparer cette fin de Team Phonix à celle d’Avengers Endgame où les vainqueurs de Thanos retournent dans chaque timeline remettre les pierres de l’infini pour ne pas déséquilibrer le monde. Ici, les héros retrouvent leur état d’origine car finalement, leur fuite, leur fusion ont déséquilibré le cours du temps.
Cette déconstruction est aussi une réflexion plus globale sur la richesse de la création. En se séparant, chaque héros va reprendre le cours d’une histoire, apporter un regard différent sur le monde, nourrir des imaginaires divers et inspirer des personnages variés. C’est tout le sens de la magnifique fin où toutes les histoires dessinées par Tezuka se valent car chacune, à sa manière a le pouvoir de soigner le monde.
Il est toujours difficile de terminer son histoire. Pourtant Kenny Ruiz le réussit parfaitement par cette fin magnifique qui souligne l’immense héritage laissé par Tezuka et la force des mythes dans la marche du monde.
L’intégrale de la série est à retrouver chez les éditions Vega-Dupuis.