Méfiez-vous des charmes de la Butterfly Beast

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Grâce à Butterfly Beast, jetez un œil indiscret derrière les paravents pour découvrir l’univers des geishas, ces femmes maîtresses des plaisirs mais également des secrets. L’une d’entre elles est même une redoutable chasseuse de ninjas. Voici le pitch original de la nouvelle série de Mangetsu.

Une femme forte et létale

L’introduction plante le décor quand une geisha plonge une dague dans le corps de son client. Dans le quartier des plaisirs d’Edo, Ochô est une courtisane prestigieuse mais, en secret, elle traque ses anciens frères d’armes dévoyés. Elle est une shinobi – ninja – qui chasse les shinobis en usant d’armes blanches, de poison mais surtout de l’appétit sexuel des hommes. Quand elle doit tuer son amant, les regrets et la crise morale sont pour les autres. Elle paraît aussi froide qu’une lame mais se construit son propre code moral faisant d’elle un ange ou un démon selon les événements. Butterfly Beast fait donc le portrait d’une femme complexe. Elle fume mais en même temps elle hésite à sortir dans la rue et n’est pas indépendante. Elle obéit aux ordres de Raizô, son coordonnateur à la tête d’un groupe encore mystérieux, et chasse les criminels pour le chef du quartier. De plus, elle a ses propres motivations pour tuer que l’on découvre à travers son passé dans le tome deux. Ces découvertes viennent aussi de nouveaux personnages.

L'héroïne de Butterfly Beast

Une période de paix et de meurtres

En effet, Butterfly Beast n’est pas une série solo. On pénètre dans le quartier réservé de Yoshiwara à Edo. On y découvre des rites et des coutumes très nombreux. Le quartier a sa propre justice pour protéger les femmes mais surtout les clients et empêcher les geishas de fuir. La violence des clients n’est pas cachée. Comme le dessin le montre admirablement, le visage du quartier change totalement entre le jour morne et la nuit animée d’alcool et de luxure. On peut d’ailleurs souligner le splendide travail de Yuka Nagate. Les motifs des tissus sont superbement retranscrits. Les superbes visages et chevelures n’empêchent pas l’auteur d’être aussi très vif pour les combats individuels et les scènes de bataille. Le trait de Nagate est très fin et expressif mais en même temps très précis sur les décors. Il joue sur la densité de traits noirs pour renforcer le sentiment ou l’action.

Deux femmes dans le quartier des plaisirs de Butterfly Beast

Dans le tome deux, le quartier se vide en raison de la concurrence des bains publiques illégaux dont les prix attractifs des « services » attirent les clients. Cet essor est également lié à la croissance urbaine de la capitale Edo. Même si l’action est au cœur de la série, Butterfly Beast présente aussi un contexte historique précis. Le Japon plonge en 1635 dans une nouvelle ère en achevant une longue période de guerres féodales. Seuls les shinobis habilités par le gouvernement peuvent exercer leurs talents et les autres ninjas deviennent inutiles. Certains ont su se réorienter dans la paysannerie ou le commerce mais d’autres sont devenus des criminels. Les autorités craignent l’indépendance de ces renégats. Toute une administration secrète, des juges aux exécuteurs, est au service de la pacification du pays. Certaines personnes mises de côtés veulent briser la paix pour retrouver une source de revenu, de pouvoir et d’excitation. Yuka Nagate part de ces faits réels et invente des causes complexes. Au départ, Ochô s’attaque à des individus mais, à la fin du tome un, des indices laissent penser qu’une machination se prépare contre le gouvernement récent. On voit aussi des indices de l’arrivée des Européens.

Avec Butterfly Beast, Nagate Yuka construit un récit haletant où l’action est rendue encore plus forte par les tensions psychologiques de l’héroïne et les intrigues tortueuses autour du quartier des plaisirs. Eros et thanatos filent le parfait amour dans ce turbulent récit de sexe et d’amour. Mais, attention les voyeurs seront déçus car, si la violence est présente, le sexe est suggéré. Tant mieux car Butterfly Beast n’en est que plus fort.

Vous pouvez retrouver d’autres chroniques sur les sorties Mangetsu avec Le mandala de feu et Keiji.