Blue in Green ou la rencontre du jazz et de l’horreur

0
590

Le jazz est souvent vu comme une musique pour vieux, mais le succès du dessin animé Soul a montré le contraire. Blue in Green va plus loin en montrant que cette musique peut être aussi horrifique…

Un musicien manquant de souffle

Le club de jazz dans Blue in GreenConsidéré enfant comme un prodige du saxophone, Erik Dieter est pourtant resté un professeur de musique et s’est éloigné de sa famille. C’est la mort de sa mère qui ravive les blessures de son ambition perdue et de ses échecs personnels. Plus étrange, il devient obsédé par la photographie d’un musicien de jazz et semble s’éloigner du réel…

Dans Blue in Green, le lecteur se questionne sur place de la mort. Erik découvre les souffrance de sa mère et imagine le cadavre en putréfaction. Pourtant, Erik est totalement détaché. Il est plus ému en retrouvant son amour de lycée : Vera Carter, une peintresse, mère de famille séparée. Blue in Green retrouve les codes des drames sociaux : Ram V propose un récitatif au texte très littéraire où il décrit des personnages en crise de la quarantaine. Le lecteur prend conscience de l’effondrement des rêves adolescents : Erik se satisfait d’une vie moyenne tout en gardant le lien avec sa passion de jeunesse par l’enseignement et l’écriture.

Blue in Green devient une réflexion sur le temps qui passe. C’est le cas du personnage principal qui retrouve les crises de son passé. Dès l’enfance, Erik a connu une relation familiale tendue avec sa mère. Il ne connaît pas son père, un musicien de jazz dont il ne conserve qu’une photo. Son retour au domicile familiale est aussi une quête des origines.

Progressivement, le récit bascule dans l’horreur. Erik voit des êtres surnaturels au moment où ses repères s’effondrent. Pourtant, il se considère comme rationnel mais son esprit se fragilise.

 

Blue in Green chante la beauté du jazz

Le fantôme de Blue in Green

Autour de ce récit général, Blue in Green est un hymne pour le jazz. La musique est au cœur des personnages. Erik a toujours entendu de la musique car son esprit réarrangeait les bruits quotidiens. Les perturbations récentes de sa vie vont modifier sa musique. La relation avec la musique vient de sa mère Alana qui a passé sa jeunesse dans les clubs de la ville. Le jazz est aussi en lien avec les thèmes, le temps est au cœur de cette musique centenaire mais reposant sur l’improvisation.

Les références musicales sont nombreuses dans les textes de Blue in Green. Le titre du livre vient d’un morceau de Miles Davis et de nombreux noms de musiciens sont cités. Bien entendu, l’imagerie du jazz est très présente dans les images et cela dès la magnifique couverture. En effet, le dessin d’Anand RK est une autre raison de la réussite de Blue in Green. Tout, des visages à la forme des cases, refuse la perfection mais chaque élément cherche à exprimer un sentiment. Des éléments du décors ou des personnages sont très précis tandis que d’autres sont laissés inachevés. Cette opposition donne un sentiment d’urgence sans être bâclé. On peut d’ailleurs y voir une illustration du jazz le plus sauvage entre contrôle et furie. Les couleurs ont un sens. Dans la partie plus horrifique, le rose devient plus présent et de plus en plus carmin.

HiComics a un attachement particulier pour ce titre car chaque élément du livre reçoit un traitement soigné. Dès qu’on la touche, on est attiré par les magnifiques – et très judicieux – effets sur la couverture. La première page immerge le lecteur dans l’ambiance. Enfin, les bonus sont conséquents avec une galerie d’illustrateurs prestigieux, des extraits commentés du scénario.

Comme un morceau de jazz, une douce mélodie de Blue in Green est brusquement interrompue par les martellement de la batterie et le cris d’un saxophone. Le livre devient aussi imprévisible qu’un bon improvisateur.

Retrouvez un autre chronique du même scénariste avec These Savage Shore et une autre bd sur la musique, La capitale du funk.