Les Japonais ont des idées étranges : que diriez-vous de lire une histoire d’amour entre deux potiers ? Et bien, vous auriez tort de refuser car les deux premiers tomes de The Blue Flowers and the Ceramic Forest sont un bijou de finesse…
Une histoire d’amour improbable par Yuki Kodama
The Blue Flowers and the Ceramic Forest s’ouvre par une scène anodine : une dessinatrice est plongée dans un croquis de fleur quand un étranger arrive. Tatsuki Manabe attend sans prononcer un mot mais son ombre empêche Aoko de saisir la beauté de la fleur. Tout le monde est sous le charme de la beauté et de la force de ce nouvel employé venant de rentrer d’Europe, mais Aoko le remarque à peine. Elle ne cherche pas l’homme parfait.
Pourtant, le lecteur voit très bien qu’il existe une connexion entre eux même s’ils ont au départ des relations tendues. Tatsuki n’est pas intéressé par son travail dans la porcelaine alors qu’Aoko est passionnée. Il est quasi mutique froid et sauvage. Sachant qu’il ne va rester qu’un an, Tatsuki refuse de se lier aux autres. Pire, il est odieux quand on vient le déranger alors qu’il boit seul. Chacun refusant les compromis dans leur travail, ils se retrouvent en compétition pour le décor d’un soliflore. En effet, Tatsuki prône la pureté d’une blanc et Aoko adore les dessins.
Malgré tout, une connexion se fait. Sans pouvoir s’en empêcher, Aoko est attirée par lui au point de rêver la nuit de l’embrasser. Aoko voit des dessins à ajouter sur un prototype de porcelaine blanche dessiné par Tatsuki. The Blue Flowers and the Ceramic Forest retrouve des scènes bien connues des films romantiques : se tenir à côté de son promis ou sa promise quand il dort, découvrir des secrets expliquant la brusquerie de l’homme…
Une description de la poterie d’Hasami
The Blue Flowers and the Ceramic Forest est aussi une plongée dans le milieu de la poterie par un duo classique. Une travailleuse expérimentée – Aoko – va guider un nouvel arrivant – Tatsuki – dans un monde nouveau. Cependant, la plus âgé reste motivée et l’autre ne transmet aucun émotion. Elle est née dans la petite ville d’Hasami et est la troisième génération à travailler dans la porcelaine. Très pieuse, elle prie le dieu du feu pour que la cuisson soit réussie. Tatsuki vient d’une grande ville Tokyo et a étudié le dessin industriel puis a passé un temps en Finlande.
Loin de la haute technologie, la scénariste et dessinatrice Yuki Kodama présente un atelier artisanal où tout se fait à la main. Chaque employé a sa spécialité et on peut alors regretter une reprise des stéréotypes de genre. Tatsuki commence par l’émaillage. On le voit plonger dans le liquide et écouter les conseils. L’après-midi, il aide au remplissage du four. Le tome deux de The Blue Flowers and the Ceramic Forest dévoile d’autres aspects de la poterie. Un concours est l’occasion de visiter l’atelier de moulage, celui de coulage de la céramique et enfin, l’échoppe de fabrication des tampons permettant de produire des pièces identiques en grande série. Des notes autour des cases aident à comprendre des aspects locaux de l’artisanat. La dessinatrice est une fan de la porcelaine de Hasami. Elle en possède et s’est lancée dans la poterie à l’occasion de cette série.
The Blue Flowers and the Ceramic Forest suit en parallèle le fonctionnement de l’entreprise et les relations de travail. Une employée doit partir plus tôt pour récupérer son enfant malade à la garderie. Paternaliste, la patronne veut éviter tout conflit. Les salariés passent la soirée clôturant une fête. L’année est rythmée de moments clés pour l’atelier : la fête du printemps, le marché des artisans…Aoko et Tatsuki ont des visions opposées de l’entreprenariat. Impressionné par les talents du village, Aoko n’envisage absolument pas de se lancer à son compte mais seulement de progresser dans sa fonction alors que Tatsuki, par ses voyages et son exigence, semble très ambitieux. Il a déjà connu les premiers pas du succès en Finlande avant que tout parte en fumée. Leurs styles sont également différents. Aoko est attachée à la tradition et Tatsuki cherche à bousculer les habitudes.
Édité par Mangetsu, The Blue Flowers and the Ceramic Forest réussit en un tour de main le projet de départ : raconter une histoire d’amour et en parallèle décrire la vie d’un atelier de porcelaine. Le premier tome multiplie les scènes étranges voire gênantes mais une grande partie prend sens dans le deuxième tome.
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