Texas Blood portrait d’une ville faussement tranquille

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Un polar dans un western, vous trouvez que ce mélange est indigeste ? Découvrez la série Texas Blood de Condon et Phillips et vous achèterez tout de suite un Stetson parfaitement coordonné avec votre pistolet.

Un shérif bousculé

Dans Texas Blood, le lecteur suit Joe Bob Coates, shérif en fin de carrière dans le comté d’Ambrose. A sa grande crainte, la retraite approche car Coates refuse de vieillir. Il n’aime pas que son corps ou son esprit perde en vigueur. Il n’est qu’un agent subalterne qui fait son job sans plus. Son chef le sermonne d’utiliser la radio. Il se doute qu’une femme est battue mais laisse faire. Son travail est bien tranquille car il a le temps pendant sa patrouille d’organiser sa soirée d’anniversaire. L’urgence du jour est de tuer un serpent à sonnette rentré dans un jardin. Cependant, tout change avec la mort d’un criminel en plein désert déclenchant une vendetta.

Le shérif de Texas Blood

En effet, le frère du défunt revient par sens du devoir. Écrivain, il a réussi en quittant le Texas. Cependant, il refuse que sa femme l’accompagne car le Texas est pour lui un autre monde dont il a honte. En raison de son passé et celui de son frère, il est haï de tout le village et se fait même chasser du restaurant par la serveuse. Quand il apprend que son frère a été tué, un désir de vengeance lui fait retrouver ses mauvais penchants. Cette chute fait monter la tension au fil des pages de Texas Blood. Va-t-il se perdre dans cette quête de vengeance ou saura-t-il s’arrêter à temps ?

Delcourt comics cherche souvent à mettre en avant des polars en bd comme les différentes séries d’Ed Brubaker et Sean Phillips. Ce n’est donc pas un hasard de retrouver chez cet éditeur, ce polar dessiné de plus par le fils de Sean Phillips, Jacob. Après avoir plusieurs fois colorisé les épisodes de son père, Texas Blood est premier travail de Jacob en tant que dessinateur tout comme pour le scénariste. Jacob adopte un dessin réaliste par les décors et des visages précis. On sent l’inspiration forte du père mais, étrangement, la colorisation numérique est la plus bâclée. On peut trouver qu’il y a trop de douceur pour un récit violent. Néanmoins, en bonus, les superbes couvertures montrent qu’il a un talent qui ne demande qu’à exploser.

Du sang au coin de la rue

Texas Blood n’est cependant pas un simple polar. L’éditeur le présente comme un néo-Western, un récit de l’ouest sauvage transposé dans une ville au présent. La première page montre la vie tranquille mais, en suivant Coates en patrouille, on découvre que le drame est au coin de la rue. Pour le shérif, rien n’a de sens dans ce comté. On n’est pas au paradis mais dans un purgatoire où les loosers attendent avec la conviction que tout est foutu d’avance. Ce lieu est aussi la métaphore de la condition humaine dans sa globalité et sa diversité. Dans cette petite ville, tout le monde connaît les erreurs passées de l’autre ou ses défauts actuels.

Une couverture de Texas Blood

Texas Blood délaisse les métropoles riches connectées à la modernité pour vous faire découvrir le monde des Rednecks. Cette galerie de personnages à la dérive fait penser à Stray Bullets par David Lapham, en moins absurde et dérangeant. Le scénariste Chris Condon alterne le dramatique et le trivial : Ray se suicide et l’on voit juste après un plat sur le siège arrière taché de son sang. Tout n’est pas expliqué ce qui permet au lecteur de construire son récit.

Texas Blood est un bon récit de genre par la force des personnages. Le premier épisode plante l’ambiance avant d’approfondir le récit sur une plus longue enquête de cinq épisodes. Ce premier tome est aussi un excellent début pour des artistes novices en particulier les dialogues qui tombent justes. Ils pourraient seulement aller plus loin en explosant les stéréotypes.

Si vous aimez les polars en bd, retrouvez la chronique de Pulp où Jacob est le coloriste et Fondu au noir dessiné par son père.