Paris s’effondre dans Big Under

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Ce premier tome de la nouvelle série de 404 Graphic, Big Under, propose une visite souterraine de la capitale alors que les effondrements s’y multiplient. Mais tout n’est pas perdu car Paris sera peut-être sauvé par un groupe d’adolescents…

Big Under, un tunnel double à Paris

Les personnages de Big Under

Big Under s’ouvre par un voyage dans le passé en 1774. Un quartier de Paris s’est écroulé en dix mois en raison de l’état de délabrement des anciennes carrières et des galeries souterraines. Le roi Louis XVI charge Charles-Axel de résoudre ce problème souterrain. Pour cela, il fonde l’Inspection Générale des Carrières. On arrive brusquement au printemps 2021 pour découvrir les bureaux actuels de cette administration. Tel un mineur, le scénariste Virgile Iscan construit deux fils narratifs pour sa première bande dessinée. D’une part, le lecteur de Big Under découvre Antoine, ingénieur à l’Inspection Générale des Carrières. Cette administration est aujourd’hui totalement négligée. Tout le monde se désintéresse de ce service pourtant essentiel pour éviter que Paris s’effondre sur lui-même. Au cours d’une mission de routine, Antoine part avec trois collègues étudier les éboulements survenus dans les galeries souterraines. Leur inquiétude monte en remarquant que ces évènements se multiplient et qu’ils se situent à des emplacements historiques bien particuliers.

D’autre part, une lycéenne, Sonia, n’arrive pas à se concentrer sur ses cours. Elle ne pense surtout à ses amis et surtout à Sophie qui ne donne aucune nouvelle. Sophie, fille de Pierre-Guillaume Alain-Serré, directeur actuel de l’Inspection Générale des Carrière, a disparu. Sonia décide de réunir sa bande pour enquêter : Dez, Berry et Kim.

Ces deux récits vont plonger au cœur des sous-sols qui pourraient s’avérer être bien plus complexes qu’un simple bassin géologique. Big Under recèle de nombreux mystères au point que les premières pages peuvent sembler confuses. Il y a une sourde menace qui monte aboutissant à des effondrements du sol parisien, l’inquiétude de Sonia, le cauchemar d’une jeune fille… Au fil des pages, le lecteur de Big Under trouve la lumière dans le tunnel. Ces cauchemars viennent sans doute de Sophie. Elle a perdu sa mère et reste traumatisée depuis. Ces pages aident progressivement à comprendre où et ce que fait la disparue.

Ce mystère est aussi le propre du sous-sol rarement visité. Big Under devient même ésotérique en décrivant une légende locale et en faisant une allusion à la franc-maçonnerie. Dans la deuxième partie, les ados voient même des apparitions fantastiques. Étrangement, ils ne sont pas surpris ou surprises. Big Under se rapproche alors des feuilletons Belphegor ou Les compagnons de Baal.

Big Under, un breakfast Parisien

Le surnaturel dans Big Under

Par la mise en avant de Sonia, le premier tome de Big Under devient une analyse touchante d’une adolescente d’aujourd’hui. Elle remet son père à sa place alors qu’il veut juste s’intéresser à elle. Skatteuse féministe, elle est fan de ses sneakers Ewing. Ado typique, elle s’énerve quand ses amis ne sont pas d’accord avec elle. Ils relativisent la disparition de Sophie alors que Sonia s’inquiète de l’absence de réponses à ses appels et ses textos. Quand elle va chez son amie, son père élude le problème.

Sonia n’est pas isolée mais Big Under dresse le portrait d’un groupe d’adolescents et d’adolescentes modernes. Le groupe vit sa dernière année de lycéen. Ils se plaignent de ces ultimes contraintes avant la liberté dans le supérieur. La recherche de Sophie est leur dernière aventure d’enfance. Dez fait très butch avec ses cheveux courts et ses piercings. Le cinéphile pense immédiatement au Breakfast Club de John Hughes où John Bender serait Dez la punk, Berry se retrouve avec Brian. L’hommage est assumé car la quatrième de couverture parodie l’affiche du film.

Le dessinateur Alex Nieto ajoute de la douceur aux aventures de Big Under. Son dessin très rond rajoute très peu de traits. On peut remarquer son travail de recherche sur les tenues de ses personnages par les croquis en fin de volume. L’impression d’harmonie est amplifiée par la coloriste Fabiana Mascolo qui adopte des plage de couleurs unies sans effet. Elle conteste les codes dominants en proposant un passé très lumineux.

Le premier tome de Big Under est un plongée réussie dans les mystères d’une ville et d’un groupe d’adolescents. Dans un cadre très lumineux de Alex Nieto, Virgile Iscan propose un beau récit d’aventure où des lycéens jouent aux détectives mais sans avoir l’expérience d’un privé.

Big Under est la deuxième création de 404 après Mundus que nous avions chroniqué ici ainsi que Dunce du même éditeur.