Dans le futur, une famille tente de survivre à l’assaut de la police mais comment expliquer que la mère est amoureuse d’un robot ?
Nathanaëlle : le futur n’est pas rose
Les inégalités n’ayant cessé de croître, l’humanité est coupée en deux. Sous terre, les plus pauvres se cachent après une apocalypse nucléaire. La vie est ennuyeuse et il ne reste pour passer le temps que la nourriture assaisonnée à des tranquillisants ou le sexe virtuel. Mais, en fait, la destruction nucléaire est un mensonge orchestré par les plus riches pour se débarrasser du problème de la surpopulation. En effet, à la surface, une élite profite de la vie… surtout qu’elle n’a plus de fin. Les progrès de la médecine permettent aux plus riches de se réincarner dans d’autres corps humains ou robotiques. Une jeune femme, Nathanaëlle, risque de bouleverser cet équilibre mensonger. Cette vision inquiète : le monde est-il vraiment partagé entre une élite égoïste et une masse obsédée par le sexe et la nourriture ?
Le futur est par contre très drôle
En effet, le résumé précédent masque une partie très importante du récit : l’humour. La parabole politique s’efface devant une farce qui bouscule tout. Le scénariste Charles Berbérian parsème les scènes de dialogues surréalistes. Et toute ressemblance avec des faits existants n’est clairement pas fortuite. Des policiers totalement incompétents confondent Nathanaëlle avec un autre individu.
Dans la première famille, le père propose à son fils un café mais, comme il est un robot, le breuvage vient de ses entrailles. Ce fils, Melville, est pourtant la honte de la famille car il est vegan. Les relations entre les pères et les enfants sont un vrai problème dans ce futur. Nathanaëlle vient de s’enfuir du sous-sol ce qui met en danger la position politique de son père. Ce dernier n’a vraiment pas besoin de ça alors qu’il risque de ne pas être choisi pour son sixième mandat, et donc de mourir. Le portait acide de la famille composée par Berbérian se colore d’une plus grande douceur par la révélation finale.
Un futur duo majeur ?
Visuellement, les auteurs proposent le paradoxe d’une science-fiction à l’ancienne. On pense au steampunk – Nathanaël porte un corset – ou à la robotique des années 50. Le style de Fred Beltran est impressionnant par la densité du dessin et la variété des différentes matières. La mise en page simple permet cependant une lecture fluide. Les nombreux bonus en fin de volume proposé par l’éditeur Glénat précisent le processus de recherche du dessinateur. Le lecteur découvre les différentes techniques graphiques utilisées, les études sur les personnages, le passage du croquis à la page définitive, les paysages urbains et enfin différents portraits. Comme le raconte Berbérian dans la préface, les deux artistes viennent de genres très différents mais ils ont d’abord su se rencontrer lors d’un festival de rock en Haute-Savoie avant de se lancer bien plus tard dans la création de cette œuvre commune.
Nathanaëlle, par des dialogues savoureux, de splendides paysages et un design bousculant le passé et le présent est une réussite. Cet album peut certes apparaître comme une pause humoristique dans la carrière des deux auteurs mais le lecteur ayant pris beaucoup de plaisir dans ce récit espère tout de même vite lire un nouvel album de ce nouveau duo.