Découvrez un géant de la bd par La Ballade d’Hugo

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Depuis plusieurs années, les biographies sur les artistes du 9e art se multiplient mais très peu ont une vie aussi romanesque qu’Hugo Pratt, le créateur de Corto Maltese. Écoutez La Ballade d’Hugo pour vous en rendre compte.

Trois en un

Première page de La Ballade d’Hugo

La Ballade d’Hugo est une coédition de la maison française Glénat et des Italiens de Lo Scarabeo composée de trois parties. Après une préface sur la création de ce volume, la première moitié est une bande dessinée scénarisée par Bepi Vigna, dessinée et colorisée par Mauro de Luca. Il ne s’agit pas de récit de toute la vie d’Hugo mais des flashs sur son enfance jusqu’à son départ pour l’Argentine. Mauro de Luca adopte un style réaliste classique mais magnifiquement mis en couleur à l’aquarelle.

La deuxième partie de La Ballade d’Hugo est un ensemble de textes qui raconte la suite. Par plusieurs témoignages, le lecteur comprend que le talent de Pratt doit aussi beaucoup à son éditeur Florenzo Ivaldi. Les photographies nombreuses montrent son enfance et son travail. Ces textes sont riches d’informations précises sur le dessinateur mais aussi sur la bd en général. Au début des années 1950, l’Argentine est un foyer de création pour la bande dessinée grâce à des auteurs venus de plusieurs États d’Amérique du Sud (Mandrafina, Breccia) et d’Europe (Pratt, de la Fuente). Plus que par les albums, les artistes vivent en plaçant des histoires plus ou moins longues dans des revues. Le texte explique d’ailleurs la naissance de la révue Kirk où est né Corto Maltese. Le livre se clôt par de nombreux fac-similés qui démontrent le talent et le caractère éclectique d’Hugo Pratt. On est ébloui par les illustrations originales et les couvertures réalisées pour la revue Kirk.

Une vie dans le siècle

Une photo de La Ballade d’Hugo

On trouve dans La Ballade d’Hugo des souvenirs personnels de Pratt et des anecdotes. En effet, l’auteur Bepi Vigna ne vise pas la précision historique mais romance la vie de Pratt. C’est d’ailleurs par cette profession de foi que commence la bande dessinée. On comprend sa passion pour Milton Caniff par un échange de revues sur un pont vénitien. Mais si sa vie est si riche c’est qu’elle rencontre la grande Histoire.

On a souvent dit que Corto Maltese ne faisait que mettre en image les aventures de son auteur. C’est loin d’être certain mais les bouleversements mondiaux sont au cœur de son œuvre. On voit des soldats italiens pendant l’expansion italienne en Afrique centrale et son père en uniforme de l’armée coloniale. La Ballade d’Hugo dénonce l’usage illégal de gaz de combat et la violence sans limites de l’armée italienne. Le père de Pratt semble avoir une vie encore plus étrange. D’un côté, il apparaît comme un militant fasciste convaincu, poussant son fils à arrêter l’école pour s’engager dans l’armée coloniale avec lui. D’un autre côté, il semble avoir eu des liens avec les services secrets anglais comme le prouve sa fin tragique.

La menace de la Seconde Guerre mondiale apparaît également par l’omniprésence du fascisme. Le parcours d’Hugo Pratt pendant la Seconde guerre mondiale est sinueux car il a intégré l’armée allemande, la résistance italienne et l’armée britannique. La sortie de guerre est complexe en Italie car le pays en ruine est partagé entre des résistants voulant se cacher et d’anciens fascistes dissimulant leur passé. Même si c’est une évidence, une déconstruction de la propagande impérialiste et raciste et une dénonciation du sous-texte viriliste auraient été bienvenus.

Il fallait bien allier l’évocation de la bd et la précision journalistique d’un texte pour décrire une partie de la vie du grand Hugo Pratt. Bepi Vigna et Mauro de Luca s’associent avec succès dans ce livre qui séduira les fans de Corto Maltese.

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