Critique « Tenet » de Christopher Nolan : est-ce réellement la claque tant annoncée ?

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C’est certainement le film le plus attendu de ce post-confinement. Tenet, le nouveau film de Christopher Nolan vient de sortir. Comme souvent, c’est une proposition ambitieuse, spectaculaire, et innovante qui va faire du bruit et va certainement une fois de plus mettre tout le monde d’accord. Pourtant, même si le film est une offrande solide, il y a tout de même quelques réticences à proférer. Critique !

Cette fois, le cinéaste décide de lâcher un temps ses acteurs fétiches (à part Michael Caine) pour s’entourer de John David Washington, de Robert Pattinson et d’Elizabeth Debicki. A noter également la présence de l’acteur/réalisateur Kenneth Branagh, déjà membre de la distribution de l’excellent Dunkerque. Il y a beaucoup de choses à dire sur Tenet. Et même en faire son résumé est une tâche ardue. Tenet raconte le destin « du protagoniste », un agent spécial qui travaille à empêcher la troisième Guerre mondiale. Mais cette fois, la donne n’est pas la même. Une technologie venue du futur permet de créer une ligne temporelle alternative qui remonte le temps. Avec cette invention, les objets et les corps, peuvent remonter le temps.

Tenet : le film qui joue avec les codes

Avec Tenet, Christopher Nolan a mis le paquet. Comme à chacune de ses œuvres, c’est une proposition ultra ambitieuse, qui repose sur un concept inédit. Comme souvent, c’est une œuvre spectaculaire, intense, fatigante parfois aussi. Un film qui va au bout des choses, sans concession et totalement radical. Avec Tenet, Christopher Nolan veut imposer une histoire inédite et un concept novateur. Il veut utiliser le voyage temporel de manière expérimentale, avec une approche parfaitement originale. Tenet est une œuvre qui mélange les genres. Christopher Nolan tente d’offrir son film le plus varié, en mélangeant les genres avec une certaine facilité. En ressort un film d’espionnage, sur fond de fantastique, proposant des scènes d’action hallucinantes. C’est comme si James Bond rencontrait Looper.

Critique "Tenet" de Christopher Nolan : est-ce réellement la claque tant annoncée ?

Mais de ce mélange se découpe certaines faiblesses. Parce qu’une fois l’élément de surprise concernant le concept temporel passé, le long métrage s’avère finalement être un film d’espionnage relativement classique et même parfois ennuyeux. Tenet est par moment inutilement bavard. Christopher Nolan veut créer une enquête ou s’imbrique les éléments, comme il aime le faire, et comme il a déjà pu le faire à travers sa propre filmographie. Dunkerque expérimentait déjà la chose, mais sans forcer le trait. Les différentes lectures temporelles étaient parfaitement présentées, ici, elles sont davantage forcées, appuyées, et parfois, avec un certain manque de tact. Et si l’on met de côté l’élément fantastique, Tenet n’est rien de plus qu’un Mission Impossible redondant.

Christopher Nolan perd ses enjeux de vue

Le cinéaste a volontairement voulu faire un film « mindfuck ». Il a volontairement voulu perdre son assistance à travers des éléments scénaristiques dissimulés et assez flous. Christopher Nolan voulait que son public ressorte de la salle avec des questions, avec des doutes et une certaine incompréhension. Et c’est finalement le rendu atteint, mais pas forcément pour la bonne raison. Oui, son histoire est globalement brillante. Parvenant à présenter les paradoxes temporels avec clarté, jouant avec l’espace et les timelines avec une facilité déconcertante. Sur ça, rien à dire.

Nolan sait quoi raconter et comment le faire. Mais là où il pêche, c’est qu’il cherche à sur-complexifier son histoire. Comme pour Inception, le réalisateur veut rendre plus confus son film. Il complique son œuvre sans réelle raison, pour créer davantage de mystère et de flou artistique. Parce que finalement, Tenet est une histoire de boucle assez simpliste. Mais Nolan veut rendre la chose compliquée.

Critique "Tenet" de Christopher Nolan : est-ce réellement la claque tant annoncée ?

Et parfois, à cause de ce procédé, Tenet est assez vain. Christopher Nolan finit par largement perdre ses enjeux de vue. Il y a quand même un risque de troisième Guerre mondiale, mais globalement on s’en fout. Le concept de retour dans le temps, que Nolan met sans arrêt au centre de son intrigue, éclipse les différents enjeux de l’histoire. A trop vouloir en faire, il perd de vue son sujet, son intrigue et son dénouement. A trop compliquer les choses, il perd parfois son spectateur qui décroche de l’intrigue et de ses enjeux. Qui tire sur qui ? Qui sont les antagonistes ? Quel est leur plan machiavélique ? Qui tire les ficelles ? Qui est le héros ? Des questions qui finalement restent sans réponses. Ça a beau être volontaire, ceci dessert le film. Le personnage de Michael Caine représente parfaitement cette réalité tant son apparition manque de sens et d’impact.

Tenet devient parfois une jolie machine qui tourne à vide, dont les enjeux ne sont pas correctement assimilés et jamais réellement atteints. Cette volonté de sous-expliquer certaines situations entraîne la mise en place d’enjeux dramatiques très flous, ce qui crée un certain désintérêt de l’assistance pour l’histoire, et ce, malgré son potentiel. Paradoxalement, le cinéaste va également trop vite en besogne. Par un montage par instant maladroit, il vient expliquer son concept sans réelle conviction ni vision d’auteur. La séquence avec Clémence Poésy exprime parfaitement cet état des choses. Elle débarque comme un cheveu sur la soupe pour lui expliquer le fonctionnement de Tenet, sans autre forme de créativité. Assez faiblard pour du Nolan.

Tenet s’inscrit parfaitement dans la filmographie de son auteur

Mais Tenet est une œuvre sensorielle, impressionnante et spectaculaire. Un film ambitieux qui s’inscrit parfaitement dans la filmographie de son auteur. Que ce soit dans l’écriture ou dans la réalisation. C’est un film mégalomane comme son artiste en a le secret. Une mise en scène millimétrée, superbe et sensationnelle, portée par des éléments d’action renversants. Les séquences d’action montée à l’envers proposent une expérience visuelle assez inédite, qui méritaient presque d’être davantage développées.

Tenet est visuellement assez prodigieux. La composition de l’image, la confection des plans, l’utilisation des décors (souvent en situation réelle) permettent de créer un réalisme saisissant, surtout dans ce type de production. Nolan est même allé jusqu’à faire exploser un véritable avion pour son film. Ce souci de réalisme et d’artisanat permet d’offrir une œuvre précise et toujours visuellement superbe. En témoigne la scène d’ouverture dans l’opéra, très ancrée dans le style de Nolan.

Critique "Tenet" de Christopher Nolan : est-ce réellement la claque tant annoncée ?

Ludwig Göransson n’a pas chômé non plus. Le compositeur s’est surpassé à travers Tenet. Offrant des musiques électroniques admirables, qui permettent au film de s’offrir une identité plus pesante, plus lancinante, et rythmant parfaitement les tribulations présentes à l’écran. En plus d’être innovant, Ludwig Göransson offre une bande originale très attachée à la carrière Christopher Nolan.

Enfin, Tenet propose une superbe conclusion. Vingt minutes de pur spectacle. Une séquence hallucinante de sandwich temporel où les protagonistes et les lignes temporelles se croisent dans un ballet des plus subtils. C’est fort, prenant, parfaitement rythmé. Quant à la toute dernière confrontation entre Robert Pattinson et John David Washington, Christopher Nolan parvient à lui insuffler une émotion qui manquait au reste de son film. Un dernier dialogue lourd de sens et aux ressorts émotionnels très puissants.

Tenet est donc parfaitement ancré dans la filmographie de son auteur. Une œuvre ambitieuse et spectaculaire. C’est un film difficile à digérer, à voir plusieurs fois. Pour autant, Nolan cherche parfois à en faire trop. Il complexifie inutilement et perd de vue ses enjeux.