Sœurs : une introspection confuse malgré un remarquable trio d’actrices

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Pour son deuxième long-métrage après Incha’Allah dimanche (2001), la réalisatrice et femme politique Yamina Benguigui signe un drame puissant, entre tragédie familiale et mémoire historique. Au centre de l’intrigue, le destin bouleversé de 3 sœurs amenées à se réconcilier avec leur passé. La multiplicité des mises en abyme, des flashbacks et des improvisations finit tout de même par desservir au récit, jusqu’à perdre le spectateur.

Une quête douloureuse à vocation cathartique

Depuis près de 30 ans, Zohra, Djamila et Nohra n’ont plus de nouvelles de leur petit frère Reda, enlevé par leur père en Algérie après le divorce de leurs parents. Dans un contexte où le tabou sur l’histoire familiale règne, de nombreuses questions sont restées sans réponses, en particulier pour la benjamine des sœurs, jouée par Maïwenn. Un jour, leur mère reçoit un appel l’informant que leur père a fait un AVC. A sa demande, les 3 sœurs partent pour l’Algérie retrouver leur père dans un objectif : revoir enfin leur petit frère.

Rapidement, les blessures d’un passé tourmenté rejaillissent, ranimant les tensions déjà présentes au sein de la famille. Chacune entretient un rapport très différent à son passé : quand la cadette Djamila (Rachida Brakni) marque sa volonté de s’en détacher, la benjamine Nohra continue d’en souffrir. Mais les conflits s’intensifient lorsque Zohra (Isabelle Adjani), metteuse en scène, décide d’écrire une pièce de théâtre sur cette histoire familiale, au sein de laquelle joue sa propre fille. Incompréhensions et rancœurs se mêlent, fracturant un peu plus cette famille, jusqu’à ce voyage en Algérie.

Quand le passé et le présent s’entremêlent

Le drame familial au centre du récit remonte à l’enfance des 3 sœurs, et est mis en scène au travers de nombreux flashbacks. Le spectateur découvre alors cette histoire au fil de l’enchainement des évènements présents : indirectement, tous semblent faire écho à ce douloureux passé, partagé entre deux pays, deux identités. Pour la réalisatrice, Sœurs est « un film qui parle de la France et de l’Algérie, de l’Algérie et de la France, c’est un film qui parle de nous ».

SOEURS 1 Sœurs : une introspection confuse malgré un remarquable trio d’actrices

Yamina Benguigui parvient à travers l’utilisation de nombreux procédés narratifs, à traiter tout en délicatesse de problématiques telles que la nécessité de s’émanciper de la tutelle masculine, de se reconstruire après avoir tout perdu ou encore de la violence permanente, sans jamais tomber dans le pathos. Si ces tourments appartiennent à une époque révolue pour la fratrie, ils semblent pour autant omniprésents dans leurs esprits, comme si elles n’étaient jamais parvenues à tourner la page.

Plusieurs confusions laissant de nombreuses questions sans réponse

Si l’objectif principal semble clair, celui de comprendre son passé pour pouvoir enfin s’en défaire, les moyens d’y parvenir sont en revanche plus flous. Les mises en abyme effectuées notamment lorsque Zohra fait répéter les acteurs de sa pièce de théâtre autobiographique, sont particulièrement décousues. Ces scènes réalisées en complément des flashbacks n’apportent pour autant rien de plus à la compréhension des faits passés.

Quant à l’interrogation principale de ce film, aucune explication n’est clairement apportée, laissant le spectateur sur sa faim. Etant exposés mais trop rarement expliqués les questionnements secondaires ne sont également que partiellement satisfaits.

Malgré quelques incohérences, Sœurs traite avec brio d’un sujet sensible, en parvenant à nous émouvoir et nous faire réfléchir. C’est ici une histoire familiale pouvant faire écho à des milliers d’autres, à une époque où seule l’autorité paternelle était reconnue par la loi en Algérie.