Marie Tudor ou le destin tragique d’une reine sanglante

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1955

Les éditions Delcourt proposent, dans la série historique Reines de sang, des portraits de femmes ayant marquées leur époque mais ensuite disparues dans la poussière du temps. Cependant, Marie Tudor est une exception et ce premier volume prouve pourquoi cette femme est devenue une figure encore actuelle.

Une fille de roi qui s’émancipe

La naissance de Marie Tudor

Le scénariste Corbeyran s’intéresse dès le début de Marie Tudor au quotidien de la grande figure de l’histoire. Le 18 février 1516, le roi d’Angleterre, Henry VIII attend dans son palais la naissance de son premier enfant. Il est très inquiet car ses quatre enfants sont morts en bas âge. Ce ne sera pas le cas avec Marie. La jeune femme grandit chouchoutée par son royal paternel. Il est fier de sa fille pour son talent de musicienne. Par l’exemple de Marie Tudor, le lecteur suit l’éducation d’une princesse. Elle a des précepteurs mais sa mère garde un grand rôle. Elle lui donne des modèles de vie, lui apprend aussi le latin, le français et l’espagnol. En effet, Marie Tudor, est une enfant de deux cultures. Elle est avant tout anglaise par son père et son lieu de vie, mais sa mère veut lui transmettre l’héritage de la famille d’Aragon. Ces faits semblent venus de nombreuses recherches du scénariste Corbeyran à partir de lettres de Marie. Pourtant, certains éléments semblent anachroniques : sa mère veut que la princesse choisisse son époux.

Marie Tudor est également l’histoire d’une relation compliquée entre un père et sa fille, où se mêlent amour et raison d’état. Sa vie est mouvementée mais, au départ, elle n’y peut rien. Ainée, Marie est l’héritière du trône d’Angleterre. Pourtant, aucune femme n’a exercé réellement le pouvoir. Afin de s’assurer de son futur d’épouse du roi d’Angleterre, une cérémonie simule donc son mariage avec l’héritier du trône de France, le fils de François Ier alors qu’elle est encore bébé. Une fois adulte, elle est exilée dans un château à la limite du Pays de Galles, mais cette situation est peut-être une promesse de riches opportunités…

L’intime rejoint la grande histoire

L'enfance de Marie Tudor

Par la biographie tumultueuse de Marie Tudor, le scénariste détaille la naissance de l’anglicanisme, une religion créée pour une femme. Il reprend la légende noire faisant d’Anne Boleyn une force néfaste par rapport à un Henri VII manipulé et dupé. Se centrant sur les affaires de couple, il met de côté d’autres causes comme une volonté d’indépendance nationale. Ce premier volume donne une vision féminisme de cette période. La médecine intime des femmes est mal connue car tous les médecins sont des hommes. Certaines disciplines scolaires sont interdites à Marie Tudor. La reine ne devait pas régner mais, tout change car sa mère n’arrive pas à avoir d’autre enfants. Henri VIII trouve une solution radicale…

Ce premier volume est donc un dense récit historique. Les personnages et les évènements sont nombreux. Le dessinateur Claudio Montalbano arrive très bien à rendre cette complexité. Son style réaliste est classique dans la bd historique. Les multiples paysages et les architectures très variées sont très beaux. Les visages semblent inspirés de portraits d’époque mais ils peinent à se mouvoir dans une case. L’intégration du texte avec des grandes bulles et une police assez banale peut surprendre. A l’inverse, le coloriste Jean-Paul Fernandez reste très classique avec des couleurs réalistes dans une tonalité sombre.

Le premier tome de la nouvelle séries des Reines de sang est une succession de drames. Pourtant, Marie Tudor se révèle une princesse fidèle et pieuse refusant de céder devant le puissant courroux de son père. Comme Game of Thrones, le livre se termine par un cliffhanger dynastique très réussi.

Retrouvez d’autres récits de cette collection avec Cléopâtre et Les trois Julia.