Ce mercredi est sorti en salles Captain America – Civil War, troisième opus de la saga Captain America. Réalisé par les frères Russo, déjà à l’origine du second épisode Le Soldat de l’Hiver, ce nouveau bébé Marvel Studio est en réalité une adaptation d’un roman graphique culte de la Maison des Idées : Civil War.
Marvel prend l’habitude de clôturer ses revues mensuelles chaque année par un immense crossover, entre tous les protagonistes et antagonistes à l’origine d’un cataclysme gigantesque. L’année 2007 s’était terminée par Civil War, aujourd’hui disponible en intégralité en sept tomes conséquents, réunissant la totalité des histoires, revues et différentes intrigues entourant cet événement. Le scénario est signé Mark Millar, à l’origine de divers classiques du roman graphique, eux-mêmes adaptés au cinéma comme Wanted, Kick-Ass ou encore Old Man Logan, qui sera le point de départ de Wolverine 3. Derrière le crayon, il s’agit de Steve McNiven, dessinateur peu connu du grand public, qui a notamment travaillé sur Marvel Knights.
Mais alors vaut-il mieux préférer Civil War version Millar ou version Russo ? L’histoire reste en apparence sensiblement la même, à savoir un gouvernement de plus en plus inquiet et suspicieux quant aux agissements de la communauté super héroïque, cherchant à avoir le monopole sur l’intégralité de leurs actions. D’un côté Iron Man alias Tony Stark, qui défend la loi de recensement des super-héros, de l’autre Captain America alias Steve Rogers, cherchant à défendre la sécurité des individus masqués et incognitos qui rendent les rues plus sûres. Mais la comparaison s’arrête là. Vous allez bientôt vous rendre compte qu’aussi bonne soit l’adaptation des frères Russo, leur film est à des années-lumière du classique papier.
Un génocide à la base de cette confrontation.
Captain America – Civil War commence en Afrique du Sud, où les Avengers se retrouvent à la poursuite de Crossbones. La sorcière Rouge ne parvient pas à contrôler ses pouvoirs et quelques ressortissants du Wakanda meurent dans la bataille. Un déclencheur suffisant pour entamer le film. Mais l’élément déclencheur dans le comics est bien plus percutant. Mark Millar décidait d’engendrer un immense génocide, une destruction gigantesque entraînée par le super vilain Nitro, capable de générer une source d’énergie destructrice sur des kilomètres. Une jeune équipe de super-héros, les New Warriors, dirigée par Speedball, a échoué en tentant de l’arrêter, déclenchant le cataclysme. La totalité de la communauté super héroïque va subir les retombées de ces sacrifices vains et douloureux. Le gouvernement va tenter de brider les super-héros, de les contrôler en les obligeant à se recenser. Iron Man va être à la tête d’une immense équipe super héroïque qui va traquer les surhommes non recensés en cavale, devenus de simples hors la loi aux yeux de l’homme en armure.
Captain America VS Iron Man.
Tony Stark va se joindre à cette cause de la même manière que dans le film, une mère de famille va venir le chambouler en l’accusant d’être à l’origine de la mort de son fils, affirmant que Tony Stark est l’étendard des super-héros amateurs et arrogants, combattant pour son propre plaisir avant de penser à la communauté. Une thématique constamment reprise dans les comics, mais aussi dans les différents films depuis le premier Avengers, présentant tous Tony Stark comme un être orgueilleux et égoïste. Pour autant, ce dernier va se chercher une nouvelle conduite en tentant de se racheter avec cette loi, poursuivant des super-héros devenus hors la loi, pour combattre ses propres regrets et amertumes. Un Tony Stark critique d’un monde capitaliste cherchant à tout contrôler pour son propre pouvoir, adepte des entrées remarquables et de la manipulation, cachant un individu brisé, alcoolique et délaissé par Pepper Potts. Une condition elle aussi établie dans le film des frères Russo. Tony Stark apparaît dans les comics comme un personnage omnipotent, très puissant, capable de passer tous les arrangements possibles pour obtenir ce qu’il désire. Sans se fourvoyer, il reste persuadé que cette loi permettra de gérer les déferlements de puissance de cet univers Marvel si prolifique. Pour autant, même si sa cause paraît louable, ses agissements restent douteux, enfermant ses propres amis au milieu de véritables super-vilains. Les frères Russo aseptisent ce caractère du personnage, ajoutant dans l’équation le général Ross, ennemi intime de Hulk, pour lui faire endosser le mauvais rôle. Mais ce que Ross engendre dans Captain America – Civil War, cela est issu de Tony Stark dans les comics.
Quant à Captain America, il reste fidèle à lui-même, étendard d’une Amérique nostalgique, d’une utopie obsolète, coincé dans une vision erronée du monde qui l’entoure. Ses intentions sont dignes mais il s’avère déconnecté de la réalité, œuvrant pour un monde qu’il ne pourra atteindre. Là aussi, les frères Russo dressent un portrait assez juste du capitaine américain. La grande différence réside finalement dans leur confrontation finale, assez différente du papier à l’écran. Un combat plus profond dans le comic, qui se finalise par l’abandon pur et simple de Captain America, pourtant à un doigt de la victoire. Réalisant la folie destructrice qu’a causé cette guerre, Captain America pose son bouclier et abdique. Dans le film, Steve Roger se débarrasse également de son arme, mais aucun des deux héros ne s’avoue vaincu. Les deux protagonistes restent très fidèles au Civil War papier. Les rapports de force entre les deux héros restent eux aussi représentatifs du comic book. Persuadés tous deux de faire le bien, ils s’engouffrent dans un combat sans merci qui les aveugle, leur permettant de régler leurs immémoriales amertumes réciproques. Le manichéisme reste à l’écart, chaque antagoniste a des arguments et des défauts, et même si la sympathie prône pour Captain dans le comics, les frères Russo sont parvenus à influer l’objectivité que Mark Millar n’avait pas toujours respecté.
Les personnages.
Evidemment, les protagonistes sont beaucoup plus nombreux dans le comic book que dans le film. Pourtant sur les planches de la BD n’apparaissent pas La Sorcière Rouge, La Vision, War Machine ou encore Ant Man. L’homme fourmi est bien présent dans le comics mais sous les traits de Hank Pym, interprété par Michael Douglas dans le film solo du personnage, et se place du côté de Stark. Captain quant à lui compte sur le soutient de Goliath, qui détient sensiblement les mêmes capacités que Ant-Man. Œil de Faucon ne fait quant à lui qu’une apparition à la fin du comics. Mais d’autres personnages centraux de l’univers ont un rôle important. A commencer par les quatre fantastiques qui se déchirent. Richard, l’Homme élastique, du côté de Stark, alors que les frère et sœur Storm se retrouvent du côté de Captain America. La Chose décide quant à lui de fuir cette guerre idiote, avertissant ses amis qu’ils couraient à leurs pertes en se querellant ainsi, s’exilant par la suite à Paris pour souffler. Le Punisher et Wolverine ont également leurs rôles à jouer. Le premier traque sans merci les criminels comme à son habitude, cherchant à se défaire des super-vilains engagés par le gouvernement pour venir en aide à Tony Stark, pendant que le deuxième prend en chasse Nitro, véritable responsable du cataclysme, complètement oublié par des héros obsédés par leur soif de victoire et de vengeance personnelle. Une histoire brillamment mise en page qui poussera le pouvoir de régénération de Wolverine à son paroxysme.
Mais le grand intérêt de l’histoire, que ce soit dans le film ou dans le comics, est bien la présence de Spider Man. A l’écran, celui-ci est parfaitement bien retranscrit, très fidèle à l’humour du tisseur, à son irrévérence personnelle servant à désarçonner son stress et ses craintes. Alors que dans le long métrage, celui-ci est un bijou de drôlerie et d’action, il joue dans le comics un rôle majeur. D’abord embrigadé par Tony Stark comme dans le film, il va se voir livrer un costume Iron Spidey par le milliardaire. Un costume pseudo armure qui booste ses capacités. Il va d’ailleurs révéler sous la pression de Stark son nom au monde entier, mettant en danger sa et ses ex petites amies, et l’inébranlable tante May. Un geste qu’il regrettera par la suite. Il va surtout se rendre compte que Stark cache des choses, manipule ses troupes, passant quelques arrangements oisifs avec le gouvernement. Il va alors s’engager dans un combat violent avec Stark, qu’il va perdre et dont il finira gravement blessé, pour fuir et être sauvé par le Punisher. Le tisseur rejoint par la suite Captain America. Spider Man est une allégorie du « peuple », qui ne sait quoi choisir entre son indépendance et la sécurité des personnes, matérialisées par les deux héros. Il est le personnage qui dénonce les dangers de la télévision, de l’information qui franchit la limite du voyeurisme, étendard du respect personnel des citoyens. Spider Man est le personnage central du comic book, seul à même de raisonner comme un homme normal. Cartésien et terre à terre, il apprend de ses erreurs et essaye tant bien que mal d’améliorer le monde qui l’entoure.
Captain America – Civil War s’avère très fidèle au comics, non pas dans la manière dont est traitée l’histoire mais dans la représentation des personnages à l’écran. Les frères Russo sont parvenus à capter toute la dimension humaine qui se dégage du comics Civil War pour les retranscrire à l’écran. Jamais réalisateurs n’auront su rester à ce point fidèles aux caractères des personnages de Stan Lee. Les metteurs en scène ne dénaturent pas l’essence même de Marvel, et lui rendent même un incroyable hommage. Offrant un long métrage à la limite de la perfection, les cinéastes ne parviennent pas pour autant à atteindre la profondeur de l’écriture de Mark Millar, qui jouait avec les innombrables protagonistes et parvenait à mettre un place un subtil jeu de pouvoir, de confrontations grandioses, de volontés personnelles ou communautaires. S’il fallait trancher, les fans Marvel choisiraient le comic book, pour son ampleur dans l’univers, pour son histoire grandiose et ses innombrables personnages, prenant davantage de risques, allant même jusqu’à tuer des personnages centraux, des icônes de la Maison des Idées. Pour autant, le film de Joe et Anthony Russo reste indéniablement un des meilleurs films du Marvel Cinematic Univers, un long métrage fidèle aux créations papiers, mettant en avant des personnages cultes, représentatifs de ce qu’a pu créer Stan Lee et consorts.