Pie VII un pape résiste à Napoléon

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L’Histoire serait faite par de grands personnages. Cependant, alors que les biographies des rois, des reines et des militaires peuplent les rayons des librairies, les papes y semblent absents. Ce volume sur Pie VII fera-t-il mentir cette impression ?

Replacer l’Église au cœur de l’Histoire

La mort d'un empereur dans Pie VII

Ce volume sur Pie VII fait partie de la collection Un pape dans l’histoire coédité par l’éditeur Glénat, spécialiste de la bande dessinée et le Cerf, orienté vers l’édition catholique. A travers les figures de plusieurs chefs de l’Église catholique, cette collection nous fait redécouvrir l’Histoire du monde occidental. Pour obtenir une grande précision historique, Bernard Lecomte, écrivain spécialiste de l’Histoire politique et religieuse assure l’expertise de chaque tome. Quand on voit le programme, on est bien entendu loin du Pape terrible et de Borgia scénarisé par Alejandro Jodorowsky où il décrivait la perversion au Vatican entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle.

Pie VII n’est pas pour autant une laborieuse leçon d’histoire car le scénariste Philippe Thirault injecte dans ce tome de l’aventure. C’est d’ailleurs Bonaparte sur son lit de mort qui est le narrateur. Il veut se confesser à l’abbé Vignali en racontant ses relations tumultueuses avec le pape Pie VII. On découvre également les intrigues politiques complexes entre l’empereur d’Autriche et un groupe italien lors de l’élection d’un nouveau pape. Comme souvent, le candidat favori n’est pas celui qui siègera au Vatican. Une fois pape, Pie VII cherche avec douceur mais fermeté affirmer son indépendance vis-à-vis des puissants empires voisins de l’Autriche et de la France. En parallèle, des images montrent l’ascension militaire et politique de l’empereur puis sa chute.

Pape vs Empereur

Pie VII est un pape hors norme. Il a commencé sa carrière comme un simple moine mais, par sa vie exemplaire et son travail intense, il accède au trône de saint-Pierre en 1800. Pour illustrer son respect, il reprend le nom de son prédécesseur. Mais, cet homme timide et traditionnel devra faire face à l’émergence d’un nouveau monde incarné par Napoléon Bonaparte. L’Europe est en effet bouleversée par les soubresauts qui ont suivi la Révolution française. C’est notamment ce pape que l’on voit sur le célèbre tableau du couronnement de Napoléon. C’est d’ailleurs à la suite de cet événement que la relation entre les deux hommes se dégrade provoquant de fortes tensions entre la France et le Vatican.

La mère de l'empereur

Le scénariste Philippe Thirault fait le choix de suivre la relation entre ces puissants pour mettre en avant la vie du pontife. On suit l’enfance compliquée et étrangement proche de chacun. Cependant, alors que Napoléon rentre à l’école militaire, frère Grégoire devient moine bénédictin. Il est un homme ouvert sur son temps en ayant lu l’Encyclopédie puis rencontré Condillac. Ne paraissant nourrir d’autres ambitions que de servir dieu, chaque promotion lui est offerte. Son élection comme pape semble être l’œuvre de la providence et ses prédictions politiques relèvent de la divination. Devenu cardinal, il met sa vie en jeu pour éviter la répression féroce de l’armée française et donne son salaire aux pauvres. Sans formation, il se révèle un habile politicien. Néanmoins, il faut attendre les dernières pages pour voir notifier son antijudaïsme. A l’opposé, le scénariste dresse un portrait à charge de l’empereur. Mégalomaniaque, il veut qu’une fois mort, ses cheveux servent à fabriquer des bracelets pour sa famille. Sa campagne victorieuse en Italie est la preuve de son ambition personnelle dévorante et de son mépris pour la vie humaine ou de la hiérarchie ecclésiastique bien qu’il soit chrétien. Par un machiavélisme sans limite, l’empereur ne respecte pas ses promesses. Cette opposition très efficace dans le livre le rendant facile à suivre aurait néanmoins mérité plus de nuances.

Sorti l’année de bicentenaire de la mort de Napoléon, Pie VII est une hagiographie d’une des rares hommes à avoir réussi à s’opposer à l’empereur et, de plus, sans violence. Le lecteur sortira enrichi de connaissances par la bande dessinée ainsi que le dossier documentaire à la fin. S’il est avisé, il aura la prudence de compléter sa lecture par d’autres sources pour avoir une vision plus nuancée de Pie VII.

Si les liens entre bande dessinée et histoire vous intriguent, vous retrouverez sur ces liens un texte sur la propagande dans les comics et un polar social à Los Angeles.