L’Homme du président, film d’espionnage à l’américaine

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Il n’est pas surprenant que L’Homme du président écrit et réalisé par Woo Min-ho soit sélectionné par le cinéma coréen pour concourir aux Oscars 2021. Assurément, ayant bénéficié d’une certaine exclusivité en salles aux Etats-Unis, le film rend hommage aux films d’espionnage américains, en particulier, ceux des années 70 notamment The Conversation de Francis Ford Coppola. Sortant directement chez nous au format physique et en vidéo à la demande, le premier film au box office de la Corée du Sud est maintenant disponible.

Une reconstitution historique convaincante

101697 L'Homme du président, film d'espionnage à l'américaineL‘Homme du président / The Jokers Film

1979, Séoul. L’Homme du président raconte l’histoire du nouveau directeur de la KCIA, service de renseignement lié à la CIA, très proche du président Park Chung-hee ayant gouverné la Corée du Sud pendant plus de dix ans, hissant le pays parmi les grandes puissances économiques avec une politique austère et autoritaire. L’ancien directeur de la KCIA s’exile aux États-Unis et est en voie de révéler au monde entier les secrets du pouvoir. Le nouveau directeur doit réagir, bien qu’il soit plus progressiste et mesuré que ses pairs.

La plus grande qualité du film de Woo Min-ho réside dans sa reconstitution historique et tout ce qui l’englobe. En effet, L’Homme du président développe un excellent travail démonstratif à l’instar de ses décors, de ses effets visuels impressionnants et se permet avec aisance de redonner vie à cette époque de la fin des années 70, faisant évoluer son intrigue aux États-Unis, mais également en France où la reconstitution y est également très juste. Woo Min-ho et son équipe ont voulu donner à leur film une véritable ambition artistique dans la démarche historique et cela est très réussi, n’ayant pas à rougir face aux grandes pointures américaines racontant depuis des décennies l’Histoire des autres peuples du monde entier avec, très souvent, un travail impérial sur la reconstitution.

En cela, L’Homme du président est imposant et il est d’ailleurs assez surprenant qu’il s’inspire à ce point du cinéma américain sans utiliser son propre patrimoine d’un cinéma en pleine expansion avec des films comme Parasite de Bong Joon-ho ou Mademoiselle de Park Chan-wook, pour citer un film travaillant la reconstitution, ayant eu un certain succès sur le marché international pourtant avec un cinéma très caractéristique. C’est peut-être à cet endroit là que se dessine la limite du film de Woo Min-ho, s’immiscent dans un sous genre commercial déjà-vu, bien que racontant un événement historique fascinant de l’histoire contemporaine de la Corée du Sud.

Un film limité par son genre

L'Homme du président, film d'espionnage à l'américaineL‘Homme du président / The Jokers Film

Il serait délicat de faire abstraction de l’envie de Woo Min-ho et de son équipe de donner à L’Homme du président une grande technicité et un travail de mise en scène solide. C’est bien le genre qui écrase ici toute folie créatrice pour un film qui peine à se distinguer, souvent académique, malgré de jolies moments de composition et une lumière élégante. On regrettera également un casting sous-exploité avec notamment le très bon Lee Byung-hun (J’ai rencontré le Diable) n’ayant que très peu de moments originaux travaillant une palette de jeu assez fade ainsi que Kwak Do-won (Impérial dans The Strangers) ne pouvant réellement exprimer tout son talent. Un casting à l’image d’un film ayant tout pour exploiter une certaine dynamique, finalement quasi-absente du film, développant un désir de cinéma froid et finalement pas si accessible malgré ses efforts à coller à un genre très courant dans le cinéma à grande échelle.

C’est bien finalement son sujet et sa dimension historique qui sauve L’Homme du président et surtout développe un regard coréen sur sa propre Histoire et ses liens avec les États-Unis dans les années 70. Tout ceci donne au film de Woo Min-ho un intérêt certain et construit le suspense de l’intrigue en immersion totale dans les jeux de pouvoir d’un système autoritaire.

Au bout du compte, le réalisateur fait un travail remarquable pour donner vie à cette période et construit une plongée appréciable dans la peau d’un personnage historique important de la Corée du Sud. Cet Homme du président qui changera le cours de l’Histoire est disponible dans une très belle édition distribuée par The Jokers Film et est aussi disponible en VOD.