Critique de Thrawn trahison de Timothy Zahn : contrat rempli

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En 1991, Lucasbooks confie à Timothy Zahn, auteur peu connu du grand public, la rédaction d’une nouvelle trilogie prenant place après l’épisode VI de starwars. Le choix se révèle brillant car Timothy Zahn livre avec La Croisade noire du jedi fou une postlogie épique et intelligente. En effet, tout en respectant l’univers de base (la compréhension de la mystique de la force), il l’enrichit en tissant des liens avec la future prélogie (la place des clones). Il développe en outre le passé et le destin des personnages (Luke, Han…).

Il étend enfin l’univers en creusant l’histoire de l’empire, celle des contrebandiers et surtout introduit de nouveaux personnages destinés à s’inscrire durablement dans l’univers starwars : le capitaine Pellaeon, Mara Jade et surtout Thrawn. Ce dernier, grand amiral et tacticien hors pair au service des vestiges de l’empire séduit le lecteur. A tel point que 20 ans plus tard, Disney en manque de personnages charismatiques commande à son créateur une nouvelle trilogie centrée sur son passé (avant l’épisode IV). Le troisième volume clôt avec talent un exercice style difficile.

Thrawn : de l’univers legends à l’univers Canon

La carrière éditoriale du grand amiral Thrawn illustre parfaitement la maîtrise de l’univers étendu par Lucas et les errements artistiques de Disney. Il est nécessaire en effet  pour apprécier ce troisième volume de bien avoir en tête la vie artistique de ce personnage. Dès la parution de la première trilogie de Timothy Zahn, l’accueil est unanime notamment concernant le principal antagoniste de la république. L’auteur a réussi à innover sans trahir en inventant cet alien au service de l’empire, féru d’art et qui se sert de l’analyse des goûts esthétiques de ses ennemis pour les vaincre. Alors que l’empire dans les films ne s’appuyait que sur des humains, cette trilogie casse ce mythe et insiste sur le pragmatisme, le machiavélisme de Palpatine. L’engouement pour ce personnage est tel qu’il revient en 1999 dans les deux romans de la saga la Main de Thrawn. A nouveau très maîtrisés, ils croisent habilement l’intrigue du film Kagemusha de Kurosawa avec le style plus politique de la prélogie.

Mais à partir de 2012, date du rachat de Lucasfilm par Disney, les executive en charge de l’univers starwars prennent une décision étonnante. Scinder en deux l’univers : le canon (les films + les séries) et le légends (B.D, Comics). Une étrange politique qui relègue Thrawn aux oubliettes. Mais c’était sans compter avec les déboires créatifs de la postlogie, le peu de personnages nouveaux intéressants et la colère des fans. En 2016, changement de stratégie. Thrawn apparaît dans la saison 3 de Starwars Rebels. Puis, en 2020 dans la saison 2 de The Mandalorian, son nom est cité par Ahsoka Tano. Thrawn est de retour dans l’univers canon. Et en 2018, trois histoires sont commandées à son créateur : Timothy Zahn.

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Thrawn : une intrigue bien menée

Une chose est sûre, Timothy Zahn n’a rien perdu de son talent. Son troisième volet est minutieusement construit autour d’intrigues séparées qui se rejoignent pour une conclusion surprenante. La lecture est agréable, rythmée. Malgré le luxe de détails techniques, un néophyte suit facilement les péripéties, les enjeux. Beaucoup de personnages entrent en interaction, conflit. Certains issus des films, d’autres de l’imagination de l’auteur. Et tout fonctionne très bien sans aucune impression de fan service imposé.

Le personnage de Thrawn est évidemment le cœur du roman. On ressent tout l’amour qu’a l’auteur pour sa création. Loin d’une simple exposition du génie de l’homme, Timothy Zahn approfondit les motivations de cet officier atypique, ses pensées, ses convictions. Il entreprend aussi de questionner la relation entre l’empereur et ce grand amiral qui ne coche aucune case. L’homme n’est ni arriviste, ni corrompu. Il pense avant tout à l’intérêt général. L’auteur en montre enfin les failles : sa méconnaissance de la politique et des luttes de clans au cœur de l’empire. Dommage que jamais l’auteur n’ose le mettre en situation d’échec.

L’art de respecter le cahier des charges

Pour cette nouvelle série de livres, Timothy Zahn est beaucoup moins libre. Il doit en effet se caler dans un univers très normé par les séries et les films. Cette contrainte constitue dès lors une qualité et une des limites de son livre. Le troisième volume plaira à ceux qui ont vu Rogue One A stars Wars Story, The Mandalorian ou Starwars Rebels. Vous y croiserez le directeur Krennic ou le Grand Moff Tarkin. Vous retrouverez toute la bassesse des officiers, fonctionnaires impériaux passant leur temps à faire trébucher leurs collègues. La menace de l’empereur est aussi très bien transcrite. C’est une ombre dont on ne sait jamais quand sa faveur deviendra bannissement voire mort.

Cependant, ce canevas limite la créativité de l’auteur. Il est évident qu’il se doit de rester dans les rails posés par la série Starwars Rebels. Le livre n’atteint donc pas les sommets de dépaysements et d’audace des romans d’origine. Les nouveaux personnages sont moins développés que ceux imposés par l’univers canon. De même, la chronologie du roman (avant l’épisode IV) oblige à citer les planètes connues : Scariff par exemple. Néanmoins, le roman s’extraie par moment de ces sentier balisés pour approfondir la culture du peuple Chiss (la race de thrawn) et son étonnant rapport à la force. Et il y a aussi une race extra-terrestre menaçante, intrigante : les Grysks. Des bases pour de futures extensions de l’univers étendu ?

Thrawn Trahison se révèle un roman de très bonne facture révélant une nouvelle facette de Timothy Zahn. Malgré un cahier des charges assez pesant, il parvient à livrer une œuvre dépassant le simple fan service, c’est déjà beaucoup.