Critique « The Young Lady » de William Oldroyd : un drame d’une beauté austère

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Le premier long-métrage de William Oldroyd, The Young Lady (ou Lady Macbeth dans son titre original) est un film d’époque bien pensé qui se veut sur l’oppression féminine du XIXème siècle.

Basé sur le roman de Nikolaï Leskov La Lady Macbeth du District de Mtsensk de 1865, The Young Lady délivre un portrait d’une certaine Katherine (Florence Pugh). Celle-ci se marie contre son gré très jeune à un homme qui a le double de son âge. Pendant l’absence de son mari, elle développe un amour obsessionnel pour le palefrenier qui travaille pour son époux. Évidemment confrontée à des obstacles pour l’accomplissement de cet amour, elle fera absolument tout pour aboutir à ses fins.

 

Le portrait d’une femme manipulatrice

Katherine est sans aucun doute le centre du film, tous les personnages tournent autour d’elle. On la voit d’abord innocente, avec un visage enfantin, confrontée à un mari tyrannique. C’est tout naturellement que le spectateur choisi son camp et veut qu’elle réussisse dans sa quête de l’amour impossible. Pourtant, quelque chose nous perturbe. Les très longs plans, toujours symétriques, sur le personnage de Katherine (parfois trop longs) montrent un visage troublant sans expression. Visage qui nous fait d’ailleurs étrangement penser à Esther (Orphan, 2009). Pas de souffrance, pas de colère contre son sort injuste. Son comportement de plus en plus agaçant est celui d’une adolescente capricieuse. Au fur et à mesure, la vision classique et tranchée de la narration – celle de la jeune fille malheureuse et de son mari autoritaire – s’estompe aux yeux de l’amant Sebastian (Cosmo Jarvis) et du spectateur. La passion perverse et malsaine pour le palefrenier révèle le caractère morbide et calculateur de Katherine. C’est à ce moment-là que l’on s’aperçoit du génie de jeu de Florence Pugh. Elle a réussi à déployer progressivement le monstre dévastateur qu’est Katherine. C’est comme si chaque crime, chaque meurtre dévoilait de plus en plus son vrai caractère.

Il faut dire que le casting quoique presque inconnu est particulièrement réussi. Cosmo Jarvis, chanteur-compositeur à ses heures perdues, laisse percevoir le vrai caractère de Sebastian. Sa première scène le montre comme un homme fort, moqueur, mais quelque chose dans sa posture trahit déjà une certaine vulnérabilité face à Katherine. Quant à Naomie Ackie, qui joue Anna la servante, elle nous livre une performance remarquable. Le personnage est muet à partir de la moitié du film, elle a donc très peu de dialogue. Tout se joue alors dans l’expression de son visage et de son corps, elle y arrive à merveille. Ceci est sans doute lié à son passé théâtral. Les deux figures patriarcales, le mari Alexander et son père Boris, sont des « méchants » qu’on aime détester, mais sans plus.

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Un petit budget qui n’est pas un obstacle

Avec seulement £500.000 (soit 580.000€), la petite équipe du film a décidé de faire de ce petit budget une force. On le voit par exemple pour les lieux du tournage. Essentiellement tourné à l’intérieur, c’est sur la symbolique et sur l’éclairage des lieux que tout a été misé. Ainsi, le château où vit Katherine est austère et oppressant, ce qui reflète non seulement le sentiment de solitude de celle-ci, mais aussi son intérieur sombre. La lumière, pour contraster, laisse paraître un sentiment de beauté tragique, d’une poésie digne de poètes romantiques. Ceci est appuyé par un extérieur sauvage. Même cette volonté de liberté à laquelle Katherine aspire est occupée par le tragique.  C’est donc sur la psychologie des lieux et des personnages que le film se concentre.

Il ne faut surtout pas oublier les costumes. Ceux-ci ont été proposés par une direction artistique de qualité : Jacqueline Abrahams (The Lobster et La Dame en Noir 2) et Holly Waddington (Lincoln et Cheval de Guerre). Les corsets et les peignoirs ont été fabriqués à la main et la plupart des autres costumes sont des vêtements d’époque dénichés en France, ce qui souligne le côté historique et authentique du film. Là aussi, on peut remarquer la symbolique des robes de Katherine, qui sont de plus en plus sombres. Ceci peut être aussi dû au fait qu’elle provoque de plus en plus d’enterrements.

 

Malgré une accumulation d’événements tragiques dans la dernière partie du drame, les scènes sont comme étendues, presque statiques et semblent non abouties. Les plans rappellent des tableaux nordiques, ou alors un portrait détaillé d’une Lady Macbeth du XIXème siècle. Néanmoins, le spectateur se délecte de ces contemplations. Ce qui fait la puissance de The Young Lady est une très forte attention aux détails. Tout – que ce soit le travail sur les jeux d’acteurs, les plans, les lumières, les costumes – est méticuleusement travaillé. The Young Lady sort en salles le 12 avril.

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