Critique de Ayashimon, tome 1 : une entrée fracassante !

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Ayashimon est le second titre du talentueux Yûji Kaku à parvenir dans nos contrées. Un peu plus terre à terre que le désormais culte Hell’s Paradise, cette œuvre concentre pourtant, en trois volumes, l’essence-même du talent de son auteur. Avec son rythme endiablé, Ayashimon nous en met plein la vue ! Alors, préparez-vous pour la baston, la vraie !

L’histoire

Maruo Kaido est un lycéen plutôt lambda, si ce n’est sa passion dévorante pour les mangas… et sa force physique qui dépasse l’entendement. Livré à lui-même, il parcourt les rues de son quartier à la recherche d’un adversaire à sa mesure, mais désespère de voir chacune de ses bastons se terminer en quelques secondes. Comme un écho au désabusé Saitama, il semble si loin d’atteindre l’aura de ses personnages préférés !

Pourtant, une rencontre fortuite pourrait peut-être bien changer son destin… En effet, Maruo croise par hasard une jeune femme aux drôles de chignons, apparemment poursuivie par une bande de yakuzas ! Ni une ni deux, l’adolescent s’interpose… Mettant ainsi le pied dans un univers qui aurait dû lui rester étranger : celui des Ayashimon, des monstres qui constituent les rangs de la pègre nippone !

Et il semblerait également qu’Urara, la jeune fille qu’il a sauvée, ne soit pas une citoyenne comme les autres. Elle aussi fait partie de la pègre, et elle a justement besoin d’un homme de main ! Serait-ce l’occasion pour le jeune homme de trouver son bonheur face à des adversaires tous plus redoutables et monstrueux les uns que les autres ?

Ayashimon : derrière le miroir, l’horreur

Prépublié dans le Weekly Shônen Jump, Ayashimon débarque en France grâce aux éditions Crunchyroll. Le travail, comme souvent, est de qualité, avec une traduction fluide et une mise en page qui sert à merveille le trait acéré et dynamique, voire volcanique du mangaka. En effet, Ayashimon marque d’emblée par son atmosphère à la fois charbonneuse et électrique, ainsi que par son sens du détail. On pense par exemple aux designs des vêtements et autres kimonos des personnages, qui portent des clins d’œil autour de leurs traits de personnalité.

Yûji Kaku nous a habitué à un dessin stylisé, unique, flirtant avec brio entre chaos, délicatesse et horreur. L’incroyable Hell’s Paradise en témoigne, sublimé par sa version animée (disponible chez Crunchyroll également). Ayashimon s’inscrit directement dans cette veine, et ce, dès les premières pages.

Ainsi, alors que le lecteur pense assister à une réunion formelle des différents clans de yakuzas suite à la mort d’un puissant patron du plus puissant syndicat du crime, une double-page vient le percuter et lui révéler la véritable nature des participants : des monstres, certains semblant inspirés de yôkai connus, d’autres aux formes difficilement descriptibles… Nommés Ayashimon, ce sont eux qui composent les différents syndicats.

Pourtant, comme tout yakuza qui se respecte, toutes leurs actions sont régies par un code d’honneur strict, et cela vaut pour les duels, comme va le découvrir Maruo. Une fulgurance de shônen nekketsu inattendue et qui rend le récit encore plus immersif ! Point supplémentaire, la puissance de l’adolescent, qui dépasse celle de certains ayashimon… Serait-il autre chose que ce qu’il semble être ?

L’enfer au paradis, le paradis en enfer

Bien que ses deux séries soient bien différentes l’une de l’autre, tant par leur contexte que par leur action et leurs personnages, il est difficile de ne pas faire le lien entre le brillant Hell’s Paradise et le tout jeune Ayashimon.

Si ce dernier s’arrêtera seulement au bout de trois tomes, il pose d’emblée les bases d’un univers complexe, où les intrigues entre gangs rivaux sont légions, où tous les coups sont permis et surtout les plus bas. La force légitime les moyens, et à ce jeu-là Maruo pourrait bien faire la différence.

Pourtant, dans le monde des Ayashimon, on ne se bagarre pas sans règles. Les conflits se concrétisent dans des duels solennels, qui débutent par une cérémonie où le son des tambours résonne pour interpeller les dieux. Cela permet non seulement d’éviter les bastons sans queue ni tête à tout bout de champ, mais rappelle également les récits de furyô, où l’on se bat pour l’honneur de son clan. Et, pourquoi ne pas y voir, par ailleurs, une allusion au code des samurai ?

Un autre parallèle entre les deux œuvres du mangaka pourrait se voir dans les protagonistes principaux : deux duos qui n’auraient jamais dû évoluer ensemble et qui vont pourtant devoir collaborer pour sauver leur vie : Gabimaru et Sagiri, Maruo et Urara, deux faces d’une même pièce. Le vide de Gabimaru s’opposant à la joie de vivre (et de se battre?) de Maruo ; la quête de reconnaissance de Sagiri résonnant avec la vengeance d’Urara.

Ayashimon
Hell’s Paradise et Ayashimon, des oeuvres en miroir ? JIGOKURAKU © 2018 by Yuji Kaku/SHUEISHA Inc.

Des flash-backs et résonances nous permettent d’apercevoir le passé des protagonistes, et ce qui a motivé leur manière de vivre actuelle. Les personnages sont donc fouillés, écrits avec une justesse frappante qui nous happe à leur côté en quelques cases seulement.

Vous l’aurez compris, ce premier tome est un véritable coup de cœur pour la rédaction de Justfocus ! Action effrénée, folklore japonais et guerres de territoires se mêlent pour donner un cocktail explosif, souligné par le talent incontesté de Yûji Kaku.

Malgré seulement trois tomes prévus, il serait dommage de passer à côté de Ayashimon ! Et en attendant les prochains volumes, n’hésitez pas à jeter un œil aux dernières critiques de l’équipe, notamment sur le phénomène Shy, qui n’en finit plus de nous éblouir !