Critique « Validé » de Franck Gastambide : aux frontières du réel ?

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C’est la série événement du moment. Diffusée en streaming sur myCanal depuis le 20 mars dernier, Validé bat des records d’audience et de téléchargement. Aux frontières du réel avec le rapgame français, la série met en scène l’ascension spectaculaire mais brutale d’un jeune rappeur prometteur, Apash. Pour cette plongée réaliste dans la scène rap actuelle, Franck Gastambide s’est entouré de la crème de la crème.

Il est la révélation de la série. Clément Penhoat, plus connu sous le nom d’Hatik, interprète le premier rôle. Vrai rappeur devenu acteur, celui qui incarne Apash enflamme la toile depuis la sortie de la série. Le scénario est simple : il raconte son ascension, contrariée par son passé de dealer et les rivalités bien connues du rapgame. Entre signature en maison de disque, clip improvisé, concert sauvage et show-case dans un bar à chicha, les débuts fulgurants du jeune rappeur attisent les convoitises. Tandis qu’Apash devra se sortir des guets-apens tendus par les envieux ou le gros dealer de son quartier, le fil rouge de l’intrigue se tisse autour de sa rivalité avec Mastar, idole devenue ennemie, jouée par le talentueux Moussa Mansaly (Sam’s, lui aussi rappeur dans la vraie vie).

Un casting phénoménal

Autour d’eux gravite du beau monde. Au rang des personnages principaux, on trouve d’abord quelques têtes connues du cinéma français. Sabrina Ouazani en directrice artistique au caractère bien trempé, Adel Bencherif en caïd de cité, ou Gastambide lui-même. Le casting compte aussi de jeunes découvertes, comme Saïdou Camara dans le rôle de William, le meilleur ami d’Apash, sage et réfléchi, Brahim Bouhlel, le cousin gaffeur et drôle malgré lui, ou encore le rappeur Bosh, Karnage dans la série, protégé de Mastar.

S’y cotoient ensuite des personnalités en tous genres qui jouent leur propre rôle. Les comédiens Camille Lellouche et Just Riadh par exemple, mais aussi des pontes de la scène rap française. Au fil des dix épisodes, les apparitions se multiplient : Lacrim, Kool Shen, Rim’K, Mac Tyer, Soprano, Busta Flex ou Ninho, pour ne citer qu’eux. Et puis, il y a les incontournables, tels que Laurent Bouneau, Fred Musa, Juliette Fievet, Fif Tobossi ou encore Pascal Cefran. Un portrait assez complet de l’univers rap en France, finalement.

Si la période de confinement semble propice, la formule est gagnante et les chiffres explosent. En 24h, Validé battait le record de téléchargements sur la plateforme Canal+. Après une semaine, la série cumulait déjà 10 millions de visionnages, et les vues ne cessent d’augmenter depuis.

Pédagogie rap : une première

L’engouement s’explique : une série sur le rap, pour les amateurs de rap, faite par des amoureux du rap. C’est une première en France. Si les américains ont Empire, The Get Down ou Atlanta, nada chez nous. Pourtant, les classements des artistes les plus écoutés et streamés sont sans appel : Le rap français est le courant musical le plus populaire dans l’hexagone. Il y avait donc une place à prendre. Et Franck Gastambide a flairé le bon filon.

Avec Validé, le téléspectateur pose un pied dans une industrie musicale fantasmée mais peu connue. Du premier clip sans matériel aux streams trafiqués, des enregistrements en studio aux interviews promo en plateaux-télé, en passant par les showcases jusqu’au disque de platine, les coulisses du milieu se dévoilent.

Et pas n’importe quelles coulisses… Des bureaux et locaux d’Universal aux studios de Skyrock ou de Mouv’, tout est réel ! Comme les autres figures du milieu et à la manière de 10 pour cent, les cadors Fred Musa et Pascal Cefran, aux manettes de leurs émissions rap de référence, viennent crédibiliser le tout. Le temps d’une séquence cruciale, Apash se retrouve même sur le plateau de Touche pas à mon poste !, où Cyril Hanouna et son équipe nous jouent un remake du clash entre Booba et Kaaris.

L’ambition est claire : démystifier le rap, en rendant ses rouages accessibles. De la pédagogie rap, en somme. Dès lors, si certains clichés sont bien présents (le challenger venu prendre le trône de l’ancien en déclin, la drogue, les armes, et les voitures) ils contribuent à dépeindre les excès du rap actuel, où réussite sociale, passé sulfureux et street crédibilité s’entremêlent.

Pas si cliché

C’est même une partie de la recette ! Pour tout un pan du rapgame, en faire trop, c’est la tendance qui rapporte vues et streams. Les rappeurs présents au casting pourront le confirmer. De l’imagerie du grand banditisme au sensationnel, le déjà-vu devient sécurité. Le clip du featuring de Mastar et Apash l’illustre bien. Si Mastar refuse de tourner sa partie du clip à la Scampia pour ne pas faire comme les autres, il invite néanmoins l’acteur principal de Gomorra. Apash emprunte quant à lui l’idée de Sofiane, qui avait bloqué une portion de l’autoroute A3 pour le clip de « Toka ».

Enfin, on note que le format de Validé, d’une trentaine de minutes, dynamise le propos avec fraîcheur. Si l’on se délecte volontiers de la profusion de références, on se questionne sur certaines thématiques, survolées sans être exploitées. Cette petite faille est accentuée par une timeline parfois floue.

C’est dommage, mais minime : la production a d’ores et déjà annoncé une deuxième saison qui comptera sûrement son lot d’ajustements. En attendant d’avoir la lumière sur le reste de l’intrigue, on réécoute volontiers l’album de la bande-son originale, disponible sur toutes les plateformes de streaming. Dessus, des hits et des pointures, comme il fallait s’y attendre.

Aux frontières des genres et du réel, Validé mêle la comédie et le drame, les instants bruts d’authenticité et les cliffhangers de thriller. Franck Gastambide offre au rapgame français et à son public une première série de qualité. Il ouvre ainsi ouvre la voie au cinéma français qui saura, on l’espère, se saisir de l’opportunité.