Blue Eye Samouraï : critique de la série sur Netflix

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blue eye samourai

Après Tiger and Bunny et Pluto, une nouvelle série d’animation, Blue Eye Samourai, est arrivée sur Netflix. Produite par le studio d’animation français Blue Spirit, elle nous plonge dans le Japon du XVIIème siècle. Nourrie de références au cinéma japonais, elle nous propose un spectacle époustouflant justifiant pleinement l’engouement du public et de la critique.

Kill Bill

Au Japon, sous l’ère Edo, l’homme fort n’est pas l’empereur mais le shogun. Pour préserver le pays des influences étrangères, ce dernier a imposé le Sakoku, l’édit de fermeture du pays. Les contacts avec les étrangers sont limités et strictement encadrés, les Japonais ont l’interdiction de quitter le pays. Les objets apportés par les étrangers sont interdits. C’est dans le contexte qu’a grandi, Mizu, une métisse européo-japonaise aux yeux bleus.

Victime de racisme, rejetée par une partie de la population, elle a appris a caché son origine, son sexe et s’est formée à l’art du sabre. Devenue adulte, elle se lance dans une quête vengeresse : retrouver les quatre occidentaux qui se cachent dans le pays et les tuer. Car l’un d’eux serait son père. Dans sa quête, elle se retrouvera confrontée à la violence de la société japonaise et sera obligée de prendre part à des luttes politiques qui menacent l’équilibre de l’archipel.

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Blue Eye Samourai : théâtre baroque

Les équipes créatives ont livré un travail de toute beauté. Les dessins sont sublimes, portés par les couleurs chatoyantes, des environnements variés. L’immersion est immédiate dans un Japon qui n’a pas encore basculé dans la modernité. Des petites rues d’Edo au château seigneurial, en passant par la campagne, nous sommes saisis par la diversité et la splendeur de l’île. De nombreux plans s’inspirent des estampes japonaises pour construire un écrin merveilleux, un théâtre des splendeurs où une tragédie va de déployer.

En effet, l’histoire qui nous est contée est à mi-chemin entre Shakespeare et le Marquis de Sade. Le chemin de Mizu est parsemé de sangs, de combats féroces, de trahison, de renoncement, de lâcheté. Elle-même n’est pas une héroïne. Dévorée par sa haine, elle devient un monstre. Seule compte sa quête obsessionnelle. Peu importe les dégâts qu’elle occasionne. En parallèle, la série est très charnelle où le sexe mais aussi les perversions sont montrées sans filtres. Les corps sont une arme et une matière que d’aucuns manipulent, certains vénèrent, d’autres sculptent.

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Kill Bill : une intrigue passionnante

L’histoire semble à la base simpliste. Mizu, pour atteindre sa cible, doit survivre des bribes de pistes, affronter des “boss” intermédiaires avant de pouvoir enfin assouvir sa vengeance. Cette trame sur laquelle se construit toute cette saison est en fait un prétexte pour développer un récit beaucoup plus profond. Celui-ci parle d’abord de la place des femmes au Japon, de la violence des mariages arrangés, de la prostitution, de la misère qui poussait les paysans à vendre leur fille. Il parle aussi de la pesanteur de la notion de clan, de l’honneur (réel ou fictif), de la relation maître-élève.

Cette intrigue est magnifiée par la personnalité du principal antagoniste : Abija Fowler. Ennemi ultime, surpuissant, machiavélique, la série nous en apprend progressivement sur son passé et comment il est devenu ce redoutable personnage. Les scénaristiques appliquent à merveille l’adage : une bonne histoire a besoin d’un bon méchant. Et celui-ci coche toutes les cases nous offrant des duels fantastiques où sa force physique sa masse défie la fluidité de Mizu.

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Blue Eye Samourai : pour l’amour du genre

Cette série ne cache pas son amour pour le chambara, le film de sabre à la Japonaise. Les épisodes s’inspirent tout autant de Kurosawa (le personnage du samouraï solitaire) que de dans la série Baby Cart avec son Rônin itinérant. On retrouvera aussi des passages qui lorgnent vers Kenshin, Zatoichi voire Kill Bill. Sans oublier les clins d’oeil à l’excellente série d’animation Samouraï Champloo et la quête du samouraï qui sent le tournesol.

Mais loin d’être un empilement de références, Blue Eye Samourai décrit sa propre vision de ce Japon passé. Celui-ci est évoqué sans a priori ni nostalgie. Il se révèle à travers le regard froid d’une enfant issue de deux mondes qui n’ont pas encore fusionné. Mizu progresse dans un pays qu’elle ignore autant qu’elle s’ignore. Car la voie du sabre qu’elle a empruntée restera imparfaite tant qu’elle n’aura refermé les plaies de son passé. La fin de la série nous offre d’ailleurs un cliffhanger, promesse d’une suite explosive.

Netflix continue donc de s’affirmer comme une référence en matière d’animation. Avec Blue Eye Samouraï, la plateforme offre une œuvre originale, audacieuse, riche de sens. Il ne reste plus qu’à patienter pour connaître le destin de Mizu.