Des femmes à la hauteur dans Big Girls

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Des monstres géants attaquent les villes mais comment lutter contre ? Une seule solution, utiliser des femmes géantes. Voici le pitch pour le moins original du comics Big Girls de Jason Howard publié par 404 Comics.

De la baston géante par les Big Girls

Les hommes sont victimes d’une maladie étrange qui les métamorphose en monstres géants dont le seul but est de ravager le monde. Pour lutter contre ces « Jacks », l’armée a recours à des femmes géantes. En effet, comme le dit leur chef parodiant Spider-Man, « Parfois, de grands problèmes impliquent de grandes solutions ». La jeune Ember a eu l’honneur d’être sélectionnée pour ce rôle, mais elle a de plus en plus de doutes sur son utilité et sur le rôle de cette agence de Big Girls.

Big Girls défendent la ville

Big Girls est donc à la première lecture un hommage aux films d’action – nombre d’entre vous connaissent l’affiche du film L’attaque de la femme de 5O pieds – et de Kaiju – Godzilla en est l’archétype. Les combats sont haletants dès le début. De plus, le scénariste évite l’écueil de débuter par un prologue sur l’origine de cette maladie mais fait le choix de plonger le lecteur directement dans l’action par l’attaque d’un géant et une patrouille d’Ember dans la réserve. En effet, pour se protéger des « Jacks », les survivants vivent dans ces quartiers fermés. Cette situation est comparable à la Green Zone, un quartier ultra-protégé de Bagdad pour les expatriés occidentaux. Par des flashbacks courts et réguliers, le lecteur découvre les motivations des personnages et les enjeux de ce nouveau monde. En effet, la société est devenue plus froide et brutale car il faut accepter des sacrifices pour sauver l’humanité quitte à tuer un enfant risquant de devenir un géant incontrôlable. La science inquiète notamment le supérieur d’Ember, le marshal supérieur James Tannik, car c’est à cause de recherches sur le gigantisme que les « Jacks » seraient apparus.

Jason Howard démontre dans ce premier travail en tant que scénariste qu’il est un auteur complet. D’abord connu comme un dessinateur de talent ayant travaillé avec Robert Kirkman (Wolf-Man) puis Warren Ellis (TREES), il réalise avec Big Girls un projet très ancien : écrire en indépendant ses propres histoires. On ressent ce sentiment de liberté totale. Howard n’est plus tenu de suivre un scénario précis mais il peut naviguer entre son projet d’auteur au départ et ses brusques envies de dessinateur. Son dessin a aussi gagné en simplicité et en profondeur. Par ses choix de cadrage, il arrive à nous faire ressentir le gigantisme des Big Girls et la puissance de Jacks. Une case montrant Ember allongée avec de petits scientifiques évoque Gulliver de Jonathan Swift.

Une attaque contre le patriarcat

A la deuxième lecture, on découvre que, derrière l’action et les scènes impressionnantes, Jason Howard nous adresse une attaque très actuelle contre le patriarcat. Les Jacks sont des brutes vicieuses qui détruisent sans plan mais ce ne sont pas les seuls à menacer les Big Girls. Les femmes peuvent certes sauver le monde mais Ember n’est qu’un outil choyé et le plus souvent brusqué par son supérieur. Ce dernier méprise les survivants qui n’ont pas reçu le privilège de vivre dans la réserve. Ember est moins un soldat qu’une barrière pour défendre la réserve. On découvre progressivement son passé douloureux dans une ferme. Très jeune, elle a dû quitter sa famille pour rejoindre l’armée mais aussi pour éviter que son père se ruine pour la nourrir. Né des frustrations sur la situation actuelle du monde, Howard veut apporter de la nuance et des réponses communes par le biais d’un récit de science-fiction. En effet, tous les hommes ne sont pas un danger et toutes les femmes des protectrices. Vous découvrirez au fil du récit une situation plus complexe même si les motivations de la cheffe du groupe d’insurgés sont assez décevantes. Deux camps se forment et le livre se clôt par un affrontement démentiel.

Big Girls contre Jacks

On peut également saluer le travail de 404 comics qui publie ici son deuxième titre. Cette jeune collection fournit un travail soigné dans les moindres détails (la couverture et le dos avec un titre phosphorescent). Il est par exemple assez unique de voir au début du livre l’éditeur expliquer avec humour et passion ses choix de papier.

Dans Big Girls, Jason Howard fait la preuve qu’il est non seulement un dessinateur incroyable notamment pour les scènes d’action mais également un scénariste prometteur. Ce récit fun cache aussi un propos très engagé et nuancé sur la lutte contre le patriarcat. Si les Big Girls distribuent des beignes aux monstres, ce n’est pas leur seul atout. Le lecteur passe un si bon moment de lecture que l’on voudrait un développement sur plusieurs tomes. La fin laisse d’ailleurs une ouverture vers une suite prometteuse.

Vous pouvez retrouver dans un genre très différent la chronique de Dunce, l’autre titre de cette nouvelle maison d’édition ainsi qu’un article sur les prochains titres.