Critique « 20th Century Women » de Mike Mills : une comédie féministe et nostalgique

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Après sept ans de silence, Mike Mills revient avec une comédie qui pourrait être une lettre d’amour aux femmes qui l’ont élevé. 20th Century Women est aussi beau qu’unique. Été 1979, dans une maison victorienne à Santa Barbara en Californie. Dorothea Fields, la cinquantaine, veut que son fils unique de 15 ans devienne « un homme bien ». A défaut d’avoir une figure paternelle pour le guider, elle demande de l’aide à Abbie et Julie. 

 

Un film sur les femmes… Ou presque

Après un film sur son père, Mike Mill s’attaque à la biographie de sa mère. Avec Beginners (2010), il racontait comment son père (joué par Christopher Plummer et oscarisé pour ce rôle) a dévoilé son homosexualité à 75 ans, la même semaine où on lui a diagnostiqué un cancer. Dans 20th Century Women, Mills décide de s’inspirer de sa mère, femme qu’il dit rebelle, non conforme et très difficile à comprendre. Annette Bening (American Beauty, Being Julia) est splendide dans ce rôle : mère célibataire, divorcée et fière, très généreuse et fumeuse de cigarettes Salem (elle dit que fumer n’est pas dangereux, car ça ne l’était pas quand elle a commencé). Le spectateur attend avec impatience son apparition sur écran, car chaque scène est une surprise accentuée par un humour sincère.

A ses côtés on trouve Abbie qui combat le cancer et venue tout droit de New York. Le rôle de la photographe punk aux cheveux de feu est donné à Greta Gerwig (Frances Ha). Celle-ci transpire d’un mélange fascinant d’énergie agressive et d’une vulnérabilité touchante. C’est Abbie qui initiera Jamie (Lucas Jade Zumann) à la musique punk, aux écrits sur le féminisme et aux plaisirs sexuels féminins.

Pour finir, Elle Fanning incarne la meilleure amie de Jamie. Fille de psychologue, perdue dans sa volonté d’une vie poétique, mais surtout destructrice, elle préfère les histoires sans lendemains à une relation avec Jamie qu’elle remet constamment dans la friendzone. Fanning se retrouve très bien dans le style de fille en quête d’indépendance et de liberté, qu’elle a déjà présenté à l’écran avec The Neon Demon.

Même si le personnage de Jamie, garçon sensible à l’allure d’un chiot perdu (que Lucas Jade Zumann dépeint comme il se doit) est censé être un prétexte pour montrer les portraits de trois générations de femmes très différentes, c’est pourtant autour de lui que le film tourne. C’est dommage, car si on avait mis de côté les scènes d’adolescent à problèmes, le long-métrage serait vraiment sur le sujet annoncé par le titre ambitieux 20th Century Women (en français : Les Femmes du XXème siècle)

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Un film collage

Ce qui fait que l’on se laisse emporter par l’histoire de cette vie de famille recomposée et étrange est l’authenticité de l’époque. On retrouve les Ford Maverick et Galaxy, les groupes punks tels que les Talking Heads, Black Flag ou les Banshees, la seconde vague du féminisme et le discours de Jimmy Carter. C’est parce que Mike Mills s’inspire de sa propre vie que les personnages sont bien développés, sans clichés et cohérents. L’humour est toujours présent, sans être forcé.

Mike Mills souligne que 1979 est une année de transition. Malgré l’apparition sur le marché des premiers ordinateurs personnels, c’est encore un monde avant le digital et Internet. C’est une époque où les gens avaient besoin d’une présence physique, où il fallait se déplacer, voyager, où il y avait réellement de l’espace à explorer. D’où le côté très nostalgique et mélancolique du film.

Le réalisateur est un ressortissant du monde de la musique et du clip. Son passé est présent dans les longs plans de voitures, en accéléré, avec une séparation psychédélique de couleurs. D’ailleurs, tout au long du film les couleurs sont très vives, contrastées, parfois même saturées. On pourrait croire à un clip indépendant de 2 heures. La narration est enrichie des témoignages de chaque personnage (mêlant présent, passé et futur), de photographies et vidéos d’archives, tout ceci donnant presque l’aspect d’un documentaire.

20th Century Women est une comédie nostalgique sur la dernière année des 1970s, particulièrement féministe. Le spectateur ressort avec une envie d’évasion vers le soleil californien. Avec une délicatesse et légèreté particulières, Mike Mills nous déploie le portrait d’une famille moderne. Sans véritable histoire, on assiste à quelques anecdotes : une voiture qui prend feu sur un parking de supermarché, Jamie qui se fait taper dessus parce qu’il explique la stimulation clitoridienne à un camarade ou encore un dîner où Abbie essaye de normaliser la menstruation auprès des hommes. C’est ce collage qui fait le charme de 20th Century Women, car c’est comme ça que l’on construit nos souvenirs : on choisit des événements marquants que l’on idéalise par la suite

20th Century Women sort le 1er mars dans nos salles. La bande annonce :

https://www.youtube.com/watch?v=9SwD2Fwhl9I