Le plus beau traître dans Mibu Gishi Den

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L’héroïsme n’est plus à la mode, alors vive la trahison ! Pour le prouver, le premier tome de Mibu Gishi Den remonte dans le passé. Découvrez dans notre article comment un samouraï quitte la voie de l’honneur.

Fuir la défaite

La fuite dans Mibu Gishi Den

Mibu Gishi Den débute par l’incendie du château d’Osaka le 31 janvier 1868 lors de la bataille de Toba-Fushimi. Un samouraï quitte le camp de bataille. Kan’ichirô Yoshimura est seul, gravement blessé et couvert de sang, le sien et celui de ses ennemis. Il avance à l’aide du canne improvisée : son épée toute courbée. Malgré toutes ces souffrances visibles, il tient le coup pour retrouver ses enfants.

On pourrait croire que cette homme est un survivant mais Kan’ichirô Yoshimura se déshonore en fuyant le champ de bataille. Basé sur un livre de Jirô Asada, Takumi Nagayasu se charge de l’adaptation du texte et des images du portrait complexe d’un samouraï. Mibu Gishi Den est publiée en 2014 pour les cinquante ans de carrière du mangaka.

Membre de la milice du Shinsen Gumi, Kan’ichirô a rejeté son clan, celui du seigneur Nanbu devenant alors un ronin. Mais cette milice s’effondre, il veut donc revenir dans son groupe. L’accueil est hostile. Des gardes lui crachent dessus. Il est insulté, frappé à terre et on lui crache dessus. Alors qu’il va se suicider, il revient à son passé. Comment est-il tombé si bas ? Mibu Gishi Den raconte-t-il donc les aventures d’un traître ? Rien n’est moins sûr.

Le contexte n’est pas des plus simples à comprendre. Il y a des milices, des clans seigneuriaux et des agents de l’empereur. Tous se disent fidèles à l’empereur mais chacun a sa vision du projet impérial. La milice soutient le shogun et les loyalistes, l’empereur. Des Occidentaux arrivent ravivant la xénophobie puissante du Japon. Cette difficulté peut faire sortir du récit mais en s’accrochant, on saisit progressivement la situation.

Mibu Gishi Den ou l’entrée dans un film

La couverture de Mibu Gishi Den

Par Mibu Gishi Den, le lecteur est plongé dans un film. C’est d’autant plus sensible que le titre et les crédits des auteurs arrivent après ce prologue. Mibu Gishi Den n’est pas la première série sur le Shinsen Gumi de l’éditeur Mangetsu. En effet, Chiruran propose également de découvrir ce groupe de mercenaires devenu la plus puissante force de police de l’archipel. Le regard des auteurs sur ce groupe de mercenaires est profondément différent. Chiruran est une série d’action survitaminée qui propose une suite de combat dans un style très cartoon. Mibu Gishi Den adopte un ton bien plus grave. L’opportunisme domine dans Chiruran et l’honneur dans Mibu Gishi Den. Pour réintégrer le clan, la seule solution est le suicide.

La forme est également différente. Les nombreuses cases sans dialogue permettent d’apprécier le talent de Takumi Nagayasu et installent une ambiance lourde et ample. Sa précision est époustouflante à tel point que l’on aurait adoré un grand format. Les visages sont splendides de précision. On voit les plis des kimonos et les torsions des cordes. On voit jusqu’au sable et à la poussière sur les pieds lors d’un duel. Le lecteur comprend chaque détail d’un seppuku et les couches d’une tenue de combattant. Mais tout n’est pas beau. L’exécution finale est écœurante, loin du gore distrayant de Chiruran.

Pour honorer cette série, l’éditeur Mangetsu met les petits plats dans les grands. Le titre imite la calligraphie et rajoute un effet de relief. Les premières pages en couleur rendent justice au splendide dessin de Takumi Nagayasu. Le traducteur signale que le livre est écrit dans le dialecte de Tsugaru, une région connu pour une prononciation et une accentuation très spécifique.

Mibu Gishi Den est la seconde face d’une même médaille. Si Chiruran revient avec fougue et modernité sur la montée en puissance d’un groupe de jeunes ambitieux, Mibu Gishi Den montre la crise d’un père de famille ayant renié l’honneur pour l’ambition et l’amour de sa famille. Série touchante et magnifique, elle mérite que vous y jetiez un coup d’œil… et bien plus.

Mangetsu s’est fait une spécialité des manga historiques comme le prouvent nos chroniques sur Butterfly Beast et Keiji.