Depuis son annonce et le début de la polémique, Hatred a fait couler beaucoup d’encre. Enfin d’encre, de pixels plutôt, puisqu’il s’agit bien principalement de la toile qui s’est déchaînée contre le jeu indépendant de Destructive Creations, pourtant pas encore sorti. Il est vrai que depuis quelque temps, il est de bon ton de juger un jeu sur une ou deux vidéos. Après tout, The Witcher 3 avait presque déjà reçu le titre de jeu de l’année longtemps avant sa sortie, alors pourquoi ne pas condamner un petit jeu indépendant ? Il est vrai que son thème peut relativement surprendre, du moins présenté aussi clairement. On annonçait un jeu où le joueur incarnait un psychopathe anonyme qui, suite à un pétage de plombs relativement réfléchi, décidait de s’élever contre la race humaine en tuant le plus de monde possible dans ce que je serai tenté d’appeler « une journée normale au pays des armes à feu banalisées et légalisées ».
Les médias qui dénoncent la violence dans les jeux vidéo, rien de bien étonnant, mais ce qui l’est plus, c’est que cette dénonciation vienne en partie de certains sites spécialisés dans le monde des jeux vidéo et d’une communauté de joueurs scandalisés par tant de haine. La haine qui appelle la haine, celle qui appelle la violence, celle qui ne dérange pas lorsque l’on tue des policiers par centaines dans Payday, où que l’on massacre les passants après s’être réveillé en slip dans une poubelle avec le caricatural taré Trevor dans GTA V. Hatred était visiblement fait pour diviser, comme le montre les avis très partagés sur la qualité du jeu en tant que tel à peine quelques jours après sa sortie, tant chez les joueurs que chez les critiques. Et bien nous, chez Just Focus, on a décidé de profiter de notre réelle indépendance afin de se forger notre propre avis.
NOTE IMPORTANTE : Nous sommes toutefois conscients que la nature même d’Hatred peut choquer, et que certaines accusations formulées contre les développeurs du jeu peuvent entraîner un débat idéologique important. Cependant, si l’on excepte l’intro de l’article, nous avons décidé de traiter le jeu pour ce qu’il est sans aucun doute : un objet de divertissement pour public averti. Nous ne tiendrons plus compte de la polémique passée et présente à partir de maintenant.
Le misanthrope
Hatred, c’est l’histoire d’un type habillé du trenchcoat de Neo de Matrix avec les cheveux longs du guitariste de Slipknot (ou de Death de Darksiders 2, au choix).On ne sait ni son nom ni son histoire. Ce qu’on sait, c’est que cet homme déborde d’une haine destructrice, aussi bien pour les autres que pour lui-même. Un triste jour, il décide de passer à l’action et de sortir armé dans la rue pour faire un maximum de victime, dont la dernière devra obligatoirement être lui-même. Le jeu commence donc a la sortie de sa maison, une sorte de point de non-retour d’un acte de pure folie suicidaire. En vérité, le « héros » est une sorte de silhouette fantomatique. On ne voit que très peu son visage, et tout est calculé pour qu’on en sache le moins possible sur lui, un peu de manière à ce que l’on joue la haine personnifiée.
Un monde déformé diablement classe
Le tueur fou est déformé de manière relativement irréelle, mais le monde l’est aussi. En effet, un filtre graphique rend le jeu intégralement en noir et blanc, à l’exception des objets explosifs ainsi que le feu lui-même. Ce parti prit réellement audacieux et risqué rend le tout très plaisant, faisant d’Hatred d’entrée un ovni aussi bien de par le thème que de par sa représentation. Il fallait oser. En tout cas, rien à redire, la technique est au rendez-vous. Une mention spéciale est méritée non seulement pour ses choix esthétiques mais aussi pour le moteur physique. En effet, l’environnement est intégralement destructible : les vitres se cassent sous vos balles, mais aussi les murs ! De plus, les explosions peuvent emporter la moitié d’un bâtiment de manière assez bien pensée. Assez astucieux pour se créer une sortie de secours improvisée.
He shot me down, bang bang !
Bon on tue, c’est bien joli tout cela, mais comment ? Hé bien de manière assez simple. Le jeu est jouable au clavier et à la souris, ou bien à la manette. Dans les deux cas, les commandes répondent plutôt bien. On vise d’un stick, on bouge de l’autre, un peu a la manière d’un Dead Nation. On peut lancer des grenades, des grenades aveuglantes ainsi que des cocktails Molotov. On a accès à trois slots d’armes où peuvent se succéder un arsenal ramassé principalement sur vos victimes des forces de l’ordre, ou même parfois des citoyens, vu que l’action se passe sans doute au pays de la NRA ! Vous pouvez même prendre le contrôle de véhicules, ce qui est un petit plus agréable. Mais là où il y a un ch’ti souci dans le potage, c’est qu’il n’y a aucun item de soin, et aucun checkpoint. Malgré les quelques « point de résurrection » ramassés en accomplissant des objectifs secondaires, la difficulté va, et très vite, vous pousser doucement jusqu’à la mort. En effet, le seul moyen de regagner de la vie est d’exécuter froidement vos victimes agonisantes dans des animations assez sympas mais hélas trop répétitives et qui font bugger la caméra. Ça c’est un défaut technique, mais bon vu qu’on est passif durant ces scènes, ce n’est pas immensément grave. Ce qui est un peu plus handicapant c’est de voir le si bel effet noir et blanc gâcher la viser de loin parfois non visible. De plus, la caméra s’affole parfois lors de cette visée, ce qui fait perdre du temps, et dans ce jeu, vous n’aurez pas le luxe de perdre des précieuses secondes, puisque l’IA ne vous fera absolument aucun cadeau.
C’est quand même pas si facile de tuer des gens, ma bonne dame !
Tuer des citoyens désarmés ça paraît relativement simple (enfin, dans un jeu, bien sûr !), mais lorsque vous devrez repousser les forces de l’ordre, le Swat, puis l’armée, cela le sera beaucoup moins. Les niveaux sont toujours construits de la même façon : tout d’abord, tuer un nombre précis de civils, ensuite tuer un nombre précis de représentants de la loi, puis s’enfuir. De plus, les stages sont parsemés de plusieurs objectifs secondaires liés à des lieux précis apparaissant sur le radar. Cela a tendance à être assez redondant, d’autant plus que votre tâche vous paraîtra aisée les premiers niveaux, mais n’aura de cesse de s’intensifier pour devenir de plus en plus punitive. Côté durée de vie, le jeu est assez court, si vous êtes suffisamment bon vous en aurez pour environ 5 heures.Heureusement, le challenge proposé devrait prolonger l’expérience de jeu, surtout en mode normal ou difficile mais il faut bien avouer que cela n’est pas suffisant et nous restons un peu sur notre faim.
Un IA pas toujours cohérente
Les piétons sont nos premières cibles dans Hatred, et pourtant ils ont légèrement tendance à vouloir mourir. Du coup, on sourit un peu en voyant un homme courir vers vous, le grand dingue au fusil à pompe en vous demandant de ne pas le tuer. Autre petit détail assez dommage, les gens se réfugient dans des maisons. Cela serait très pertinent s’ils pouvaient en fermer les portes. Parce que se planquer dans une abri où tous les accès sont ouverts au tueur fou qui parcourt la rue, cela revient à laisser les clés sur sa voiture avec un mot « volez moi svp« . Dernier point négatif, les policiers sont plus proches de robocop que du caricatural « filc donuts », parce que deviner où vous êtes, encore en communiquant par radio, ok, mais deviner où vous êtes derrière un mur et tirer à travers, c’est carrément surnaturel ! Point positif en revanche : les piétons ramassent les armes trouvées par terre pour se défendre, ce qui est plutôt bien pensé. Bon ça n’empêchera pas d’autres de crier dans la langue de Shakespeare « Oh mon Dieu il a une arme ! » alors qu’on tire notre 3575 ème balle dans ce quartier depuis 1 heure. Certains sont… observateurs.
Hatred a été plus que controversé, et l’est toujours. Au final, on doit le prendre pour ce qu’il est : un petit jeu indépendant techniquement très réussi, avec certes quelques défauts assez gênants, mais tout de même assez bien pensé. A une époque où on aime récompenser des jeux parce qu’ils ont le mérite d’être simples et indépendants, pourquoi pas Hatred ? Le jeu reste, malgré ses quelques bugs, sa faible durée de vie et son IA un poil horrible, un très bon défouloir à petit prix qui a le mérite d’être original, artistiquement réussi, et fun, tant qu’il atterrit devant un public adulte et averti. De plus, il proposera un challenge corsé pour les hardcore gamers les plus acharnés !