Critique de No Control!, perfect edition : jeux de mains, jeux divins

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No Control ! voit s’associer l’enfant terrible du manga horrique, Lynn Okamoto (Elfen Lied, Brynhildr in the darkness), à la talentueuse Mengo Yokoyari. Ce duo improbable nous livre une romance loufoque et extrême, où la pudeur n’a pas sa place !

L’histoire

Auparavant amis d’enfance inséparables, Subaru Kawana et Akira Saito ont été séparés suite au départ de Subaru pour une pension huppée. Malgré leurs différences sociales, Akira n’a jamais désespéré de revoir un jour la fille dont il a toujours été amoureux. L’adolescent a donc travaillé d’arrache-pied pour décrocher une bourse et intégrer le même établissement qu’elle. Mais Subaru, devenue aussi populaire qu’intouchable, l’ignore complètement ! Après avoir entendu une rumeur à propos d’un « dieu de la contrepartie », Akira fait un vœu. Et si celui-ci se réalise, le prix en sera très élevé !

Sous le charme ?

No Control ! installe d’emblée une ambiance sulfureuse. La couverture de cette perfect edition attire l’oeil avec ses détails rouges sur fond noir. Si la collection « Borderline » de Delcourt-Tonkam est plutôt habituée aux titres violents et horrifiques (voir notre critique de Survivor’s Club), la quatrième oeuvre de Lynn Okamoto y gagne sa place par une absence totale de pudeur !

Car l’érotisme est présent dès le départ, puisque, suite au vœu d’Akira, Subaru perd tout self-control… et laisse exploser sa libido ! L’auteur d’Elfen Lied s’amuse alors à flirter entre ecchi et hentai, justifiant tout à fait la mention « pour lecteurs avertis ». Pourtant, cela n’empêche pas le mangaka d’en profiter pour mettre en avant des thématiques actuelles.

Tout d’abord, le charme surnaturel auquel est soumise Subaru amène la question du consentement. En effet, si la jeune femme perd tout self-control, est-elle encore consciente de ses actes ? Akira se pose lui aussi la question et fait tout pour ne pas dépasser les limites. Ce qui ne lui évite pas quelques dérapages malgré tout… Ainsi, à l’instar de ce garçon au final assez fleur bleue et romantique, le lecteur peut se retrouver perdu face au comportement paradoxal de Subaru. Quelle est sa véritable personnalité ?

Cette idée rejoint la notion à l’origine japonaise mais au final très contemporaine et globale, de l’opposition entre honne et tatemae. Tout comme le Dr Jekyll cachait en lui Mr Hyde, Subaru dévoile différentes facettes d’elle-même. Alors qu’elle donne à voir un caractère froid et désintéressé, sa véritable raison d’être est bien son amour immodéré pour son ami d’enfance, Akira.

La jeune femme prend alors plus de substance et dépasse son rôle d’accro au sexe pour révéler un côté romantique, voire naïf, plutôt touchant. De son côté, Akira reste égal à lui-même, parfois un peu plat. Il aura, heureusement, son heure de gloire dans les derniers chapitres.

No Control! : l’histoire de tourments adolescents

Ainsi, derrière un style aguicheur, Lynn Okamoto crée une ode à la vivacité et la fureur des sentiments adolescents. Le trait rond et plein de Mengo Yokoyari vient souligner cette impression. Déjà à l’œuvre aux côtés d’Aka Akasaka pour le très bon Oshi no ko (disponible chez  Kurokawa), et bientôt à l’affiche de Scum’s Wish (à paraître en juin 2022 chez Noeve), la dessinatrice rend bien l’expression de ces sentiments tourmentés. Doute, importance du regard des autres dans la construction de soi, orgueil, désir… No Control! livre le portrait de deux amoureux transis qui se retrouvent par le truchement d’un caprice divin.

C’est en effet grâce à leur vœu mutuel que Subaru et Akira se rapprochent. Le « Dieu de la contrepartie », tel qu’il se présente à eux, apparaît d’abord comme un prétexte déclencheur de scènes érotiques. Pourtant, on peut aussi se demander si ce n’est pas sa présence en tant que telle qui permet à Subaru et Akira d’être libres dans leur relation. Sous le couvert de cette intervention divine, peut-être se sentent-ils autorisés à dévoiler totalement leurs sentiments.

Ainsi, si l’on regarde plus loin que le conte érotico-fantastique, No Control! devient un récit touchant par la sincérité de ses personnages. Cela trouve un écho d’autant plus important dans la dernière partie du récit. L’idée d’un mariage arrangé planant depuis le début de l’œuvre prend ici un tour terriblement concret. S’affrontent ainsi l’amour sincère et celui derrière lequel on se cache pour préserver une façade sociale. Lequel gagnera ? A vous de le découvrir !

En conclusion, derrière des atours aguicheurs et des personnages en apparence caricaturaux, No Control ! se veut une œuvre déstabilisante. Jouant avec les limites, Lynn Okamoto et Mengo Yokoyari semblent vouloir nous transmettre un message. Celui de ne pas refréner nos sentiments, d’être vrai envers soi et envers ceux que l’on aime, en faisant fi du regard des autres. Si l’ensemble manque un peu de profondeur, on se laisse néanmoins facilement emporter aux côtés de personnages attachants, pour qui la mésaventure divine deviendra une occasion de grandir.