L’enfer se trouve dans Mother Parasite

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Le premier tome de Mother Parasite marque paradoxalement un retour, celui d’un des plus terrifiants mangakas actuels. Découvrez-en plus dans notre chronique bien plus sage que cette nouvelle série…

Mother Parasite ou la folie en famille

Les premières scènes de Mother Parasite montrent une famille idéale. Sanae Miki se dévoue pour son fils Ryôta. Elle le réveille avant l’école et commence la veille à préparer le repas. Le lecteur ou la lectrice craint de s’ennuyer avec tant de bonheur. Cependant, le dialogue intrigue : pourquoi Sanae n’a-t-elle pas connu Ryôta bébé ? Son dévouement n’est-il pas excessif ? Ces non-dits poussent le lecteur à formuler ses propres hypothèses et rend la lecture de scènes quotidiennes haletantes jusqu’aux révélations progressives.

On n’obtient aucune réponse mais d’autres questions en découvrant une autre famille tout aussi étrange. Kaoru Kasai est un collégien maladroit et harcelé à l’école. Sa mère est tout aussi possessive que Ryôta. Elle s’inquiète d’un rien faisant tout à la place de son fils. Elle se jette à la fenêtre pour le surveiller dès qu’il part. En quelques pages de Mother Parasite, l’angoisse monte tant ces familles nous semblent étranges.

Les garçons ont des comportements tout aussi étrange. Délégué de classe, Ryôta assume son rôle avec sérieux en aidant les plus faibles. Cependant, sa perfection semble inhumaine. Il sait tout et propose des solutions radicales. Comme dans un conte absurde, les relations familiales sont inversées. Dans Mother Parasite, ce sont les enfants qui décident et jugent leurs parents. Ryôta évalue les maigres qualités et les nombreuses lacunes de sa mère. Pire, il la compare aux autres parents. On comprend ensuite qu’il manipule la réalité à son profit. En comparaison, Kaoru paraît normal même si sa timidité rend son quotidien difficile à l’école.

la proposition indécente de Mother Parasite
la proposition indécente de Mother Parasite

La nouvelle perle noire d’un auteur prometteur

Le nom de Sato Hirohisa, scénariste de dessinateur de Mother Parasite, est encore méconnu des lecteurs de manga. Pourtant, pour ceux qui suivent les sorties des éditions Mangetsu, son talent a explosé dans Shigahime, Cette série de vampires en cinq tomes a démontré la noirceur du scénariste et l’inventivité gore du dessinateur. On retrouve ici des marottes de Sato Hirohisa : des relations parents-enfants tordus, des enfants pervers ou perdus…

Pourtant, de nouveaux thèmes émergent dans le premier tome. En étant plus proche de la réalité, Mother Parasite devient une satire sociale. Le harcèlement scolaire est mis en avant. Le contrôle social apparaît par des affiches dans la rues mais Sato Hirohisa dénonce surtout la pression que subissent les femmes japonaises pour être des mères parfaites. Un personnage sans nom est limité à une fonction : être une mère. Cette pression engendre une angoisse forte chez les femmes. On voit d’ailleurs comment faire les courses en supermarché peut devenir un enfer pour elles. Un garçon liste chaque faute qu’une mère commet pour éventuellement changer. Pourtant, la perfection peut être tout aussi néfaste pour l’enfant, l’empêchant de grandir.

Le dessin enfonce cette dimension satirique et installe une ambiance malsaine mais sans aucune image explicite. Les expressions sont exagérées et les positions en public sont déplacées. Le style est assez proche de Naoki Urasawa.

Le lecteur français peut aussi être surpris en lisant Mother Parasite. Les pères sont totalement invisibles. Même si la série se place dans le registre de la fable, toute l’éducation – et la pression – revient aux mères. On ne voit également que des garçons. Est-ce pour évoquer le complexe d’Œdipe ? Est-ce parce que l’éducation des garçons compte plus que celles des filles ?

Nouvelle réussite de Sato Hirohisa, Mother Parasite joue sur plusieurs registres. Loin du gore de Shigahime, le scénariste et dessinateur proposent une montée progressive de la tension digne des meilleurs thrillers psychologiques. Le début se déroule dans un cadre quotidien voire banal mais la découverte des famille Miki et Kasai fait entre le lecteur dans la folie et la manipulation.

Retrouvez les chroniques sur le tome un et deux de Shigahime sur le site.