Dans Arca, l’univers est un tube

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Alors que, dans notre présent, des pays se lancent à la conquête de Mars, la bd Arca va plus loin en atteignant les limites de l’univers. Pourtant, cette victoire pour l’humanité semble être une impasse pour les passagers de ces vaisseaux…

Arca ou le piège du tube

Des astronautes piégés dans Arca

La planète Terre est devenue invivable. Des vaisseaux sont envoyés pour trouver une nouvelle planète : la Griffe du Lion est cette lointaine terre promise. En attendant d’arriver à destination, les passagers sont placés en sommeil. Cependant, Éric Rives est réveillé car le système automatique du vaisseau spatial Arca est bloqué. Rapidement, il réalise que la station est bloquée dans un gigantesque tube et que les robots ne trouvent plus la sortie. Pire, le voyage a duré bien plus longtemps que les deux cents ans prévus. La science ancienne n’apporte aucune réponse. Les premières pages d’Arca installent une  ambiance pesante par l’alternance entre des images optimistes du passé sur le projet et le présent inquiétant où rien ne s’est passé comme prévu. Éric doit mener l’enquête en explorant l’inconnu. Il est accompagné de la zoologiste Jia. Ils découvrent qu’ils sont enfermés dans un labyrinthe géant défiant toutes les lois de la physique.

Pour mettre en œuvre, cette histoire, le dessin de Joan Urgell est très matériel. Elle a un style photoréaliste mais, sur les visages, les coups de crayon restent visibles. En fin de volume, des croquis et des pages avant l’encrage montrent les recherches de la dessinatrice. La colorisation donne un effet mat et évite les poncifs. Au départ, le vaisseau n’est pas gris mais rose, tel un corps humain protecteur.

Un récit de colonisation

La nature hostile dans Arca

Romain Benassaya adapte dans Arca son roman Pyramides, publié en 2018, en se métamorphosant en scénariste. Le livre démarre donc comme un space opera typique de la science-fiction des années 1960-70. L’humanité colonise l’espace dans des navires où règne un espoir de vie meilleure et d’égalitarisme. On suit Ariane et son frère Éric. Lui est second d’un navire et elle est commandante d’une autre arche. Arian souhaite supprimer la hiérarchie et inventer un nouveau monde. On quitte sa famille pour trouver une nouvelle vie. On peut trouver qu’en si peu de pages, la valse des aventures amoureuses devient moins crédible.

Cependant, contrairement à l’immobile Arca, le récit change souvent de route. On suit ensuite différents passagers et chacun apporte un point de vue sur l’Arca. On ne se lasse jamais. Arca s’inscrit pleinement dans le XXIe siècle. L’utopie politique n’a pas eu lieu. Le paradis ne correspond pas ce qui était promis. Il faut oublier tout ce qui précède. Le temps est au centre de ces changements. Il facilite les changements de couple car l’éloignement crée une rupture.

Cette modernité de ton se voit également par la vision de moderne de la nature. Arca quitte une Terre dont l’humanité a épuisé les ressources. On ne vivait plus à l’air libre. Sur le vaisseau, le rapport à la nature devient intime et divise les couples. Tandis que Johanna veut rester dans la vaisseau et vivre en symbiose avec le jardin, Eric veut explorer la zone sombre où ils ont atterri. De plus, la nature ne respecte pas le plan prévu par l’humanité. Le jardin devant fournir l’oxygène aux humains est envahi par des insectes, les jardiniers. Mais il a créé un écosystème propre et autonome. En effet, ces animaux observent les humains et s’adaptent bien plus vite aux changements. Ces insectes auront un rôle clé dans l’évolution du récit.

Si Arca présente une image bien connue du soap opéra, le récit complet édité par Les Humanoïdes Associés prend vite une tournure inattendue. Le lecteur réfléchit sur le passage du temps et suit un récit écologique idéal pour les années 2020. Enfin, la résolution est un tour de force qui remet en cause toute l’importance de l’expédition précédente.

Retrouver d’autres chroniques de cette collection avec Le sang des Immortels et Gurvan.