Capitaine Vaudou, entre piraterie et zombies

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Jean-Pierre Pécau, scénariste spécialiste de la bd historique, se lance avec sa nouvelle série Capitaine Vaudou dans un récit de piraterie mais bousculé par la magie. Sortez dans les sabres et les potions pour suivre notre chronique du premier tome.

Une nouvelle série historiqueCapitaine Vaudou chez les pirates

Le projet Capitaine Vaudou est parti d’un jeu de rôle créé par le scénariste. Cependant, même si Jean-Pierre Pécau multiplie les projets historiques, cette nouvelle série sur le passé fait preuve d’originalité par un mélange harmonieux entre deux genres dès la première page. Un navire négrier, le Caliban navigue vers l’Amérique mais la marchandise, des Africains, sont trop bruyants. Un marin sort son pistolet pour les punir mais il doit arrêter son geste lorsque des monstres marins surgissent des flots. Cet épisode vient du récit d’un ancien pirate dans une taverne. Un jeune homme, Cormac MacLeod, écoute religieusement cette histoire vraie… ou est-ce un mythe d’un alcoolique ?

Par ce marin irlandais, le lecteur et la lectrice rentrent dans un monde de marginaux. Comme dans les récits de flibustiers, la recherche d’un trésor est l’enjeu principal. C’est assez habituel mais on découvre qu’il y a également des réprouvés parmi les pirates. On peut piller et tuer ok mais pas recourir à la magie noire. En effet, l’un d’entre eux est exclu car il aurait signé un pacte avec le monde des morts.

Piraterie et magieCapitaine Vaudou dans la magie

Dès ce premier tome, Capitaine Vaudou présente une riche galerie de personnages qui croisent les figures des romans de pirates et du fantastique. Cormac, marin par accident et dénué d’expérience sert à introduire le lecteur dans ce monde secret. Un esclave au fond d’une cale d’un navire allant en Virginie lui fait comprendre qu’il a un don. Le jeune irlandais peut faire appel aux loas, des génies. Sans le savoir, il serait un prêtre vaudou. Cet esclave, Lime Ba Yo, est son meilleur ami mais aussi le spécialiste du vaudou. Il se retrouve dans l’équipe d’un corsaire Jean-Baptiste Donatien de Vimeur qui dirige la Souris. Ils sont opposés à un pirate plus sombre, Mort Lente et à un gouverneur corrompu qui utilise les pirates mais possède également un don d’immortalité. Tous ces personnages croisent un monstre africain assoiffé de sang humain mais également deux Robinsons. Loin de vouloir quitter leur île déserte, ils font fuir les sauveteurs et inquiètent même les pirates.

Piraterie et Histoire

Comme dans chaque œuvre de Jean-Pierre Pécau, la grande histoire se mélange avec l’anecdote et l’invention. Capitaine Vaudou donne une nouvelle image de la traite des noirs car des blancs pouvaient devenir esclaves. Les références à la révolte irlandaise du XVIIe siècle sont nombreuses. Par le choix de Cormac, on pénètre aussi la complexité religieuse de l’époque. Cet opposant religieux est devenu voleur. Soldat irlandais catholique, il s’oppose aux protestants anglais et a été condamné au bagne où il va devenir esclave. Cette diversité religieuse se retrouve également par la présence d’un marchand juif et de l’évocation de marins espagnols de la même religion.

Cette précision historique se retrouve dans le dense vocabulaire vaudou pour faire comprendre des notions. Un bokor est un prêtre de cette religion. Un être humain peut être possédé par un démon mais aussi un proche défunt. Les références ne viennent pas seulement du vaudou africain car on croise également une profusion de mythes d’origines variées : un golem juif et un bateau va sur San Andreas, l’île des fantômes. Pour réussir à tisser ces deux genres très différents, il fallait tout le talent du dessinateur Darko Perovic. Son style très réaliste rend efficacement le contexte historique même s’il manque parfois de précision. Il sait cependant installer une ambiance gothique par les images marquantes de cages avec des squelettes sur une plage, un navire pirate ressemblant à une maison hantée et des monstres évoquant le dessinateur Caza.

Captain Vaudou édité par Delcourt réussit son pari. Le scénario mêle habilement les genres de la piraterie et de la magie. Ce premier tome est très dense car le scénariste Jean-Pierre Pécau multiplie les pistes narratives et les personnages.

Vous pouvez voir d’autres séries historiques par ces chroniques sur Le dernier dragon et Indochine.