Interview : rencontre avec l’artiste Robin Gaudillat

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Nous avons eu l’opportunité de discuter avec Robin Gaudillat, 25 ans. Détenteur du prix du Rotary club en 2019 et 9ème au concours Rankart 2020, le jeune touche à tout, se développe dans la fabrication de sculptures et la réalisation de peintures et de performances. Avec son statut d’artiste, ses créations interpellent et on a eu envie d’en savoir plus sur lui et son travail.

Thématique : LA NATURE ET L’ATTACHEMENT AUX SOURCES 

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Originaire de Dordogne, Robin est très attaché à son lieu de naissance. Dans ses productions, on retrouve l’influence de sa famille et du Périgord. Il fait participer ses amis, qui l’assistent dans certains de ses projets, Silvere Hilsz et Ferran L’Homond ! D’autres encore sont souvent représentés dans ses peintures. Il réalise également des performances de repas traditionnels périgourdin, « Les repas dans la vie de tous les jours c’est un lieu de partage ».

Robin, plus d’une corde à son arc

Il représente sa terre natale par l’utilisation de matériaux d’origine naturelle (terre, pierre, glace, bois, etc) avec lesquels il réalise des sculptures. Elles sont souvent à visée pratique, comme un hôtel à insectes ou bien un filtre à eau de sa conception ! Dans le respect de cette nature, ses projets ont une portée écologique, et il dénonce la crise mondiale, telle que la fonte des glaces, la pollution des eaux, la surproduction… Pour appuyer cet engagement, le jeune artiste se sert également de matériaux recyclés.

On retrouve aussi des messages politiques, avec une peinture représentant la violence policière, la famine. Ou encore une sculpture dénonçant la fermeture de certains établissements en raison de la crise sanitaire, tels que les bars/restaurants, ainsi que les théâtres et cinémas. Cette dernière œuvre, La politique de l’autruche a tapé juste. Elle a provoqué de nombreuses réactions et beaucoup de partages sur les réseaux.

Comment ton aventure artistique a-t-elle commencé ?

Ça a commencé très jeune, je passais mon temps à dessiner. J’étais très calme, on pouvait me laisser dans un coin et je m’occupais sans problème. Dans ma famille, mon arrière grand-père Roger Tremel était un peintre orientaliste au Maroc. Je baignais dans ses tableaux depuis l’enfance, exposés dans la maison.

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Huile sur toile, Roger Tremel

Au final, deux voies se sont offertes à moi, le sport ou bien les arts plastiques ! Et j’ai fait un choix.

Qu’est-ce qui t’inspire ?

Je suis passionné par les artistes qui dénoncent les maux de leur époque. Comme Courbet qui dépeint la vie en général, le monde quotidien. Il vit au présent dans un monde qui lui appartient. Il représente son univers en peignant des scènes de genre. Il illustre la pauvreté, la misère, mais aussi des scènes de chasse, ou agricoles. Ou encore Banksy qui dénonce les maux d’une société plus actuelle. J’aime les gens ancrés dans leur époque. C’est vraiment ce qui m’intéresse dans l’art, ces gens qui représentent ce qu’ils voyaient/voient, ce qu’ils vivaient/vivent.

A propos de ton art, peux-tu nous en dire plus ?

Dès le lycée, j’ai commencé à faire des travaux sur cette question de la dénonciation, pour délivrer un message porteur de sens, engagé. A la fac ça s’est développé, mes sujets étaient toujours en lien avec la nature, un côté vraiment humaniste, centré sur l’homme et son environnement, sa société.

Puis ça s’est concrétisé à partir du master. J’ai fait un mémoire sur « l’enjeu de l’art vers les nécessités, un retour aux sources ». Ce sujet est en lien avec ma région, le Périgord ! Où il fait bon vivre et où se trouve une atmosphère de partage, de lien social, d’échange, et de bienveillance. C’est ce que j’essaie de faire ressortir dans mon travail.

Quels sont tes domaines artistiques ?

J’ai deux pratiques : la peinture, et un domaine plus plastique c’est à dire sculptures, photographie, installation, vidéo.

Ce sont deux choses que je distingue. J’essaie de les lier avec un sujet mais elles sont très différenciées pour moi, je ne peux pas faire une expo avec mes peintures et mes installations.

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Qu’est-ce que tu préfères quand tu peins/sculpte ?

C’est totalement différent le rapport que j’ai quand je peins et quand je fais des productions.

Pour la peinture : je suis chez moi, c’est un besoin, une pulsion et généralement quand je me pose je fais ça toute une journée. Je mets de la musique en fond et je suis bien, tout seul ma toile et moi. Je pense à plein de choses que je pourrais faire, c’est vraiment un moment où je fais une petite rétrospective sur moi même ! (rires) Ça me permet de m’évader, c’est presque thérapeutique.

Pour la sculpture : Quand je fais une production c’est que j’ai une idée et il faut que je la fasse le plus vite possible. Il faut qu’elle se matérialise, que l’idée soit palpable et vivante. J’aime le toucher, l’assemblage, tordre des choses, etc…

Mais si je fais les deux, c’est que j’aime autant l’un que l’autre ! (sourire)

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Qu’est ce que t’as apporté ta formation artistique ?

C’est vraiment formateur. Même avec un talent potentiel, ou une âme créative, il faut se développer à fond. Si je n’avais pas fait une licence et un master je n’aurais pas développé ma recherche au bout, ni eu toutes ces référence artistiques.

En sortant du lycée, la fac t’ouvre des portes qui te font toucher un peu à tout. Ça permet de se trouver au travers des différentes options comme peinture, scénographie, design, photos,… Seulement, la fac ne développe pas forcément le côté commercial de l’artiste. Dans ce milieu, c’est important d’avoir des contacts, un réseau.

Au début j’avais peur des débouchés de l’art, que ce ne soit qu’une passion et au final elle s’est affirmée grâce à la fac. Heureusement que je suis passé par là !

Qui veux-tu interpeller avec ton travail ?

C’est un art qu’on peut dire social. J’essaie de mettre ma pierre à l’édifice, et de faire ma part en tant qu’artiste. Je veux refléter les dérives de la société, j’ai ce besoin et cette envie. Ça passe par être le plus général possible, avec des thèmes qui s’adressent à tout le monde. Des sujets qui touchent, et qui s’adressent à l’humain.

Quel est le rôle/pouvoir de l’art ?

L’art, j’ai toujours dit que ça avait le pouvoir de changer le monde, carrément ! (rires) Déjà de changer les consciences, de faire miroir pour voir ce qui va et ce qui ne va pas. Créer du malaise, faire réagir les gens. Avoir un déclic et développer cette part sensible qui est en chacun de nous. J’aime l’art lorsqu’il est accessible. Celui qui me touche le plus, le plus frappant ce sont des thèmes dans lesquels chacun peut se reconnaître. A l’inverse j’aime moins l’art trop égocentré, ce n’est pas du tout une trame dans laquelle je m’identifie.

L’art c’est une partie de toi même ?

Oui, totalement. C’est du 100%, le fait que je l’associe à ma vie en Périgord, à ce que je vois tous les jours, lis, etc… Ça reflète ma personnalité, je suis touché par ce que les gens vivent au quotidien. Je suis très sensible à mon environnement, aux faits divers etc… c’est pourquoi mon art est un peu simplifié, il doit être aussi accessible. Pas besoin de me connaître pour comprendre. Il ne vise pas un public expert, il essaie d’être à cette frontière entre ce que j’appelle les « moldus » et ceux du domaine artistique ! (rires)

Je fais un art pour les gens.

Es-tu perfectionniste ?

Non je ne crois pas, je suis équilibré, un peu entre les deux. J’aime que mon art soit compris, c’est le plus important.

Qu’est-ce que tu as envie d’essayer ?

J’aimerais bien apprendre la sculpture en soudure. Les métiers qui travaillent le bois, le fer, l’artisanat d’art. Faire des choses avec mes mains. C’est très important pour moi ce travail de la main.

Je m’en suis aperçu en comparant avec les hommes préhistoriques. Lorsqu’ils vivaient dans la nature et qu’ils devaient se nourrir, se loger, chasser/pêcher eux-mêmes. En ce temps là, la main était vraiment outil avec un savoir faire. On a voulu faire une expérience avec un pote en école de cinéma qui me suit dans pas mal de mes projets. A la base ça devait être une semaine de survie au bord de l’eau dans un coin un peu sauvage de Dordogne, ça n’a pas duré une journée ! (rires) Le but c’était de créer un habitat, se nourrir etc… Et je me suis aperçu que je ne savais rien faire, même pas du feu ! J’ai réussi quand même quelques récoltes.

La conclusion, c’était vraiment la perte d’un savoir faire. On a perdu cet outil de la main en devenant dépendant de la technologie d’aujourd’hui. Je trouve qu’on est déconnectés de la nature et c’est frustrant parce que j’ai cette envie de changer. Un désir d’auto-suffisance et de vivre de façon plus minimaliste. C’est la base.

Quelles sont tes ambitions pour le futur ?

J’essaie de proposer des solutions ! Ce serait de rétablir une relation entre l’homme et la nature, créer un art plus sensible. Un art écologique, dans et avec la nature. Un peu comme le font les land-artistes, et surtout les éco-artistes. Ce sont des mouvements au cœur de la nature, anti surproduction. Je veux tendre vers un art plus pauvre, qui demande peu de moyens financiers mais aussi qui produit peu de déchets ; une production avec un impact carbone faible, du recyclage dans la fabrication, le glanage de matériaux, l’utilisation de pigment naturels.

J’expérimente beaucoup, même si ça ne marche pas à tous les coups ! (rires) C’est dur et c’est hyper contradictoire avec mon mode de vie, je n’ai jamais manqué dans ma famille. C’est pourquoi c’est assez contradictoire ce désir de vouloir des choses simples, de privilégier un mode de vie plus responsable. De dépasser mon confort pour de la sobriété.

A propos de cette sculpture :

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Elle s’appelle Sanctuaire, c’est un hôtel à insecte, créée dans la même démarche que Jason de Caires Taylor qui m’inspire beaucoup. Son objectif à lui est de favoriser et restaurer la biodiversité sous-marine. Ses sculptures en béton naturel plongées sous l’eau permettent de recréer un écosystème qui a été détruit.

Sur le même principe, Sanctuaire est un habitat pour les insectes pollinisateurs, pour les préserver, car ils sont essentiels à notre survie. C’est un micro écosystème, un habitat spécifique pour les coccinelles, etc… avec de la nourriture. L’idée c’est d’en faire plusieurs pour les insérer dans les parcs, afin de favoriser la biodiversité !

Ta sculpture dans le centre de Bordeaux, intitulée La politique de l’autruche :

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C’était une première d’aller dans la rue et d’imposer ma vision, en l’offrant au spectateur qui n’a plus la possibilité d’aller dans les musées. Du coup c’était une manière pour moi d’aller directement me confronter aussi à l’avis des spectateurs.

Ce qui m’a poussé à faire cette sculpture c’est de voir certains domaines commerciaux être privilégiés au détriment d’autres comme la restauration, et surtout la culture (théâtres, cinémas, musées, salles de concert, etc…). Je trouve ça injuste que la culture soit sacrifiée. Le seul divertissement autorisé finalement c’est la consommation. Se retrouver sans culture, c’est la mort.

Avec Robin, le retour aux sources est une nécessité, dû au bouleversement écologique, aux crises que nous traversons. C’est pourquoi il veut dénoncer et trouver des solutions, mais également revenir aux choses simples de la vie. Le jeune homme prône la sobriété, les rencontres, et le partage. N’hésitez pas à suivre les réalisations de ce jeune artiste, qui s’inscrit dans une pratique très actuelle, tournée vers l’avenir.

Site internet de Robin Gaudillat, Instagram : @gaudi.arts

 

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