L’autre visage de Los Angeles dans Goodnight Paradise

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Oubliez les paillettes et les belles voitures pour découvrir la complexité de Los Angeles et de la vie en général dans le renversant Goodnight Paradise, un diamant sombre de Joshua Dysart et Alberto Ponticelli proposé courageusement par Panini comics.

Sur les pas d’un SDF

Eddie sans domicile fixe se rend dans une bibliothèque pour satisfaire un besoin physique essentiel. Il en profite pour consulter ses mails mais n’ose répondre à son fils Jéronimo. En passant, il salue un complotiste. Voici le début de Goodnight Paradise où, en quelques cases, le récit réaliste et choral est posé. Eddie vit en marge de la société à Los Angeles. Déjà difficile, sa vie devient encore plus chaotique quand il trouve le corps d’une fugueuse assassinée, Tessa Kurrs. Il se donne la mission de trouver les coupables. Ses recherches le conduisent dans les quartiers méconnus et sombres de la ville des anges.

L.A. brûle dans Goodnight Paradise

Ce titre vous permettra de découvrir un fantastique scénariste, hélas trop méconnu. Joshua Dysart a brillé dans les récits de super-héros mais ce titre est très différent. Vivant non loin de Skid Row, un quartier où les sans-abris sont très nombreux, cet auteur humaniste n’est pas resté enfermé dans sa maison mais il a choisi de s’engager dans sa cité en aidant des associations. Cette expérience l’ayant profondément touché, il a voulu en faire un livre. Ce sera Goodnight Paradise. Dysart nous fait entrer dans le quotidien des marginaux sans enjoliver cette vie. Leur vocabulaire est très cru : « j’ai pas chié depuis des jours ». On est plus chez Bukowski que Steinbeck. Tous ces marginaux se connaissent, se parlent voire s’entraident. On pénètre une communauté avec ses codes pour survivre.

Dysart avait déjà collaboré avec le dessinateur italien Alberto Ponticelli dans Urgence niveau 3, il parlait de son expérience au sein d’une ONG. Son style peut surprendre. Les visages sont assez carrés et cireux. La colorisation donne l’impression que chaque surface est sale alors que le passé est plus propre par des aplats. Des images retournent l’estomac alors que pourtant on ne voit aucune violence et en fin de volume, il est impossible d’imaginer un autre artiste sur ce titre.

Le portrait de personnes à part

Le quartier de Venice Beach dans Goodnight Paradise

L’aspect documentaire s’efface progressivement pour mettre en avant des êtres humains car Goodnight est avant tout le portrait de différents habitants de Venice Beach. Eddie est une figure christique qui se sacrifie et donne tout aux autres. Il est un habitué de la rue mais est effondré en découvrant la fille dans une benne à ordures. Malgré tout, Eddie n’est pas un bon détective. Il est si maladroit qu’on a peur pour lui. A l’image d’Eddie, le récit est erratique et libre. Le sujet change complètement quand son fils arrive. Il lui fait le tour de son monde mais ne s’intéresse jamais à sa vie. C’est à la fois splendide et tragique. Par différentes rencontres, Eddie découvre le passé de Tessa. Dans le chapitre deux, la fugueuse vient d’arriver à Venice Beach et semble heureuse mais on est dévastée alors qu’elle abandonne ses médicaments, se met au crack et perd progressivement pied avec le réel. Au-delà de ce groupe, Dysart fait le portrait de Venice Beach, quartier très mixte où deux mondes cohabitent sans se croiser : les inclus et les exclus. Même s’il existe un espace partagé sur la plage, les deux communautés n’ont en commun que des péchés : l’alcool et la drogue.

Goodnight Paradise est un choc de lecture, un moment unique à travers un polar. Cette enquête est un moyen classique pour rentrer dans un projet bien plus large présentant des personnages profonds, des milieux méconnus et une ville fracturée en deux. On aura le fin mot de l’enquête mais surtout des visages resteront dans votre esprit très longtemps après avoir fermé le livre.

Si cette chronique vous a intéressé, vous pouvez retrouver une chronique d’Urgence Niveau 3 du même scénariste et The 7 Deadly Sins de la même maison d’édition.