Vous jouez au loto ? Que diriez-vous de partir dans l’espace plutôt que d’enrichir votre compte en banque ? C’est le principe d’Eden Corp où fuir est d’autant plus important que la civilisation s’effondre.
Quitter une société en péril
Eden Corp est au départ une idée d’Alain Bismut qui a été reprise par Abel Ferry puis Christopher Sebela. Si la lecture est dense avec beaucoup de texte? Le scénario évite la voix off mais utilise des moyens divers comme les dialogues, les commandes vocales des machines ou les journaux télévisés pour nous emporter dans le futur. Dès les premières pages, le lecteur comprend qu’Eden Corp se dresse au carrefour de deux sous-genres de la science-fiction : les récits apocalyptiques et les voyages par arches spatiales. Ce dernier est sous doute le moins connu actuellement. De vastes vaisseaux autonomes sont en chemin vers une autre planète décrite comme la terre promise. Inspirés de la colonisation américaine, ces romans ou ces séries télévisées montrent comment la survie s’organise. Le projet Eden propose aux gagnants d’une loterie de partir vers une nouvelle planète.
Cette fuite proposée par le pouvoir est devenue nécessaire car la Terre est en crise. Ces passages montrent une vision sombre de l’humain. Pour survivre, le travail ne suffit pas, des familles volent et des bandes rançonnent les habitants. La morale ne tient plus. Les médias ne sont pas plus efficaces. Tout est propagande. Quand une famille ment, la journaliste ne vérifie rien et, de toute manière, elle les méprise. Plus qu’une journaliste, elle est surtout un agent du pouvoir en tant que cheffe du projet Eden. Pendant une grande partie d’Eden Corp aucune raison n’explique cet effondrement. L’énergie semble limitée puisque l’on place les écrans dans la cour pour tout l’immeuble.
L’État met en place un exode pour maintenir son pouvoir. Capitalistes et politiciens utilisent également le meurtre et le mensonge comme l’illustre à merveille la couverture. Le projet Eden est une solution pour l’État et non pas les individus. Les dominants ont trouvé une solution rapide pour pratiquer un génocide. La famille reste la seule cellule qui résiste à l’effondrement.
Un famille contre le système Eden Corp
Dans les premières pages, le lecteur peut être surpris. Une jeune fille se fait appeler Theresa par le journaliste mais son père l’appelle Kali. Il ne s’agit bien entendu par d’une erreur d’édition mais l’indice que quelque chose cloche. En effet, Eden Corp suit une famille qui utilise les failles du système pour échapper au déclin. Tous les trois affichent au départ l’image d’une famille modèle mais ils ont volé l’identité de gagnants de la loterie Eden pour fuir la terre. Manquant de tout, ils volent et tuent pour trouver nourriture, médicament et vêtements dans les résidences abandonnées par les migrants du projet Eden.
Le père Gabe cherche ainsi à offrir une nouvelle vie pour sa famille. La mère Morgane veut oublier le passé tandis que la fille Kali plus optimiste est ravie de découvrir la technologie de la navette. Chacun aborde le projet Eden d’une manière distincte. Le père fait la différence entre vol et survie et croit en l’espoir vendu par Eden. La mère et la fille vivent au jour le jour et Morgane a un regard critique sur l’État. Quand par erreur, la famille n’est pas exterminée par le programme automatique Eden, elle va utiliser ses maigres moyens pour continuer à survivre. On pense à Die Hard. Ils vont devoir se battre contre l’État et contre le vaisseau.
Pour mettre en place cet univers sombre, Marc Laming reprend un style très classique. Le dessinateur britannique est connu sur des titres Star Wars et Marvel. Dans Eden Corp, il provoque au lecteur un choc par la couverture qui pousse à comprendre pourquoi ces êtres humains sont projetés dans l’espace. Les décors sont très soignés : les appartements et le vaisseau spatial fourmillent de détails. Une base de lancement transmet un gigantisme. Cependant, les visages se ressemblent parfois si bien qu’une mère semble avoir le même âge que sa fille.
Eden Corp édité par Les Humanoïdes associés est bien plus qu’une promenade dans l’espace. Ce récit complet en un tome est un guide de survie par une famille soudée et une leçon sur les manipulations de l’État.
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