William Turner, peintre romantique : précurseur de la peinture impressionniste

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William Turner

William Turner, peintre romantique du 19ème siècle, n’est pas que l’artiste académique, en vogue à la cour, que les nobles se disputaient. 60 aquarelles et 10 tableaux, prêtés par la Tate Britain au Musée Jacquemart-André, nous montrent l’artiste dans son intimité. En effet, Turner peignait aussi pour son seul plaisir et non pour vendre. Les œuvres, léguées à l’Etat britannique, inconnues de ses contemporains et d’un large public, témoignent de sa quête artistique et de ce qui le distingue des peintres de son temps.

William Turner (1775-1851), injustement méconnu du grand public

Vue des gorges de l'Avon
J.M. W. TURNER (1775-1851) Subjects Related to the Bristol and Malmesbury Tour, View in the Avon Gorge

William Turner, issu d’un milieu modeste, grandit quasiment seul. Sa mère est internée dans un asile, suite au décès de sa sœur cadette. L’enfant est élevé dans la famille de son oncle paternel. Turner ne dit pas pour autant qu’il a passé une enfance malheureuse.

Autodidacte, il a toujours un carnet à la main pour dessiner ce qu’il l’entoure. Il travaille chez un graveur comme coloriste d’estampe puis à 14 ans chez un architecte, où il apprend la perspective et la topographie. La même année, il entre à la Royale Académie. Turner parcourt ensuite la Grande Bretagne dans un premier temps, avant de se rendre en Italie, en Suisse, en France et en Allemagne.

La Tamise près d'Isleworth
J. M. W. TURNER (1775-1851)
Thames, from Reading to Walton Sketchbook [Finberg XCV], The River Thames near Isleworth: Punt and Barges in the Foreground

Turner a une grande prédisposition pour les paysages, qu’il prend en croquis l’été et transpose l’hiver sur toile dans son atelier. On sent chez lui une dualité entre la représentation et l’expression.

À cette époque la peinture a des conventions. Les couleurs sombres sont disposées au premier plan et les tons de plus en plus clairs aux plans suivants, cette composition créant une perspective aérienne. Les sujets sont classifiés, le plus noble étant le sujet historique. On sent chez Turner, même s’il aborde ces sujets, qu’ils ne sont qu’un prétexte à exprimer une idée, un sentiment au travers de la représentation du paysage qu’il nous montre.

Le paysage disparaît dans la toile

Venice, the Piazzetta with the Ceremony of the Doge Marrying the Sea
J.M.W. TURNER (1775-1851) Venice, the Piazzetta with the Ceremony of the Doge Marrying the Sea

Dans cette représentation de Venise, on reconnaît la ville, alors qu’elle est juste esquissée. La lumière enveloppe le lointain, les tons sont tellement légers que l’eau, l’air et le ciel se confondent. S’agit -il d’un rêve ou d’une vision? Est-ce que le peintre décrit ce qu’il voit? Ou le sentiment que le paysage lui inspire? Il se dégage tellement de poésie de ce minimalisme avec cette brume qui envahit l’espace.

À la limite de l’abstraction

Venise vue sur la lagune au coucher du soleil
J.M.W Turner(1775-1851) 1840, aquarelle sur papier, 24,4x 30,4 cm Tate, accepté par la nation dans le cadre du legs Turner 1856, Photo @Tate

Ici, le peintre choisit de montrer à nouveau Venise au coucher du soleil. Mais cette fois la ville n’apparaît pas dans le tableau. Turner nous invite à contempler le ciel, qu’il anime de couleurs crépusculaires. La brume laisse transparaître des formes au premier plan. Turner dissimule le sujet annoncé dans le titre. Le contraste entre les tons chauds, vibrants du ciel et le ton froid de l’eau accentue le mouvement. Comme l’écrivait Baudelaire, Turner nous figure l’instant « où la vie afflue et s’agite sans cesse comme l’air dans le ciel et la mer dans la mer ». La couleur apporte du mouvement, de la masse autant que de la legèreté.

Vers le fantastique

Sea and SKY
J. M. W. Turner (1775 – 1851), Coucher de soleil, vers 1845, aquarelle sur papier, 24 x 31,5 cm, Tate, accepté par la nation dans le cadre du legs Turner 1856 Photo © Tate

Vers la fin de sa vie, l’artiste s’émancipe du réel et ses oeuvres tendent vers l’abstraction. La couleur, le mouvement et la lumière se confondent et s’opposent. On peut se demander si Turner s’appuie sur son observation ou sur de l’invention.

La peinture de Turner nous interroge et nous sonde. Est-elle un langage ? Les premiers peintres qui sortent de l’atelier, découvrent à quel point il est difficile de représenter la nature. Le paysage n’est pas que ce que l’on voit. Le tableau fige aussi sur la toile ce que l’on ne voit pas. La peinture est là, quelque part, entre une nature, une lumière, une palette et une sensibilité. 

View of Richmond Hill and Bridge
J.M.W. TURNER (1775-1851) View of Richmond Hill and Bridge