Indochine (tome 2), la guerre vue du ciel

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Le scénariste Jean-Pierre Pécaud poursuit son récit de la guerre d’Indochine à travers l’aviation dans ce deuxième volume d’une trilogie publiée par Delcourt. Un pilote aventureux, des trafiquants d’opium et une guerre de décolonisation, voici une recette bien explosive, non ?

Une biographie tumultueuse

Indochine Pécaud

Indochine par le scénariste Jean-Pierre Pécaud ne cherche pas à raconter tout le conflit mais cette trilogie raconte l’expérience unique du pilote Armand Baverel pendant cette période. Il a d’abord eu une expérience de pilote multiple en volant sur des avions de guerre – un P-47 Thunderbold puis un P-63 Kingcobra – mais aussi des hélicoptères. Il sera de tous les combats de son arrivée en 1946 à la défaite de Diên Biên Phu. Le texte donne précisément les armes, les unités et les corps d’armée mais sans jamais être pédant. Ce volume est surtout gonflé à la testostérone en passant d’un combat aérien, au sauvetage d’un pilote tombé en zone ennemie puis de toute une compagnie de fantassins. Le dessin de Maza est dans la tradition franco-belge depuis les années 80. Son style ultra précis en particulier sur les véhicules ou les uniformes se prête particulièrement bien au genre de la bd historique. Sa mise en plage efficace retranscrit parfaitement le ballet mortel des combats aériens.

Mais ce pilote émérite était aussi un rebelle, un joueur, un fumeur d’opium et un buveur. Cette vie sur le fil du rasoir l’a conduit dans le premier tome à participer à des trafics avec des amis corses et d’anciens nazis reconvertis dans la Légion étrangère. Ici, il passe ses soirées dans les clubs et rend des services sans trop savoir pour quel camp. Baverel n’est pas un héros mais un homme qui tente de survivre le jour et de profiter des opportunités qui se présentent à lui le soir. Ce récit ne cherche d’ailleurs pas forcément la vérité d’un livre d’histoire car il se base sur les propos de Baverel et certains faits semblent douteux : a-t-il vraiment jouer avec l’orchestre du dernier roi du Cambodge ?

L’Indochine mis en lumière par Pécaud

Une guerre aérienne et terrestre

Les récits sur la guerre du Vietnam sont très nombreux (tant au cinéma) mais le conflit qui précède est très méconnu, surtout en bande dessinée. Indochine par Pécaud permet donc de découvrir la vie d’un pilote en période de guerre. Les ballets aériens montrent leur dextérité comme lors d’une escarmouche entre des pilotes français et des avions chinois. Cependant, les techniciens ont du mal à supporter l’arrogance et les plaintes constante de ces as du ciel. Même si ce livre fait partie d’une collection autour de l’aviation militaire, le pilote Baverel n’est pas omniprésent. Quand le récit le nécessite, le scénariste Pécaud a l’habileté de sortir de la biographie d’un pilote pour montrer les combats terrestres dans des tranchées. Le lecteur découvrira une guerre bien plus complexe que dans vos souvenirs de lycée. D’autres peuples colonisés font aussi partie de l’armée française comme des marocains à Dông Khê alors que des thaïs soutiennent l’armée française. Le lecteur a une vue plus globale de cette guerre de libération. Les Vietminh utilisent des fusils-mitrailleur récupérés des américains pendant la Seconde Guerre mondiale mais ils ont également obtenu les soutiens de leur puissant voisin chinois. Au contraire, le soutien américain semble bien plus fluctuant. Mais l’armée française n’est pas épargnée car l’état-major sous-estime l’armée vietminh qui réussit à transporter des lourds canons anti-aériens à travers la jungle.

Par le réalisme du dessin de Maza et le scénario malin de Pécaud, le lecteur plonge dans le stress d’un combattant en Indochine et la complexité d’un conflit très rarement mis en avant. Ce récit répare un manque cruel. On peut donc saluer la réussite de ce livre même s’il manque tout de même le point de vue indochinois sur le conflit.

Vous pouvez retrouver d’autres chroniques sur des bd historiques comme cet article sur le cadavre d’Hitler et celui-ci sur le vol du cerveau d’Einstein.