Critique du film « Le Professeur de Violon » de Sergio Machado

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Si vous suivez l’actualité, vous savez surement que le 2 août prochain, débuteront les Jeux Olympiques au Brésil. Cependant si vous avez déambulé dans les rues, vous avez sans doute aperçu les affiches d’un film brésilien sans vous en rendre compte. Car oui, le Brésil ce n’est pas que du sport. Ce film, c’est le Professeur de Violon, sorti le 22 juin dernier.

 

Dans son 4e long métrage, Sergio Machado nous plonge dans la triste réalité du Brésil. Un pays qui bien que de plus en plus important sur la scène internationale connait des contrastes de richesses entre les habitants saisissants.  C’est d’ailleurs dans la plus grande favela de Sao Paulo, Héliopolis, que le réalisateur nous emmène pour une expérience musico – sociale.

 

 

  • La Musique : le meilleur moyen d’espérer

Le scénario s’inspire d’une histoire vraie, celle d’un Musicien dit « de musique classique » qui va l’enseigner aux populations défavorisées des favelas. Se heurtent alors deux mondes, celui du professeur de musique, où la discipline, le respect et la patience règnent et de l’autre celui de ces élèves, où la loi du plus fort l’emporte. Cette rencontre par l’apprentissage d’un instrument (violon, alto, violoncelle et contrebasse) va peu à peu plaire à ces adolescents. Les cours seront une parenthèse à leur vie difficile, où la revente de drogue permet en une seule fois de gagner autant que plusieurs mois de dur labeur. Un monde où la musique est une perte de temps, une illusion qui ne peut pas payer le loyer, nourrir sa famille, parfois nombreuse.

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Le réalisateur dépeint avec beaucoup de réalisme la vie quotidienne des favelas, et les différentes réactions que peuvent engendrer une telle rencontre. Le film se concentre notamment sur l’amitié de deux de ces élèves, chacun ayant une conception bien particulière de cette nouvelle opportunité. Le premier, Samuel (Kaique Jesus), talentueux, voit dans la musique et plus particulièrement le violon, une porte qui s’ouvre à lui, qui lui tend les bras. A contrario le second, VR (Elzio Vieira) très bon également, préfère continuer à dealer de la drogue et ne voit dans l’instrument qu’un passe-temps. 

A l’instar de cette ambivalence, Sergio Machado joue avec la caméra. Les plans forment un miroir avec le sentiment des personnages : des plans serrés dans des espaces restreints lorsque les personnages sont en proie à la tristesse, aux difficultés du quotidien qui les oppressent, et des plans panoramiques lorsque, le temps d’un instant, ils s’amusent, oubliant tous leurs soucis.

Toutefois, si l’enseignement de la musique classique est un moyen pour les élèves d’espérer des perspectives d’avenir en dehors de ce milieu pauvre et dangereux, ils ne sont pas les seuls qui sortent grandis de cette rencontre.

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  • Le Professeur de Violon : le témoignage d’une angoisse

C’est sur un point fondamental que la véritable histoire et le scénario divergent, et ce n’est pas un hasard. Dans la véritable histoire, l’institut de musique qui a été créé à Héliopolis, l’a été par le chef d’orchestre Silvio Baccarelli, qui rêvait d’enseigner aux enfants défavorisés. Dans le film, le protagoniste, Laerte (Lazaro Ramos), se retrouve malgré lui à enseigner le violon, dans la favela, après avoir échoué à une audition.

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Le Professeur de Violon est un film à la croisée des chemins entre l’histoire de l’institut et les interrogations du réalisateur sur son futur. Que se passerait-il si un jour il ne pouvait plus faire ce pour quoi il a consacré toute sa vie ? C’est cette angoisse que Sergio Machado voulait donner vie à l’écran.

En effet, l’échec de Laerte a l’effet d’un coup de poing. Son monde s’écroule, il ment à sa famille, se renferme, s’isole… Il se retrouve à enseigner à des jeunes sans discipline, sans goût réel pour la musique classique et pour leurs instruments. Il ne voit en ce travail qu’un interlude dans sa carrière avant de repasser de nouvelles auditions. Et c’est dans cet interlude qu’il va trouver la note, le son qui va le faire vibrer et comprendre à quel point sa passion n’est que plus grande quand il est auprès d’eux. Nous nous rendrons compte que lui aussi a mûri, que lui aussi a appris de leur présence, de leur monde, de leur musique.

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En témoigne l’utilisation par le réalisateur de musiques qui semblent bien différentes, mêlant musique « classique » et Rap Brésilien (Criolo, Rappin’ Hood …). D’ailleurs le film qui débutait par du « classique » se termine sur du Rap, comme pour exposer l’étendue de la culture brésilienne, signifier au spectateur l’assimilation mutuelle de la culture de l’autre et traduire en son et image le titre original du film « Tudo que Aprendemos Juntos » c’est-à-dire : « Tout ce que nous avons appris ensemble ».

Si ce film n’est pas très présent dans les salles et par conséquent demande davantage d’effort pour le visionner, faites cet effort, il en vaut largement la peine.