Le Tigre Blanc : la part noire de l’Inde

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Scénarisé, réalisé et produit par Ramin Bahrani (99 Homes et Fahrenheit 451) d’après le roman d’Aravin Adiga « Le Tigre Blanc » est disponible sur la plateforme Netflix depuis le 22 janvier 2021. Et le succès est au rendez-vous : déjà 6ème du top 10 français sur la plateforme de streaming pour ce film qui propulse les spectateurs en Inde.

 

Tigre blanc Le Tigre Blanc : la part noire de l'Inde
De gauche à droite : Adarsh Gourav (Balram Halwaï), Priyanka Chopra (Madame Pinky) et Rajkummar Rao (Ashok)

 

Mise en lumière du côté sombre de l’Inde

Véritable fenêtre ouverte sur les inégalités sociales indiennes, Le Tigre Blanc offre un nouvel aperçu des fractures sociales qui, en gangrénant, vont amener le personnage de Balram Halwaï (interprété par Adarsh Gourav) à découvrir sa part d’ombre.

Entre lutte des classes, pauvreté, corruption et ascension sociale, Le Tigre Blanc se situe à mi-chemin entre le Loup de Wall Street (Martin Scorsese) et Parasite (Bong Joon-Ho). Bien que l’on puisse s’attendre à des similitudes avec Slumdog Millionnaire (Danny Boyle), Le Tigre Blanc s’avère être aux antipodes. En effet, bien que traitant d’un sujet proche (ascension sociale et financière de deux jeunes indiens issus de basse caste) le film proposé par Ramin Bahrani se révèle beaucoup plus sombre. Injustice, manipulation et violence répétées vont amener le protagoniste à se venger. Balram Halwaï va user de curiosité et d’ingéniosité pour réussir à se sortir de la pauvreté et de sa situation de serviteur. Arriviste et opportuniste, il n’hésitera pas à trahir ses propres valeurs pour arriver à ses fins.

L’histoire de Balram Halwaï est accompagnée d’une voix off enjouée mais cynique, qui apporte de la fraicheur à certaines longueurs notables et constitue un bon fil rouge.

Affiche du film
Affiche du film avec les trois acteurs principaux : Priyanka Chopra, Adarsh Gourav et Rajkummar Rao

Un scénario bien ficelé porté par une excellente distribution

Le scénario, bien que relativement « déjà vu » est bien amené. En effet, la voix off et les incrustations écran (indiquant la ville et/où l’année) permettent de suivre l’histoire de manière fluide, sans se perdre. Par ailleurs, la montée en puissance de l’injustice que subit Balram Halwaï amène également de la cohérence quant aux agissements de ce dernier. Cependant, son sourire inébranlable est en totale opposition avec ce qu’il subit au quotidien, ce qui ne fait qu’accentuer le sentiment de frustration et d’injustice que l’on ressent pour lui.

Le casting est également cohérent et porte le film de manière brillante. Adarsh Gourav (Balram Halwaï dans la fiction) offre une première performance en tant que tête d’affiche et endosse avec beaucoup de justesse son rôle. Rajkummar Rao (Ashok, le maître), très connu en Inde, est égal à lui-même : excellent. De plus, son rôle de maître plus souple que celui de son frère (Vijay Maurya aka le dur et impitoyable maître dénommé « La Mangouste ») met en lumière les disparités énormes entre les Etats Unis et l’Inde. En effet, Ashok revient en Inde après avoir passé une partie de sa vie aux Etats-Unis et est emprunt des coutumes américaines (il ne comprend par exemple pas que son frère frappe ses serviteurs, alors que pour ce dernier « c’est la seule manière de se garantir leur respect »).

La star de Quantico (Mark Gordon) Priyanka Chopra interprète avec brio « Madame Pinky », jeune indienne expatriée en Amérique et mariée à Ashok. Son rôle vient étayer la différence entre l’Amérique et l’Inde également.

 

Quand le son et la lumière se mettent d’accord

On remarquera également la qualité de la direction photographique (portée par Paolo Carnera, à qui l’on doit plusieurs épisodes de la série Gomorra). En effet, Le Tigre Blanc offre de jolies prises de vues mais également une belle approche des disparités qui surviennent entre les villes riches telles que New Delhi et des villages ou bidonvilles en proie à la pauvreté. Les décors et les costumes sont soignés et amènent de la justesse au récit.

De plus, la bande son quasi omniprésente emmène le spectateur et colle parfaitement à l’histoire. Tantôt douce, tantôt rythmée, la bande originale proposée conjointement par Saunder Jurriaans et Dany Bensi (connus notamment pour avoir réalisé les musiques de séries telles que Ozark ou The OA) apporte une vraie valeur ajoutée au film.

De bons acteurs, une musique prenante et un scénario bien amené : de quoi mettre d’accord beaucoup de monde sur le fait que Le Tigre Blanc est un bon film qui sait convaincre.