Empire of Light : Sam Mendes rate sa déclaration d’amour au cinéma

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Après deux James Bond et l’incroyable 1917, Sam Mendes est de retour à un cinéma plus intime, moins ostentatoire et surtout beaucoup plus sensible avec Empire of Light. Porté par Olivia Colman, Toby Jones et Colin Firth, l’histoire prend place dans l’Angleterre des années 1980, dominée par le racisme et la montée de la politique Thatcher. Au milieu de ces changements sociétaux, les spectateurs suivent les tribulations des employés d’un petit cinéma de quartier.

Empire of Light : une déclaration d’amour au septième art ?

Déclaration d’amour au cinéma, relecture d’une époque révolue, autofiction singulière, tant de qualificatifs que les critiques et les spectateurs affublent à des œuvres qui s’inscrivent dans une mouvance nouvelle : la réadaptation de l’enfance de grands réalisateurs par leur propre vision. Une mode qui s’est réellement lancée en 2019 avec Once upon a time… in Hollywood de Quentin Tarantino.

Depuis, tous les grands réalisateurs veulent raconter leur enfance, dissimulée sous un nuage d’art, de politique et de « déclaration d’amour au septième art ». Belfast de Kenneth Branagh, Roma d’Alfonso Cuaron, Licorize Pizza de Paul Thomas Anderson, Babylon de Damien Chazelle, Armageddon Time de James Gray ou bien évidemment le récent The Fabelmans de Steven Spielberg, tous se reposent sur le même procédé : raconter une époque, une enfance, et surtout, déclarer son amour pour le septième art. Avec, évidemment, plus ou moins de succès…

empire of light movie picture 01 Empire of Light : Sam Mendes rate sa déclaration d'amour au cinéma

Empire of Light s’inscrit donc dans cette lignée. Sam Mendes, veut, comme les autres, apporter sa pierre à l’édifice. Sam Mendes veut, comme ses collègues, porter à l’écran ses premiers souvenirs de cinéma, et mettre en scène sa relation avec le septième art. Et sans surprise, le cinéma, c’est la vie !

Sam Mendes signe ainsi une œuvre hommage, portée par le talent sans faille d’Olivia Colman, qui partage, une fois de plus, une interprétation brillante, rayonnante dans ses instants de bonheur, terrifiante dans ses phases de détresse intenses. Dans la peau de son personnage, atteint d’une maladie mentale, elle brille de mille feux, hallucinante de justesse, aussi solaire que déchirante. Elle est clairement le point fort de Empire of Light, et prouve une fois de plus l’étendue de ses capacités d’acting.

Un film sensible qui manque paradoxalement d’émotion

Si la volonté de Sam Mendes est évidente, offrant un double discours social et artistique, la réalisation n’atteint malheureusement pas la puissance de certains de ses paires. En effet, Sam Mendes s’enferme dans une œuvre artificielle, certes extrêmement sensible, mais où l’émotion ne prend jamais totalement. La mise en place du film est pourtant assez séduisante. Sam Mendes dresse à merveille le décor de ce cinéma vieillissant, au centre d’une station balnéaire grisonnante, vestiges d’une époque qui s’éteint doucement. Dans une atmosphère qui rappelle parfois le cinéma de Wes Anderson, Empire of Light propose une architecture usée, miroir de l’état émotionnel de nos protagonistes en plein désarrois sentimental. Hilary (Olivia Colman) est d’une sensibilité à fleur de peau, et est la représentation d’un monde en perpétuel évolution, qui ne sait dans quelle direction se diriger, et qui laisse une partie de ses voyageurs sur le carreau.

empire of light movie picture 01 Empire of Light : Sam Mendes rate sa déclaration d'amour au cinéma

Malheureusement, l’émotion ne prend jamais totalement, notamment à cause de l’artificialité du récit. Les retournements de situations sont téléphonés, et certaines imageries du film tombent rapidement dans le cliché. Difficile de croire à cette histoire d’amour entre Hilary et Stephen qui survient comme un cheveu sur la soupe. Représentation romanesque de l’amour au cinéma, c’est surtout une situation clichée qui ne paraît jamais crédible. Il en va de même avec le traitement du racisme, souvent maladroit, et survolé, à l’image de la mère de Stephen, incarnée par la talentueuse Tanya Moodie, qui n’est jamais réellement identifiée. A tel point que lorsqu’on la revoit, on ne comprend pas forcément qu’il s’agit de l’infirmière croisée quelques scènes plus tôt. Enfin, Sam Mendes aborde des considérations éculées sur la façon dont l’art peut panser nos plaies, pâles copies du récent Babylon, qui dupliquait déjà l’immense Cinema Paradiso.

Avec Empire Of Light, Sam Mendes signe un film sensible, mais qui manque paradoxalement d’émotion. Il propose une œuvre qui rend hommage au 7e art comme échappatoire, sur fond de romance sociale et politique. Sauf que la recette ne prend pas totalement…