Adaptation maladroite de l’oeuvre d’Anthony Doerr, « Toute la lumière que nous ne pouvons voir ».

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La série « Toute la lumière que nous ne pouvons voir » disponible depuis le 2 novembre 2023 est une adaptation pour la plateforme Netflix du roman d’Anthony Doerr. Publié en 2014, il a remporté le prestigieux Prix Pulitzer de la fiction en 2015.

Toute la lumière que nous ne pouvons voir
Personnage de Marie-Laure Leblanc (Aria Mia Loberti).

L’histoire nous transporte en 1944 à Saint-Malo dans le chaos de la Seconde Guerre mondiale. Chaque nuit, la ville subit les bombardements des Alliés. C’est dans cet environnement difficile que Marie-Laure Leblanc (Aria Mia Loberti), une jeune fille aveugle, brave l’interdiction d’émettre en lisant des passages de “20 000 Lieues sous les mers” à la radio. À l’autre bout des ondes et situé dans la même ville, Werner (Louis Hofmann) un jeune soldat allemand, écoute religieusement sa voix, se demandant qui se cache derrière cette force rebelle. Très vite, leurs routes vont se croiser à la recherche du diamant « l’Océan de flamme ». Ils seront tous rattrapés par les horreurs d’une guerre qui est sur le point de se terminer.

Une reconstitution visuelle fidèle mais qui ne fait pas tout.

On doit cette mini-série de quatre épisodes à Steven Knight, créateur de l’excellente Peaky Blinders. Il adapte cette œuvre particulièrement réussie en fiction, tandis que la réalisation est confiée à Shawn Levy (La Nuit au musée, Stranger Things). Bien que le roman soit une vraie réussite et offre un univers particulièrement riche et détaillé aux lecteurs, il était connu comme difficile à adapter en raison de son style lyrique, évoquant la nature, et de sa structure non linéaire, alternant entre les points de vue. Steven Knight a choisi de recentrer l’intrigue sur deux personnages (Marie-Laure et Werner) que tout réunit mais qui sont pourtant dans deux camps opposés.

Là où l’auteur réussit à explorer la complexité des émotions humaines dans des circonstances extrêmes, la série ne parvient pas à avoir le même pouvoir d’absorption. Cependant, il est important de souligner que l’adaptation d’une œuvre littéraire en œuvre cinématographique est quelque chose de très périlleux à réussir, d’autant plus quand le roman concentre un univers et un style aussi riches. Le choix de recentrer la narration sur deux personnages concentrés en 4 épisodes dessert considérablement l’essence qui faisait l’alchimie du roman. La série devient une simple romance sur fond de guerre.

Photo 3 Adaptation maladroite de l’oeuvre d’Anthony Doerr, « Toute la lumière que nous ne pouvons voir ».
Marie-Laure (Nell Sutton) et son père Daniel (Mark Ruffalo).

L’une des réussites de la série réside dans son univers visuel, puisque les décors sont réels (le tournage s’est concentré entre Saint-Malo, Budapest et Villefranche-de-Rouergue). Ils apportent un crédit historique en permettant de transporter le spectateur au cœur de l’Occupation. La ville elle-même devient un symbole d’espoir, jouant le rôle de catalyseur des émotions et d’immersion dans un univers où le danger est permanent et où la narration s’essouffle rapidement sur la durée.

Une révélation qui marque vraiment cette adaptation.

Photo 5 Adaptation maladroite de l’oeuvre d’Anthony Doerr, « Toute la lumière que nous ne pouvons voir ».
Personnage de Werner (Louis Hofmann).

La présence de comédiens de premier plan tels que Hugh Laurie, qui incarne l’oncle Étienne, et Mark Ruffalo, qui joue le rôle de Daniel Leblanc, le père de Marie-Laure, apporte une lumière médiatique sur le projet et permet à la série de faire parler d’elle. Ce choix est également à double tranchant, car il met aussi en lumière les ratés tels qu’une réécriture de la fin et un manque de point d’ancrage dans l’histoire qui puisse permettre aux spectateurs de rester immergés dans la diégèse.

L’aspect réellement positif à mettre au crédit de cette mini-série reste la révélation de la jeune comédienne Aria Mia Loberti, qui incarne avec brio et justesse le personnage de Marie-Laure, d’autant plus quand on sait qu’il s’agit ici de son premier rôle. Elle réussit à éclipser ses partenaires très expérimentés. C’est ici une très belle réussite pour le futur.

Le personnage de Werner, un prodige des ondes électromagnétiques et simple opérateur radio dans la Wehrmacht, chargé de traquer les communications résistantes, est également interprété de manière très fine par le comédien Louis Hofmann, vu dans . À l’inverse, les traits de caractère du méchant nazi incarné par Lars Eidinger semblent sortis tout droit d’une mauvaise caricature, ce qui ne lui donne aucune profondeur qui pourrait le rendre détestable aux yeux des spectateurs.

Photo 2 Adaptation maladroite de l’oeuvre d’Anthony Doerr, « Toute la lumière que nous ne pouvons voir ».
Werner (Louis Hofmann) Marie-Laure (Aria Mia Loberti).

Au-delà de ses lacunes narratives et de son contexte historique difficile, « Toute la lumière que nous ne pouvons voir » devient un message d’espoir face aux conflits actuels qui déchirent le monde. Porté par une force de vivre et une interprétation émouvante des personnages de Marie-Laure et Werner.