Mieux que Leclerc, découvrez EVERYTHING

0
542

L’inflation actuelle montre que la consommation occupe une place importante dans nos vies mais qu’en est-il des supermarchés ? EVERYTHING, roman graphique édité par 404 Comics, propose de rentrer dans les coulisses de ce temple contemporain de la consommation.

L’enfer ou le paradis ?

Hypnose dans EVERYTHING

Dans les années 1980, un nouveau supermarché vient d’ouvrir à Holland, au centre des États-Unis. EVERYTHING fait une promesse très audacieuse : le client peut y trouver tout ce qu’il souhaite. Très progressivement, le quotidien banal de la petite ville se métamorphose en un cauchemar. Des incendies se déclenchent sans logique et, au sein des familles, la folie se diffuse comme une épidémie. Ces changements sont perçus par Lori, une jeune femme en dépression et Rick, un vendeur de Hi-Fi qui pensent que la cause pourrait venir d’EVERYTHING. Au départ, tous ces personnages y compris le supermarché sont inscrits dans une rassurante banalité. Le scénariste Christopher Cantwell veut montrer le quotidien pour qu’il devienne ensuite inquiétant et dangereux.

Horreur ou étrange ?

EVERYTHING n’est pas seulement un lieu mais le personnage principal du livre. La municipalité et les clients sont aux ordres du supermarché en votant son extension sans limite. On observe les conséquences de son ouverture sur les boutiques indépendantes. Le choix des années 1980 n’est d’ailleurs pas un hasard car le scénariste Christopher Cantwell situe EVERYTHING au moment de l’explosion de la diffusion des malls aux États-Unis tout comme celui des supermarchés en France. Ce roman graphique devient alors une réflexion sur l’Amérique, en revenant aux racines du mal contemporain : comment en est-on arrivé à ce matérialisme omniprésent ? Les clients sont des drogués. Ce supermarché n’est pas juste malveillant mais l’outil d’un projet planétaire. Chaque nouvelle révélation apporte alors une nouvelle densité au récit. Comme dans la Quatrième dimension ou Twin Peaks, le quotidien est très légèrement modifié et ce décalage bouleverse toute notre perception. EVERYTHING est aussi une réflexion sur le bonheur. Suffit-il d’acheter plus pour accroître son bonheur ? Malgré cette densité du propos, ce roman graphique se lit très vite grâce aux dialogues réduits qui installent une ambiance très oppressante. La deuxième partie du livre est plus dans l’action car les personnages ont une liberté de choix, celui de se soumettre ou de résister. Mais la fin est également plus psychédélique.

Un petit commerçant dans EVERYTHING

Bien que britannique, le dessinateur I.N.J. Culbart se fond totalement dans cette réflexion par un style très personnel. Au premier abord, la mise en page est très sage tout comme la banlieue d’Holland. Comme EVERYTHING, cette façade est cependant en partie fausse. Les visages sont tellement lisses qu’ils en deviennent inquiétants. Comme pour chaque de ses sorties, l’éditeur 404 Comics est toujours respectueux de l’œuvre. Loin d’un livre jetable, la forme d’EVERYTHINGest soignée jusqu’au moindre détail. Solide et superbement choisie, la couverture a un grain très agréable. Faits scandaleusement trop rare, le traducteur est noté en couverture puis justifie en avant-propos le maintien du nom Everything. Le graphisme si particulier de ce roman graphique est prolongé dans la page des crédits et les bonus. L’éditrice américaine, Karen Berger, est mise en avant. La postface d’Aurélien Lemant est éclairante.

EVERYTHING est un formidable plaisir de lecture par le concept de départ, la force des personnages et l’ambiance oppressante devenant ensuite un récit d’action ambitieux. Christopher Cantwell et I.N.J. Culbart frappent très fort au début par une proposition sans compromis qui plonge le lecteur ou la lectrice dans le quotidien dérangeant des racines du consumérisme. En fin de lecture, EVERYTHING se révèle une magnifique lecture et un récit d’action prenant.

Vous pouvez retrouver les chroniques sur Dunce et We Live du même éditeur.