Le sauveur est un coq dans Rooster Fighter

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Le Japon est menacé par des monstres géants. Habituel dans les mangas vous me direz. Il suffit d’attendre le sauveur humain mais dans Rooster Fighter, le messie est tout en plumes et griffes.

Un animal contre des monstres

Rooster Fighter au combat

Les villes japonaises sont attaquées par des monstres gigantesques êtres, les kijû. Les humains semblent désarmés face à cette menace soudaine. Cependant, un coq lève ses ergots pour sauver l’humanité. Keiji, sera-t-il de de taille alors qu’il arrive à peine à la hauteur des chevilles des humains ? Rooster Fighter est une œuvre délirante édité par Mangetsu qui, après Ping Kong, creuse le sillon des séries aux pitchs totalement improbables. Cependant, cette nouvelle série ne se limite pas à une idée originale. Le scénariste et dessinateur Shu Sakuratani part de cette idée délirante pour construire une série aux multiples couches de sens.

L’action est extrêmement bien réussie. Le lecteur ou lectrice est totalement embarqué dans les combats. Mais on rigole aussi énormément des situations complètement improbables. Le coq fonce comme un boulet de canon pour bousculer les kijû. Il sait se battre mais son arme décisive est le cocori-K.-O, un cri capable de faire exploser les cerveaux des monstres. Si on rit très souvent, les émotions sont très variées. On est ému de découvrir le passé de Keiji, de comprendre les causes de sa colère – un membre de sa famille a été par un kijû – et de sa haine. Les kijû sont aussi gigantesques qu’ils sont ridicules.  Shu Sakuratani rend admirablement cette dualité par les destructions qu’ils provoquent et leurs corps totalement difformes. Le lecteur est partagé entre l’humour de ces monstres ridicules et le mépris pour leurs paroles pathétiques.

Des humains ou des animaux, qui est le plus sauvage

le cri du Rooster Fighter

Les actes du personnage principal de Rooster Fighter sont héroïques. Keiji vient rétablir la justice mais ne reste jamais. Oiseau migrateur, il remplit sa mission puis part en chasse d’un nouveau kijû. Le cinéphile reconnaît une figure bien connue des westerns. Keiji est un cow-boy solidaire qui arrive dans la ville pour supprimer une injustice puis repart. Comme de nombreux anti-héros des années 1970, le coq n’est absolument pas agréable. Dès la première page, on le voit copuler avec une poule qu’il abandonne juste après l’acte. Keiji n’est pas plus aimable avec les autres oiseaux qu’ils n’estiment guère. Venu rencontrer un sage dans un zoo, il trouve les jeunes ignorants et méchants. Le dessinateur fait le choix original de présenter Keiji par un anthropomorphisme vulgaire. Keiji est à la fois pleinement un animal suivant ses instincts et un humain qui pense, parle et surtout critique.

Il déteste la société humaine qu’il trouve hypocrite. Pire, il trouve les enfants totalement idiots et les fuit. Les kijû sont également une caricature de la société japonaise. L’auteur profite de l’humour pour montrer la vie morne des salarymen, l’exclusion des marginaux et l’abandon des plus âgés. Shu Sakuratani dénonce également la violence omniprésente tant chez les humains que chez les animaux. Elle est juste plus hypocrite et cachée chez nous. A la fin de Rooster Fighter, on a le sentiment que la société humaine est encore plus dure. Elle ne s’attaque pas juste au corps mais aux sentiments ce qu’illustre chaque monstre.

On peut croire au départ que Rooster Fighter est un pur délire humoristique mais le premier tome de cette série démontre la profondeur surprenante de l’œuvre de Shu Sakuratani. Le lecteur et la lectrice oscille entre le rire par la parodie et les situations absurdes et les larmes par le propos engagé et la violence subie par Keiji. Mangetsu a donc su trouver une pépite dont on a hâte de vous chroniquer la suite.

Vous pouvez retrouver d’autres titres tout aussi barrés dans les chroniques sur Ping Kong et Clean with passion.