Une guerre entre espion(ne)s dans le nouveau Butterfly Beast

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Dans un récit d’espionnage et de geishas, Yuka Nagate brosse le paysage d’un Japon en pleine confrontation avec l’Occident par la religion. Dans ce quatrième tome, Butterfly Beast vous invite également à découvrir un quartier inédit. Préparez vos sabres mais aussi vos crucifix pour suivre notre chronique.

Deux contre une

A la suite des deux derniers tomes de Butterfly Beast, Ochô est à nouveau confrontée à des chrétiens renégats. La geisha a en effet pu empêcher un coup d’état mené par un prêtre et des soldats sans emplois. Cette union peut paraître surprenante mais elle rassemble les exclus du nouveau régime politique. En effet, de nombreux soldats n’ont plus aucune ressource avec la fin de la guerre civile. Le christianisme est interdit sur l’archipel, ses fidèles sont torturés pour revenir à la religion japonaise. Dans Butterfly Beast, la religion chrétienne est une secte menaçant l’ordre ancien. Cette vision montre que Yuka Nagate écrit pour le Japon car les prières, les gestes et les rites chrétiens sont expliqués.

Le pouvoir central a été ébranlé par cette coalition car de plus il y a un traître dans l’organisation secrète d’Ochô. Pour découvrir le coupable, la geishas est engagée pour infiltrer le palais du shogun. Un twist dans l’avant-dernier chapitre transforme cette mission pour aller dans une infiltration inédite… Elle se retrouve seule car elle agit dans un quartier réservé aux femmes. Après le quartier des plaisirs, on découvre un autre lieu de puissance féminine mais très hiérarchique qui détruit l’idée d’une société entièrement dominée par les hommes. Si tous ces personnages sont inventés, on croise dans Butterfly Beast de véritables acteurs de l’histoire comme le leader d’une révolte paysanne. Par l’enquête, on rentre dans l’ôoku, le quartier des femmes du palais.Butterfly Beast et le peintre

Le retour du messie

Si les opposants sont affaiblis dans Butterfly Beast, le père Thomas et le soldat Kazuma sont encore vivants et ils sont déterminés à agir par les armes ou la négociation. Une courtisane, Ayame, les a rejoints. Anciennement proche d’Ochô, cette femme est très touchante. En effet, son âme est divisée entre sa foi catholique sincère et son amour pour le prêtre. Par la diversité des personnages féminins mais aussi des hommes, Butterfly Beast sort des stéréotypes masculinistes que l’on retrouve trop souvent dans les films ou les mangas de samouraï. Un héros ou une héroïne n’a pas besoin d’être fort (physiquement ou psychologiquement) car le plus important est sa détermination à remplir sa mission. La série est même plus complexe car elle questionne la moralité du service. L’héroïne sait que cette mission est moralement douteuse voire injuste mais elle n’a pas d’autre choix que remplir son rôle.

Scénariste de Butterfly Beast, Yuka Nagate dessine également tout au long de la série de magnifiques pages. Elle ne sert pas seulement le récit mais l’enlumine. Elle crée d’ailleurs un personnage peintre. L’artiste Gonnosuke Yamada vient de loin dans le quartier de plaisir pour dessiner sur le dos d’Ochô. Par lui, la série introduit pour la première fois des touches d’humour. D’une part, le dessin est pour lui aussi fort que le sexe et d’autre part, cette œuvre ultime est aussi un message de tolérance. Yuka Nagate réussit très bien à ménager le suspense en ne dévoilant ce dos peint qu’à un moment crucial. Cette proposition si visible est paradoxale pour une espionne et démontre l’esprit rebelle d’Ochô.

Butterfly Beast, éditée par Mangetsu multiplie les extrêmes et prouve à nouveau sa qualité. On y croise la grande histoire et une secte d’espionnage inventée. Si une courtisane est le personnage principal de cette série historique, la religion chrétienne dirigée par un homme est au centre. On alterne des scènes d’action et des moments plus intimes.

Vous pouvez retrouver sur le site des chroniques sur Shy, une série moins historique et une sélection de mangas courts.