Critique « El Bar » (Netflix) : un huis clos cynique et délirant

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Si El Bar a rencontré un véritable succès en Espagne, en figurant dans le Top 10 des meilleurs films espagnols 2017, seul Netflix a décidé de le distribuer au public français. Cette oeuvre d’Alex de la Iglesia nous plonge en immersion dans un huis clos cynique et pesant, au cœur d’un café madrilène. Un thriller délirant qui suit des personnages aux personnalités complètement différentes, qui vont devoir cohabiter et tenter de s’en sortir vivant…

Un huis clos entre l’absurde et l’angoisse 

Centre ville de Madrid, dans un bar, vers 9h du matin. Huit inconnus. La propriétaire, le barman, un SDF un peu fou, une jeune femme, un homme d’affaire… Tout ce petit monde fait partie des quelques clients matinaux de ce café espagnol. L’un d’eux sort et il est aussitôt abattu d’une balle dans la tête.

Par qui ? Pourquoi ? Comment vont réagir ceux qui se trouvent encore à l’intérieur ? D’ailleurs, où se trouve le véritable danger ? Dehors…ou dedans ?

Dans ce huis clos à l’atmosphère de plus en plus pesante, les personnalités des personnages se dévoilent peu à peu… La peur fait ressortir leurs côtés les plus sombres. Comment vont-ils faire face à l’inattendu, au danger, à la tension montante, à la soif de survivre ?

Alex de la Iglesia enferme le spectateur avec ses personnages. Plus le temps passe, plus on s’enfonce dans le glauque. Du bar, on passe au sous-sol, puis aux égouts… L’atmosphère se tend, le décor s’obscurcit, la tension monte. On hésite à prendre parti. On a du mal à s’attacher aux protagonistes. Qui a raison ? Que ferions-nous à leur place ?

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Le cinéma d’Iglesia

On y retrouve la folie et l’absurde du cinéma espagnol qu’Alex de la Iglesia maitrise parfaitement. On frôle l’horreur, parfois le gore. Mais on veut savoir comment les personnages vont se sortir de la situation. 

Les quelques longueurs sont compensées par des rebondissements de dernière minute. Le spectateur est tenu en haleine. Cependant, on a le sentiment que les personnages auraient pu être mieux travaillés. Les jeux d’acteurs sont excellents, mais le réalisateur utilise des clichés classiques : un homme d’affaire, un employé de bureau, une jeune femme, un jeune hipster, un fou… On retrouve des dominants-dominés : la gérante et son employé, un homme armé face aux autres non-armés…  Aucune autorité extérieure n’est là pour maîtriser la situation. Les personnages se débrouillent entre eux et celui qui a la « solution » a le pouvoir…. C’est classique, mais l’atmosphère est tellement décalée qu’on reste pris dans le fil de l’histoire.

Alex de la Iglesia n’hésite pas à mettre son spectateur mal à l’aise, en faisant vivre toutes sortes de situations dérangeantes à ses personnages. On ressent parfois un manque de sens dans le déroulement de l’intrigue. Certains faits surviennent, puis restent en suspens…et la fin tombe comme un cheveu sur la soupe… Mais malgré tout, ce film ne laissera personne indifférent !

Un scénario pesant, dans une actualité pesante

Dès les premières minutes, on retrouve des allusions au terrorisme. On lit la paranoïa sur le visage des personnages. Mais la suite des évènements nous emmène sur une piste complètement différente. Pas plus rassurante pour autant. Le cliché du début sur le jeune homme barbu aussitôt suspecté aurait toutefois pu être évité.

Ce thriller argentino-espagnol nous confronte à nos propres angoisses. Le réalisateur pousse les personnages dans leurs derniers retranchements et laisse leur instinct de survie diriger leurs comportements. Survivre devient la priorité numéro 1 et la face sombre de ces personnes ordinaires prend le dessus sur l’esprit de solidarité…