Découvrez La France vue par une Hibou

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Emmanuel Lemaire reprend le récit de la rencontre avec sa voisine Indonésienne mais, dans La France vue par madame Hibou toujours édité par Delcourt, c’est elle qui est la guide…

Un autre départ

Sur la première page, Emmanuel Lemaire et madame Hibou évoquent la force de leur rencontre malgré les origines différentes. Dans Ma voisine est Indonésienne, le lecteur découvrait que la voisine du bédéaste venait d’un archipel asiatique. Ce nouveau volume n’est pas véritablement une suite même s’il se passe chronologiquement après. La France vue par madame Hibou est plutôt un nouveau moyen de raconter la différence culturelle. Le récit général d’une rencontre laisse la place à des courtes histoires d’une ou deux pages rappelant les strips de Gaston. Ce nouveau rythme pousse le scénariste à trouver une chute ou à laisser une fin poétique plus ouverte. L’actualité du monde s’invite à nouveau. En effet, avec le confinement, les contacts du dessinateur avec sa voisine se limitent parfois à des conversations par visio. On croise aussi des Gilets jaunes et beaucoup de passants portent un masque.Madame Hibou par Lemaire

Le portrait d’une hibou

Ce livre est avant tout le portrait d’une femme originale. Madame Hibou refuse de se conformer à certains codes sociaux français car elle est étrangère mais surtout par esprit d’indépendance. Elle s’emporte vite. Passionnée de la culture de notre pays, elle déteste les films français remplis de conventions ennuyeuses. Si elle adore manger, elle est allergique au sport. Elle est peureuse mais les grosses araignées sont banales car elle en rencontre depuis l’enfance. Dans ces moments de colère mais aussi de tristesse, elle retrouve son accent indonésien. Pour se réconforter, elle chante alors du Guns N’Roses et recherche l’amour sur le net.

Lemaire rentre plus dans la découverte. Sa voisine lui parle de son Indonésie natale et le lecteur découvre qu’il n’y pas toujours de noms de famille. Une fête célèbre une féministe Kartini mais on ne peut tutoyer un professeur ou ses parents. Plus loin on comprend que chaque culture a ses superstitions. La vision des fantômes de madame Hibou se heurte au cartésianisme de Lemaire avant que les deux fuient lorsqu’une branche craque. Il assiste à des réunions amicales et à l’enterrement du frère de son amie en visio.Deux êtres humains se rencontrent dans La France vue par madame Hibou

Les portraits de deux pays

Dans, La France vue par madame Hibou on retrouve également ce regard candide qui pointe les absurdités des Français. Elle juge avec sévérité certaines pratiques comme la radinerie des Français et la formule creuse « ça va ». Hibou montre alors que la politesse est avant tout une construction sociale qui varie selon les pays. Traductrice la semaine, elle est une aventurière de la SNCF le week-end. On découvre aussi les images que les Indonésiens ont de notre pays : un espace de richesses, de luxe et de mode. Mais Hibou s’amuse des stéréotypes sur son pays : les Indonésiens seraient curieux et toujours en retard. Ils sont aussi généreux et on peut toujours venir avec un invité non prévu lors des repas. Ce livre est aussi une aventure culinaire franco-indonésienne. Le dessin d’Emmanuel Lemaire ajoute par de volontaires maladresse l’élément humain au récit. Les traits heurtés semblent venir d’une esquisse rapide après une réflexion brutale de madame Hibou. Les visages rappellent Cabu mais les décors sont très détaillés.

Grande observatrice, madame Hibou a un regard unique sur notre pays que l’on retrouve dans ce volume. Si toutes les histoires ne sont pas essentielles, on peut piocher des pages touchantes ou drôles. La fin douce-amère est très ouverte et nous fait réfléchir à la place des étrangers en France.