Que ce soit Joey Badass aux Etats-Unis ou Gorillaz de l’autre côté de l’Atlantique, les 2 artistes ont profités de l’investiture de Donald Trump pour se faire entendre. A travers des textes métaphoriques comme ceux du groupe britannique ou plus bruts comme ceux du rappeur new-yorkais, les artistes critiquent la politique du nouveau président dont l’impopularité bat des records.
L’investiture de Donald Trump en tant que 45ème président des Etats-Unis s’est tenue la semaine dernière à Washington. Une succession républicaine qui s’est déroulée dans une atmosphère plutôt tendue puisque plusieurs milliers de manifestants se sont mobilisés à travers tout le pays, leurs « pussyhat » sur la tête, pour exprimer leur colère envers le nouveau chef de l’Etat. Des manifestations que la communauté artistique n’a pas hésité à soutenir afin de faire entendre son opposition à la politique du milliardaire.
Le comité d’investiture de Trump qui organisait l’événement à d’ailleurs eu beaucoup de mal à trouvé des artistes acceptants de jouer pour le nouveau président tant controversé. Au point qu’aucun chanteur à la notoriété internationale ne fut présent pour inaugurer ce mandat, à la différence de ceux d’Obama qui avaient vu des grandes figures de la musique comme Aretha Franklin (en 2009) ou Beyoncé (en 2013) répondre présentes.
Si tous les artistes dont l’influence s’étend au delà des frontières américaines refusent de participer à la consécration du mandat Trump, il en est plus d’un qui n’hésite pas à le défier au travers de leur art.
Hallelujah Money de Gorillaz
C’est notamment le cas de Gorillaz qui a profité de cet événement pour sortir son dernier single intitulé Hallelujah Money. Le titre est interprété par Benjamin Clementine, l’artiste connu pour sa magnifique voix, entendue pour la première fois par son label dans le métro. Ce n’est pas un hasard si l’introduction du clip se fait dans un décor doré aux airs de Trump Tower, ni le fait que ce dernier soit sorti la veille de l’investiture du président tant contesté. Seul point positif de cette élection : elle aura fait sortir le groupe fictif britannique composé de Damon Albarn et Jamie Hewlett d’une longue absence de 6 ans !
Avec des paroles qui construisent une métaphore du « Trump divin » traduit par le refrain « Hallelujah Money« , le groupe dénonce le pouvoir de l’argent et critique la politique protectionniste de Trump qui défit la morale libérale américaine sur lequel le pays à été fondé.
Dans une ambiance religieuse Benjamin Clementine nous parle à travers des métaphores, de la croissance américaine et de son affaiblissement par les pays émergents (« And when you go to bed scarecrows from the far east come to eat its tender fruits ») et de la réaction protectionniste traduite par la construction du mur (« And I thought the best way to perfect our tree is by building walls« ). Suivi des phrases « Walls like unicorns, In full glory and galore, And even stronger than the walls of Jericho » qui soulignent l’ineptie du mur de Trump en assimilant son image à celle d’une créature légendaire et les raisons de sa construction, à la soif de gloire et d’abondance du milliardaire.
Mais c’est la dernière phrase la plus intéressante, « And even stronger than the walls of Jericho« , ce qui signifie « Et même plus grand que les murs de Jericho ». Jericho est une ville évoquée dans la bible, elle avait la réputation d’être imprenable grâce aux immenses murs qui l’encerclaient. Selon les récits bibliques, lorsque le peuple hébreux guidé par Josué arriva au pied de la cité jordanienne Dieu dit à ce dernier de lui obéir aveuglement et de tourner 7 fois autour de la ville pendant 7 jours avec les siens, le septième jour, les murs s’effondrèrent par la seul volonté divine.
L’utilisation de cette figure de style peut être interprétée de plusieurs manières:
– Construire des murs plus solides que ceux de Jericho est un non sens puisque ces derniers ont été détruit par un pouvoir divin.
– Être à l’origine de nouveaux murs de Jericho signifierait s’opposer à Dieu et à toute une population comme ces murs qui barraient la route au peuple israélite de sa terre promise.
– Garder ses richesses hors de portée des plus démunis comme la fait la cité fortifiée pour ses nombreuses ressources qu’elle garde hors de porté du peuple errant, ce qui n’as fait qu’apporter un funeste destin à la cité.
Et si je m’attarde tant sur cette phrase c’est parce qu’elle est remarquablement choisi pour faire allusion à tous ces faits et ainsi souligner la bêtise, les enjeux, la démesure et la discrimination qu’impliquent le projet et la politique du nouveau président républicain.
Avec son refrain qui nous rappel en plus le pouvoir quasi-divin que son argent a conféré au septuagénaire, « Hallelujah Money » fait une critique avisée de Donald Trump (sans jamais cité son nom) en construisant une métaphore de l’Amérique moderne et de l’impact de cette présidence sur le pays. Un retour inattendu qui vise cette fois la politique pour le groupe britannique qui avait conclu sa discographie 6 ans plus tôt avec Plastic Beach, un album qui lui était dédié à l’écologique.
http://www.youtube.com/watch?v=5d3yeszApV8
Land of the Free de Joey Badass
C’est le jour même de l’investiture de Donald Trump que Joey Badass a dévoilé un des titres de son prochain album « AABA« . Un morceau qui n’a pas été choisi au hasard par l’artiste, tout comme la date de sa sortie. Le titre dénonce à travers des paroles engagées les discriminations à l’encontre de la population afro-américaine qui sévissent dans tous le pays. Joey Badass est accompagné d’une instrumentation à la fois douce et dynamique qui fait ressortir, grâce a des drops bien placés, les puissantes paroles du rappeur.
Il évoque même la responsabilité de la religion dans ce comportement (« Every time you submittin’, we all guilty admit it. The lord won’t get you acquitted, but you still askin’ for forgiveness. Put opiates in syringes then inject his religion« ).
Donc si vous n’avez pas encore écouté la dernière chanson de Joey Badass, foncez et appréciez, que ce soit les paroles ou l’instrumentation, l’homogénéité des deux éléments ne vous laissera pas de marbre.
Sans compter que certains artistes, dans la classe cinématographique cette fois, ont déjà bouclé leur agenda pour ces 4 années de mandat comme l’acteur américain Shia LaBeouf qui sera présent devant le Museum of Moving Image de New York pour faire vivre son mouvement anti-Trump: He Will Not Divide Us, un live stream 24/24 qui durera toute la durée du mandat. Un pari ahurissant qui fait déjà beaucoup de bruit mais qui entame mal sa deuxième semaine après l’arrestation en direct de son meneur il y a quelques jours.