Résister au fournil dans Au nom du pain

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Au nom du pain a un concept étrange : étudier l’histoire de France à travers la boulangerie. Découvrez dans le premier tome de cette nouvelle série de Glénat comment la fabrication de la baguette peut devenir un outil de Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale

Une recette qui se transmet

Au nom du pain tome 1

Dans les années 1930, la famille Martineau vient s’installer dans le petit village de bord de mer de Saint-Jean. Les parents ouvrent une seconde boulangerie dans le village pendant que les enfants découvrent leur nouvel environnement. Les premiers jours, les Martineau subissent la méfiance des villageois. Cependant, très rapidement, le commerce fonctionne grâce au travail et au talent des parents ce qui déplaît à la boulangerie concurrente, la famille Durand. Cependant, tout change en 1940 quand la France déclare la guerre à l’Allemagne. Le père part au front et, à la suite de l’avancée allemande, le village est occupé. Les Martineau vont-ils accepter ou refuser cette nouvelle situation ?

La couverture d’Au nom du pain illustre cette période pleine de contradiction par le contraste entre des SS en pleine fête et une serveuse au regard sombre proposant de simples tranches de pain mais ensanglantées. Dès la première page, la tension est palpable entre les Martineau et les Allemands. De nuit, le lieutenant SS Feldberg rentre dans la maison pour parler avec Marguerite. Sur un ton mielleux, il vante la qualité du pain mais cette insistance est à la fois inquiétante et trouble. On est surpris en voyant à l’arrière le frère prêt à le frapper. Toute la suite veut montrer comment on est arrivé à cette violence.

L’histoire au quotidien

Au nom du pain est une vision par le bas de la Seconde Guerre mondiale. On suit au quotidien les effets des combats. Tout démarre par la déclaration de guerre. Pour les plus jeunes, leur enfance heureuse est brisée par la mobilisation. Ils doivent cesser leur jeu pour travailler au fournil ou en boutique. Pour les plus âgées, il faut partir en guerre. Ce moment marque la fin de l’ascension sociale. Le village de Saint-Jean devient le microcosme de la France. Cette occupation stimule les jalousies. Des réfugiés fuyant les zones de combat arrivent. Les Allemands occupent l’hôtel de luxe sur le front de mer et installent leur drapeau sur la mairie. L’annexe de la boulangerie est prise par les nazis. Les sentiments personnels des différents protagonistes ne sont d’ailleurs jamais sacrifiés au dépend de la grande histoire. On peut tomber amoureux malgré ou à cause de la guerre…

L’histoire du pain

Au nom du pain l'arrivée dans le village

Le scénariste Jean-Charles Gaudin raconte également avec Pain noir une histoire de la boulangerie. On découvre les anciennes techniques où les machines sont très peu présentes et le bois est le carburant essentiel pour le four. Avec la défaite française, le pain rythme les bouleversements de la guerre. Il rassasie les réfugiés. Les fournitures sont, au départ, délaissées lors de l’arrivée de Allemands mais rapidement les nazis comprennent l’importance de plaire aux commerçants. Les Martineau sont sans cesse confrontés au rationnement et aux pénuries comme le montre le titre de cette première époque : Pain noir en raison du manque de farine blanche. Cette période est aussi celle de l’héroïsme. Le pain devient un message d’espoir.

Au nom du pain apporte un ingrédient neuf à la bd historique par le concept. Sur deux albums, Jean-Charles Gaudin et Steven Lejeune racontent l’Histoire de France. Les références sont aussi modernisées. Le dialogue de Feldberg et Marguerite évoque le début d’Inglourious Basterds de Tarantino. Le dessinateur Steven Lejeune a un style classique mais très précis dans les représentations des outils et des techniques. Les visages sont variés et très justes dans les expressions. Plutôt que d’opter pour des tons sombres, le coloriste Roberto Burgazzoli Cabrera choisit des couleurs pastel et souvent proches du marron de la croûte de pain.

Si Pain noir ne peut concourir pour la meilleure boulangerie de France, la série de Jean-Charles Gaudin et Steven Lejeune peut néanmoins recevoir le prix de l’originalité réussi. Le concept de départ d’Au nom du pain d’analyser la seconde Guerre mondiale par le biais de l’aliment le plus quotidien fonctionne très bien. Les personnages sont variés et chacun est complexe. Prévus en deux tomes, on sera ravi de vous décrire la deuxième fournée.