L’homme pénétré révèle le grand tabou de la sexualité

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En lisant le titre, on pourrait croire que cette nouvelle sortie de La Boîte à Bulles est un traité de philosophie ou de théologie mais L’homme pénétré révèle un tabou bien plus profond et intime. On le fait mais on ne le dit pas. Alors lisez notre chronique en silence pour découvrir de quoi il s’agit…

Un livre qui au fond de son sujet

L’homme pénétré, un tabou de genre

Dans son introduction, L’homme pénétré nous révèle une pratique majoritaire chez les hommes mais encore tabou : la pénétration anale masculine. Pour aider à la compréhension, on suit Eddy, seul personnage fictif de la BD. Comme souvent, le personnage parle au lecteur et commence par explique sa méthode. On comprend que les auteurs, la scénariste Zoé Redondo, le dessinateur Martin Py, ont fait de nombreuses recherches bibliographiques que l’on trouve en fin de tome. Ils ont récolté de témoignages et rencontré des sexologues. Le plaisir est pourtant peu étudié et encore moins celui de la prostate. Il vient autant du corps que de l’esprit. Les orgasmes sont les projections de fantasmes sur une partie du corps. Ils sont aussi une construction sociale avec des pratiques valorisées et d’autres réprouvées. Ce début aride part des données car les auteurs semblent vouloir être pris au sérieux.

Chacun des onze chapitres de L’homme pénétré se concentre sur un personnage forgés par des témoignages issus d’un sondage. Johakim est un mec macho refusant l’idée même de la pénétration masculine. Gaëtan est un chrétien curieux. Alyssa est une féministe engagée. Merwan est un homo atypique. Le livre commence alors à aborder les tabous en commençant par la description de la stigmatisation sociale en général par le personnage de Johakim. Ensuite, L’homme pénétré montre le poids de la religion par le chrétien évangéliste Gaëtan.

Ces personnages ne sont pas juste des prétextes pour parler de sexualité mais le lecteur suit un groupe d’amis avec des aveux et des non-dits. Tout au long de L’homme pénétré, le lecteur retrouve la dualité entre dire et cacher. Cacher est synonyme de souffrance alors que la libération passe par l’aveu conduisant au plaisir. Cependant, ces personnages sont parfois caricaturaux. Johakim est le personnage le moins crédible. Son machisme vient d’un traumatisme enfantin et donc d’un manque de confiance en soi. Cela peut certes être vrai mais la présentation est simpliste.

La pénétration c’est pour analormales

L'humour dans L’homme pénétré

L’homme pénétré montre alors comment le patriarcat influe sur ces relations intimes. L’anatomie féminine est encore méconnue. Certains lecteurs découvrent que les femmes ont une prostate. Ce n’est que la première étape d’une déconstruction de la société patriarcale à travers le personnage d’Alissa. L’homme pénétré fait découvrir au lecteur une tout autre anatomie. La prostate se révèle le chef d’orchestre du plaisir.

Il peut voir dans L’homme pénétré, le lien entre sodomie et misogynie car si la pénétration est couramment évoquée chez les femmes, elle demeure taboue pour les hommes. Elle est associée à une soumission. Le livre aborde les représentations de genre pour déconstruire ce tabou. Il y a aussi un relent homophobe car cette pratique est forcément réservée aux gays.

Le dessinateur et coloriste Martin Py a la tâche ardue d’être clair sans choquer. Il réussit sans cesse à évoquer sans montrer en s’éloignant du dessin érotique. Son style tout en rondeur évoquant parfois le manga humoristique est totalement adapté. Pour autant, Py n’hésite pas à lever un tabou par l’image comme les croquis du sexe masculin pour montrer la forme, l’emplacement et le rôle de la prostate. C’est aussi lui qui est chargé de désamorcer le sérieux du texte par des blagues visuelles ou dans les dialogues.  L’homme pénétré n’intègre ni de bord de case ni décor pour se concentrer sur les personnages. De plus, une couleur par chapitre permet de séparer les personnages. La lecture est rendue dynamique par des formes de pages très différentes.

L’homme pénétré n’est pas une apologie de la pénétration anale mais le livre soulève un tabou intime devenant alors un sujet politique. On parle de plaisir mais aussi du poids de la morale, du culte du pénis, d’asexualité, de consentement et de culture viol… Le lecteur ressent un bien fou en déconstruisant les idées reçues. On peut toutefois trouver que certains passages sont un peu naïfs face au réel.

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