Retour sur la filmographie d’un réalisateur hors du commun : Park Chan-Wook

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Park Chan-Wook est un réalisateur et scénariste sud-coréen qui a révolutionné l’industrie cinématographique de son pays. Il a notamment réalisé une illustre trilogie ayant pour seul point commun le thème la vengeance qui est critiquée dans ce dossier. Voici un florilège de critiques de ce metteur en scène avec une quasi exhaustivité : seuls son premier long-métrage et les films dont il n’a tourné qu’un segment manquent à l’appel.

JSA – Joint security area – « Le riz est le communisme »« Détruisons les U.S.A. »

Park Chan-Wook a ardemment contribué à l’essor du cinéma sud-coréen. Et voici l’un de ses premiers longs-métrages où on aperçoit déjà sa mise en scène ciselée, précise et violente sur sa finitude pour ce film qui oscille entre les genres policier et thriller. JSA – Joint Security Area donne son nom à la zone entre les deux Corées sous tension et au poids historique de la situation très lourd ; en effet, il suffirait d’une étincelle pour mettre le feu au poudre.

Sympathy for mister vengeance – « Le cochon cuit n’a pas peur du four »

De la sympathie, c’est ce que l’on éprouve autant pour le sourd-muet qui a kidnappé la fillette que pour le père qui tente d’assouvir sa vengeance ; c’est de ce paradoxe que naît la fascination. D’autant plus scabreux de par sa froideur que les autres volets de sa trilogie, c’est, en effet, là que réside toute la virtuosité de Park Chan-Wook : éviter soigneusement d’identifier le protagoniste un coup l’un, un coup l’autre.

Old boy – « Ris. Tout le monde rira avec toi. Pleure. Tu seras le seul à pleurer »

Park Chan-Wook déploie une mise en scène dérangeante (l’arrachage de dents avec l’arrière d’un marteau) et dans un délectable mélange de subjugation et de violence (la scène de combat filmée latéralement dans le couloir).
Dûment significatif du cinéma coréen où les sentiments arrivés à leur paroxysme prévalent : on hurle, on s’effondre de mélancolie, on y saigne abondamment. Des questions qui trouvent leurs réponses perturbantes dans un final flamboyant.

Lady vengeance – « Il veut la tuer parce qu’il l’aime. Tu ferais pas pareil, toi ? »

Entamée par Sympathy for mister vengeance, clôt habilement la trilogie de Park Chan-Wook ayant pour thème récidivant la vengeance. Mais cette fois-ci, les représailles bénéficient d’une touche féminine donc élégante, là où ses prédécesseurs n’étaient que violence brute ; elle incarne la dualité, à la fois « sorcière » et « ange ».
Beaucoup moins violent qu’Old boy, tout est dans la tourmente psychologique.

Je suis un cyborg  – « J’espère que le néon dans la chambre est plus sympathique »

Ce matin, j’ai regardé une comédie asiatique et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’était un délire particulier. Nonobstant l’aspect tragique de la situation qui se déroule dans un hôpital psychiatrique, le réalisateur ne conserve que le côté le plus amusant de la folie. Il faut omettre tout ce que l’on a pu voir de violent chez Park Chan-Wook jusqu’ici pour adhérer à cette rêverie.
Hautement inspiré des films de Tim Burton esthétiquement, je déconseille Je suis un cyborg à ceux qui seraient intolérants avec cette divagation extravagante, à cette poésie barrée.

Thirst, ceci est mon sang – « Les coréens n’apprécient pas assez le mah-jong »

Park Chan-Wook réorganise lestement les codes du métrage vampirique. Thirst, ceci est mon sang prend son temps pour introduire les vampires. Mais ce n’est pas grave car après on voit les pulsions sexuelles et l’alcool comme allégorie de cette quête effrénée de sang. C’est la relation entre un homme et une femme qui est l’autre thème majeur et de leur influence l’un sur l’autre.

Stoker – Vieille femme botoxée et jeune fille déifiée

C’est un film de vampires comme le rappelle le titre mais pas des plus classiques. Ainsi on a droit à une visite de l’oncle Charlie, sorte d’hommage d’un vétuste L’ombre d’un doute. Le lyrisme implicite laisse place à l’indélicatesse lors d’une scène de la douche plein de sous-entendus morbides. La performance d’acteur serait presque gâchée par une Kidman, tout de boursouflures à cause d’un excessif recours à la chirurgie esthétique mais heureusement rattrapée par l’intervention d’une curiosité nommée Wasikowska.

Mademoiselle – « Dans une telle maison, tu sais ce qu’on attend d’une servante ? »

Thriller teinté d’érotisme ressemblant à La vie d’Adèle à propos de l’amour saphique, Mademoiselle est hitchcockien dans son dédoublement de points de vue. Un érotisme d’une part réconfortant avec la sensualité, l’hédonisme et la lascivité de deux femmes lors d’ébats très explicites et d’autre part froid pendant les laïus lus au cours de folies sadomasochistes avec le mannequin. Le film bouscule plusieurs fois les notions de marionnette et de manipulateur.

Decision to leave – « Les fourmis mangent les gens ? »

Savoureux mélange de Sueurs froides et de Basic instinct, le film revisite le concept de femme fatale. Grandement moins violent que ce à quoi Park Chan-Wook nous a habitué, mais l’aspect formel ne prend-il pas le pas sur le fond ? Hormis ces plans majestueux, le métrage pèche par excès de sophistications. En effet, la narration est quelque peu compliquée avec ses flashbacks confusément amorcés ; en tous cas, ils interdisent toute efficacité.